(Paris) Drake et Beyoncé ont surpris en s’inspirant de la house, musique des années 1990 : un revival qui permet d’honorer des pionniers afro-américains oubliés de ce courant de la musique électro.

Le Canadien a tiré le premier avec l’album Honestly, Nevermind le 17 juin, précédant de quatre jours Break my soul, single de l’Américaine. Exit le rap ou le R’n’B : les deux mégastars donnent dans un registre house, branche de l’électro répandue dans les clubs européens il y a 30 ans.

« Je suis un peu sidéré : qui avait vu venir ça ? », commente pour l’AFP David Blot, journaliste français et organisateur dans les années 90 des soirées house Respect exportées de Paris à New York.

« Drake avec Passionfruit (2017) touchait un peu à la house, mais, là, c’est choquant, dans le bon sens du terme. Et, Beyoncé, c’est carrément “dance”, même si Formation (2016) avait déjà des couleurs un peu house » poursuit le coauteur du roman graphique Le chant de la machine, dédié à l’histoire de la house.

Les deux vedettes sont bien placées dans les palmarès, en dépit d’un accueil parfois rugueux. Drake fut ciblé sur les réseaux sociaux, sur fond de supposée trahison envers la communauté afro-américaine (dont son père est issu). À l’image de ce tweet : « Qu’est-ce que c’est que cet album pour blancs de Drake ? C’est pour les clubs d’EDM ».

Frankie Knuckles

L’EDM, « Electronic dance music », est une expression qui ramasse la musique électro la plus commerciale. Dans les années 1990, Ace of Base, groupe suédois à succès, était un des symboles de ce qu’on nomme aussi l’Eurodance, excroissance de la house.

Mais Questlove, batteur américain de The Roots, véritable bible musicale, a recentré le débat sur ses réseaux sociaux, partant à la rescousse de « D & B », soit Drake et Beyoncé.

Le musicien y dénonce d’abord un « dédain » envers l’importance de la culture noire dans l’électro. Et se dit heureux « que D & B mènent la charge ».

Car l’histoire de la house s’est aussi écrite avec des DJ-producteurs afro-américains.

PHOTO JUSTIN SULLIVAN, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Drake

Chez les archéologues musicaux, pour les origines de la house, une ville, un club et un nom reviennent toujours : Chicago dans les années 1980, The Warehouse, Frankie Knuckles, DJ-producteur afro-américain décédé en 2014.

L’anecdote est célèbre. Un jour, Knuckles voit sur la devanture d’un bar : « Ici on joue de la house music ». Il demande à la personne qui l’accompagne ce que ça signifie : « C’est la musique que tu joues au Warehouse, Frankie ! »

À l’époque, les habitués du club se donnent rendez-vous à la « House », diminutif du Warehouse. Knuckles disait modestement : « Les gens ne voulaient plus de disco, on leur a donné une autre musique ».

Larry Levan

De fait, en mixant plusieurs musiques, Knuckles débarrasse le disco de ses artifices, injecte un groove-battement de cœur et une rythmique qui claque.

Knuckles, un nom tombé dans l’oubli aux États-Unis, comme ceux d’autres de ses pairs, Ron Hardy ou Marshall Jefferson.

« Aux États-Unis, cette musique est restée longtemps dans l’indifférence, sans doute à cause des liens avec les communautés noire, latino, gaie des scènes de New York, Chicago ou Detroit (techno, pour cette ville) », complète David Blot, voix de la station Radio Nova en France.

Dans Break my soul, Beyoncé échantillonne un standard de dance music des années 90, Show Me Love de Robin S. Le futur album de « Queen B », Renaissance, le 29 juillet, sera-t-il entièrement house ?

L’album sonnera en tout cas très club, selon les indices du magazine Vogue, seul média qui a pu écouter le disque chez Beyoncé. Pour la séance photo, elle voulait évoquer « la scène garage des années 90 » et les « excès des années 80 », selon Vogue.

La garage house est une branche musicale qui renvoie au Paradise Garage, club mythique de New York des années 70/80 où officiait Larry Levan (décédé en 1992), DJ afro-américain, mentor de Knuckles.