« Rappelle-toi de bouger ce que ta mama t’a donné. »

Le moins qu’on puisse écrire, c’est que Clay and Friends, vaillants ambassadeurs de la « musica popular de Verdun », ont démarré sur les chapeaux de roues. L’irrésistible groove de Bouge ton thang aurait légitimement pu être le clou du spectacle, quelque part au rappel. Or non : le succès dansant de l’été 2021 allait lancer les festivités, dans ce qui ressemblait à la fois à une prise de position – il y a urgence ! – et à une prescription pour la suite de la soirée.

« Nous sommes le funk du Québec », a lancé à mi-chemin de la pièce le pas toujours modeste – pourquoi l’être en pleine gloire ? – Mike Clay, dans sa chemise et son short tropicaux agencés.

Jeudi soir, le charismatique quintette n’a rien oublié de son récent EP Aguà (2021), et très peu de sa version remaniée Extend’eau, parue le 10 juin dernier. En guise de cadeau de lancement pour ce « premier album officiel », la troupe s’est offert la plus grande foule de sa carrière jusqu’ici. « C’est un des plus beaux moments de ma life », dira le chanteur d’une trentaine d’années, visiblement ému.

« Le slogan de l’album, ça règle 90 % des problèmes de la life : “Bois de l’eau, appelle ta mom” », a expliqué Clay devant un décor de flore aquatique, avant de croquer dans la subtilement antiraciste Chocolat en symbiose avec la chanteuse noire Hawa. « Tout le monde / Aime le chocolat / S’il est blanc / Ou il est noir ».

Parmi les huit pièces d’Aguà Extend’eau, seule Chanson pour les tristes personnes, un public peu représenté jeudi soir, a été remisée. Parce que, que ce soit « des larmes de gin, des larmes de joie », Ce n’est que de l’eau, est venu chanter Louis-Jean Cormier, fidèle à la collaboration studio.

Cette rencontre entre deux artistes, mais aussi entre la bossa nova d’Antônio Carlos Jobim et un refrain de Pierre Barouh, résume bien la « musique populaire de Verdun » : une courtepointe piquée de références françaises et de sonorités latines.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Le guitariste Clément Langlois-Légaré et Mike Clay

Le savoureux groupe pop-rock-décontract Comment Debord, ou à tout le moins deux de ses représentants, a aussi fait corps avec Clay and Friends pour prolonger sur scène la collaboration Lovely Day.

C’est toutefois la chanteuse et choriste Claire Ridgely qui a remplacé Marilyne Léonard sur Cardin. « Je suis dans l’avion avec Charlotte Cardin / Si on s’écrase, ouais, ça parlera juste d’elle. » « On est à 4 Juno et à 13 MTelus d’être Charlotte Cardin », a badiné Mike Clay, dont la bande a rempli deux fois l’enceinte de la rue Saint-Catherine.

Sur scène, la proposition de Clay est magnifiée par les rugissements de guitares de Clément Langlois-Légaré (Roméo), les prouesses d’Adel Kazi au beatbox et à la boîte à rythmes (Name On It), les jams menés par le bassiste Pascal Boisseau et l’imparable clavier d’Émile Désilets.

Étant donné une marée humaine à haute concentration familiale, on pardonne quelques artifices légèrement enfantins : requin gonflé à l’hélium pendant Grandes idées, appel au côté gauche ou droit de la foule, effet de micro qui s’étire, etc.

Déhanchements et nostalgie

Sweat and Smoke, « une petite ballade du Brésil », a par ailleurs été offerte en direct d’une baignoire posée sur scène. Tristement, les murmures de la foule, dissipée, enterraient les paroles. Elle s’est ressaisie pour faire valser des milliers de « lucioles » iPhone.

Que Onda, Cheese (normalement avec Kirouac et Kodakludo), OMG ont particulièrement réussi à galvaniser les hanches les plus timides. Le grouillant EP Grouillades a aussi donné matière à danser. Outre Roméo, les gars y ont prélevé Gainsbourg et C’est tout, déposée au rappel. D’aucuns, comme nous, ont dû se demander où était passée Joséphine.

À quelques occasions, Clay and Friends est retourné plus loin – ce qui reste assez près – dans sa discographie, c’est-à-dire dans les EP Conformopolis (2017) et La musica popular de Verdun (2019).

Sans surprise, le groupe y a pigé en fin de concert son premier vrai succès, l’hymne d’évasion Going Up the Coast, « une chanson qui a changé nos vies ». Le public s’est joint à coup de « Na na na na na naaaa ». Et Mike Clay de monter à bord d’un radeau pneumatique pour naviguer au-dessus de la foule.

Une occasion de constater à quel point la « musica popular de Verdun » a fait des vagues depuis cinq ans, de la rue Wellington à la place des Festivals.