Le nom de Nicholas Craven circule déjà aux États-Unis depuis qu’il collabore avec les stars du rap underground américain. Le compositeur et producteur originaire de l’Outaouais s’attaque maintenant au marché français. Comme première offensive, il a lancé vendredi dernier Latin Quarter, Part 1, un album commun avec Akhenaton. Nicholas Craven nous a donné rendez-vous avant de rejoindre le membre d’IAM à Marseille.

Le producteur à la barbe rousse, qui se rappelle avoir fait une présentation orale sur la chanson Petit frère d’IAM quand il était en troisième secondaire, n’est pourtant pas impressionné de publier un premier projet avec le leader de la formation. « Je suis parfois encore starstruck quand je rencontre des artistes, mais la connexion avec Akhenaton a été la plus naturelle ever. »

Il faut dire que Nicholas (prononcé en français) en a vu d’autres. Montréalais depuis le début de ses études en 2012, il a collaboré avec de nombreuses légendes de l’underground : Raekwon et Method Man du Wu-Tang Clan, Freddie Gibbs, The Game, ou encore Westside Gunn.

Du haut de ses quelque 200 000 auditeurs mensuels sur Spotify, il est suivi de Los Angeles à Chicago.

D’ailleurs, Akhenaton écoutait la musique de Nicholas Craven avant même de travailler avec lui. « Je connaissais déjà M. Craven. J’avais une émission de radio sur [le réseau de radio] Mouv’ pendant huit ans et j’ai passé énormément de morceaux qu’il [a] produits », raconte le leader d’IAM, joint au téléphone par La Presse, depuis la France.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE NICHOLAS CRAVEN

Nicholas Craven (à gauche) aux côtés d’Akhenaton

Le Montréalais collabore en effet avec The God Fahim, Mach-Hommy, Conway the Machine et Ransom depuis le milieu des années 2010. Tous des rappeurs qui ont contribué à la renaissance du hip-hop underground aux États-Unis.

En 2015, il commence à produire pour The God Fahim, rappeur et beatmaker signé chez Griselda Records – qui deviendra plus tard une référence du rap américain. Nicholas a bûché pendant un mois complet avant de lui transmettre une première composition. Un seul courriel et il reçoit, dans les dix heures suivantes, une chanson complètement terminée de The God Fahim. Il va à sa rencontre à Atlanta pour tourner un clip avec lui. Ils deviennent rapidement amis et collaborateurs.

« Je me suis dit : “Si je suis capable de [faire] une chanson folle avec Fahim, c’est le début de tout.” » Et il a eu raison, puisque cette collaboration l’a mené vers les autres membres de Griselda Records, dont Mach-Hommy. C’est grâce à son travail avec ce dernier qu’il reçoit maintenant les éloges du magazine Rolling Stone et que sa musique est recommandée par le premier milliardaire du rap, Jay-Z.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Nicholas Craven

À présent, Nicholas Craven est l’un des compositeurs qui travaillent le plus avec Mach-Hommy. Le duo vient de lancer un EP de quatre chansons, intitulé Dump Gawd : Triz Nate. Introuvable sur les plateformes de streaming, la version numérique de Dump Gawd : Triz Nate est en vente dans la boutique en ligne de Mach-Hommy au coût de 222,22 $ US. Le rappeur du New Jersey vend d’ailleurs ses albums entre 187 et 3000 $ US, et il n’a jamais de difficulté à trouver preneur.

« La meilleure chanson de Mach-Hommy, d’après beaucoup de gens, c’est Mozambique Drill [avec The God Fahim] et ça, c’est mon beat. Ça a fait mon nom en 2019. J’ai tellement trouvé de mèmes sur internet. Le monde adore cette chanson ! »

Tout ça, c’était avant qu’il collabore avec Ransom. En 2020, ils publient cinq albums ensemble. Rappeur de la côte est américaine, Ransom est apprécié de plusieurs stars. Nicholas Craven lui doit notamment sa chanson avec The Game, un artiste qu’il écoute depuis l’adolescence.

Du dessin à l’échantillonnage

La créativité du producteur se manifeste très tôt. À l’âge de 6 ans, il commence le piano après avoir remporté un concours de dessin lancé dans toutes les écoles primaires et maternelles de l’Outaouais. Il raconte que les cinq élèves les plus créatifs de la région, dont lui, ont alors été dispensés de suivre des cours de religion. Ainsi, Nicholas Craven a reçu des cours de piano durant toutes ses années au primaire.

Quelques récitals plus tard, il se met à la guitare et forme un groupe pop-punk. C’est grâce à son batteur qu’il découvre le rap au secondaire. « À ce moment-là, dit-il, j’étais encore dans mon shit rock. » Fan de Jimi Hendrix, de Pink Floyd et de Black Sabbath, il trouve que la « nouvelle musique » ne va nulle part.

Son avis change complètement lorsqu’il est exposé à l’échantillonnage (ou sampling, qui consiste à récupérer un extrait sonore d’un enregistrement préexistant afin d’en créer un autre). Il est alors âgé de 13 ans et il comprend à quel point le rap peut être créatif.

« Tu peux littéralement prendre de la musique corny, qu’on va jeter aux poubelles, et faire de quoi de mental. Le concept de collage, je trouve ça trop dope. C’est comme un nouvel instrument. [Il y a eu] le jazz, le blues et le rock, maintenant, c’est le sample. C’est ce qui nous a amenés où on est maintenant. »

Depuis, il passe sa vie à chercher les perles rares. Et désormais, les rappeurs les plus importants de l’underground s’arrachent ses productions jalonnées d’extraits soul, funk et R&B.

Latin Quarter, Part 1

Rap

Latin Quarter, Part 1

Akhenaton et Nicholas Craven

Nicholas Craven Productions/Believe Music Canada