Tire le coyote a présenté jeudi soir la première montréalaise de sa tournée Au premier tour de l’évidence. Un spectacle tout en douceur et en lenteur, à l’image de son récent album, qui a réchauffé l’âme des spectateurs.

C’est quand il a commencé à chanter Bonnie, une de ses plus vieilles chansons, a cappella et sans micro alors qu’on aurait pu entendre une mouche voler dans l’immense salle Maisonneuve, qu’on a saisi toute la relation entre Tire le coyote et le public. Un silence aussi dense et chargé est en soi une forme d’échange et cette écoute ardente et active, presque religieuse, porte Tire le coyote, Benoit Pinette de son vrai nom, à bout de bras toute la soirée.

L’auteur-compositeur-interprète amorce le spectacle de la même manière que l’album, avec le triplé Mes yeux affichent complet, poème lu par la grande Joséphine Bacon — qui semble-t-il était dans la salle —, suivie de la chanson titre, plus ambiante, et de Sillonner la lenteur, magnifique pièce épique divisée en plusieurs tableaux, qui annonce les couleurs pour tout ce qui allait suivre.

C’est qu’on parle beaucoup, avec raisons, de la poésie évocatrice de Tire le coyote et de ses textes ciselés comme des diamants. De sa voix aussi bien sûr, qui divise peut-être, mais qui est aussi devenue sa signature — sur scène, avec ce qu’elle demande au chanteur comme implication physique, elle contribue à l’envoûtement.

Mais on parle moins de sa musique, pourtant en spectacle que ça saute aux yeux : dominée par l’americana, elle n’est pourtant pas linéaire. Chaque chanson est un petit voyage dans lequel on respire beaucoup : il y a de la place chez Tire le coyote pour des intros tout en délicatesse, des ponts qui explosent et qui s’étirent, des ruptures de ton qui réveillent, des finales surprenantes.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, COLLABORATION SPÉCIALE LA PRESSE

Tire le coyote et la claviériste Ariane Vaillancourt

L’ajout d’une claviériste, Ariane Vaillancourt, et d’une choriste, Audrey-Michèle Simard, y est pour beaucoup dans l’ambiance souvent planante qui est installée, soutenue par Marc-André Landry à la basse et Jean-Philippe Simard à la batterie.

Reste que c’est Benoit Shampoing Villeneuve, vrai guitar hero et frère musical du chanteur, qui vole le show dès qu’il s’avance — et même lorsqu’il ne s’avance pas ! On entend chacune de ses notes, sa touche magique enrobe presque chaque chanson, et sa connivence avec Benoit Pinette — ils portent d’ailleurs tous deux un chapeau — ajoute à la symbiose de tout le groupe de musiciens.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, COLLABORATION SPÉCIALE LA PRESSE

Tire le coyote et le guitariste Benoit Shampoing Villeneuve

De quelques moments acoustiques à d’autres très électriques, de ballades tout en retenue en pièces plus lourdes, de morceaux anciens en nouvelles chansons, Tire le coyote nous entraine avec lui sur le chemin de ce spectacle intense mais jamais lourd, mis en scène par Émilie Perreault. Même quand il est « fâché » contre les réseaux sociaux, comme dans la pièce La couleur du vent, c’est toujours avec délicatesse. Même plus rock comme sur Chainsaw, l’ensemble reste élégant.

Tire le coyote n’intervient pas souvent sur scène pendant le spectacle. Pas besoin, ses chansons parlent pour lui. Il préfère laisser l’ambiance s’installer et les réflexions intérieures voyager au gré de ses textes. L’amour, le temps qui passe, l’héritage qu’on laisse derrière soi, ce sont les grands thèmes qui traversent l’œuvre de Tire le coyote, pas étonnant donc que l’écoute soit si recueillie — dans le dernier tiers cependant, sur Ma révolution tranquille, plus blues, ou l’héroïque Calfeutrer les failles, le public ne s’est pas fait prier pour taper dans les mains, et crier, questions de montrer plus ouvertement son plaisir.

Mais c’est lorsqu’il parle du deuil et de la mort que le chanteur semble être à son meilleur, le plus sensible, le plus vrai. Vers la fin du spectacle, le doublé avec la nouvelle et émouvante Trésorière, suivie de ce qui est probablement son plus grand succès, l’improbable hit Le ciel est backorder, l’émotion est à son comble et la communion, totale.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, COLLABORATION SPÉCIALE LA PRESSE

Un spectacle de Tire le coyote, c’est aussi un grand moment de communion.

Derrière lui pendant le spectacle, une forêt géante était par moments projetée sur grand écran, la couleur du ciel changeant selon les ambiances. Quand une lumière blanche et pure est passée à travers les troncs d’arbre pendant Trésorière, on s’est dit que c’est ça, dans le fond, Tire le coyote : une marche en forêt qui peut mener dans les recoins les plus sombres, mais à travers laquelle la lumière finit toujours par passer.

Tire le coyote est en tournée partout au Québec. Infos sur son site.

Consultez le site de Tire le coyote