Paolo Noël, le « marin chantant », s’est éteint dimanche matin à l’âge de 93 ans.

La famille a annoncé la nouvelle de sa mort dans un bref message diffusé sur la page Facebook de la bru du chanteur, Pascale Lanari, sans donner de précision sur les causes du décès. Il souffrait de la maladie d’Alzheimer. Il a rendu l’âme entouré de ses proches, a confirmé à La Presse son petit-fils Bleu Reef Obermayr.

Le chanteur avait récemment été admis aux soins palliatifs. « C’était quelqu’un d’exceptionnel, témoigne son petit-fils. Il était gentil, il avait un bon cœur. C’est lui qui m’a donné envie de faire de la musique. » Dans ses chansons, Bleu Reef Obermayr, rappeur de 29 ans, rend notamment hommage à Paolo Noël.

« Quand j’étais jeune, il me chantait La chanson du petit voilier, et je pensais que c’était juste une chanson, se souvient-il. J’ai ensuite réalisé que c’était spécial. Que moi, j’avais droit à ça. »

Son autre petit-fils, Merlin Noël, soutient au bout du fil que Paolo Noël était une source d’admiration pour lui. « Quand j’étais petit, mon grand-père m’avait dit de ne jamais écouter, si on me disait de faire quelque chose que je n’avais pas envie de faire, raconte-t-il. Ça m’a vraiment marqué. Tout au long de sa vie, il a tenu sa parole sur ça : suivre ses rêves. »

Le premier ministre du Québec, François Legault, a adressé ses condoléances aux proches et à la famille du défunt dimanche après-midi.

« Je garde de beaux souvenirs de ce chanteur de charme, de Toast et café, du Music-hall des jeunes et de son rôle de dur dans Omertà », a-t-il écrit sur Twitter.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Paolo Noël lors du tournage d’Omertà avec Stéphane Rousseau et René Angélil, en 2011

De passage à l’émission Tout le monde en parle, diffusée dimanche soir sur les ondes de Radio-Canada, le scénariste et réalisateur Luc Dionne a fait part de son expérience de travail avec Paolo Noël, notamment lors des tournages d’Omertà.

Il décrit l’homme comme un « gars de cabaret », assurant qu’il n’était jamais mal pris sur un plateau de tournage. « S’il oubliait une ligne, il inventait autre chose, il raccrochait le dialogue », relate Luc Dionne. Il en a profité pour offrir ses sympathies à la famille.

Carrière haute en couleur

Né à Montréal le 4 mars 1929, Paolo Noël passe une partie de son enfance en Gaspésie avant de revenir dans la métropole. Une imitation particulièrement réussie du chanteur de charme français Tino Rossi lui permet de remporter un concours radiophonique à CKAC en 1948. L’année suivante, il fait ses débuts au cabaret en reprenant les succès de Rossi, mais aussi du « prince de l’opérette » Luis Mariano. Il en profite cependant pour glisser dans son tour de chant ses propres compositions, en s’accompagnant à la guitare.

Il se joint ensuite à la troupe itinérante de Jean Grimaldi, dans laquelle il restera plusieurs années, qui fait le tour de l’« Amérique française » avec ses revues burlesques entremêlées de numéros de chant.

Pendant tout ce temps, il enregistre aussi ses premiers disques, aux titres allant de la chanson fleur bleue aux odes à la mer et aux bateaux en passant par le patrimoine chrétien. Il connaîtra ainsi beaucoup de succès avec des titres comme Vierge Marie, La chanson du petit voilier ou Le plus beau tango du monde.

Il anime aussi des émissions à la radio de CKVL, mais aussi à la télévision de Radio-Canada – l’émission de variétés Music-hall, en 1955. À la même époque, il se produit dans plusieurs cabarets montréalais en vogue et devient même maître de cérémonie du Café Havana et de la réputée Casa Loma.

Il pilotera par la suite plusieurs émissions à Télé-Métropole, dont Toast et café (avec Dominique Michel), Le music-hall des jeunes et Les tannants de chez nous (avec Gilles Latulippe). En 1968, les lecteurs du « journal à potins » Télé-radiomonde l’élisent « Monsieur Radio-Télévision » au Gala des artistes. Il passe ensuite à la station de radio CJMS, où il anime l’émission Le café provincial.

Chansons qui ont marqué le Québec

Paolo Noël demeure présent sur les palmarès pendant toutes les années 1960, avec des succès pop romantiques comme J’avais 20 ans ou L’amour est bleu. Il fera la Place des Arts en 1971, après son succès Je n’aime que toi. Sa carrière se poursuit dans les cabarets au Québec, mais aussi en Floride, l’hiver, sur la trace des snowbirds.

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Paolo Noël et Ginette Reno au Gala des artistes, en 1970

En 1973 et 1974, il propose des chansons fantaisistes allant de Flouche, flouche, flouche, prout, prout à Flip, flop, fly en passant par T’as donc des beaux bip bop, qui connaîtront beaucoup de succès, mais qui ne passeraient probablement pas le test du sexisme et de l’homophobie aujourd’hui.

En plus de sa carrière de chanteur, Paolo Noël a été acteur, notamment dans la troisième saison de la télésérie Omertà – La loi du silence, en 1999, dans laquelle il a interprété l’impassible tueur à gages Tony Potenza. Il reprendra ce rôle au cinéma en 2012 dans le film Omertà, qui connaîtra moins de succès. Il a aussi joué dans le film Danger pour la société de Jean Martineau en 1969 et, beaucoup plus tard, dans Ma tante Aline de Gabriel Pelletier, en 2007, et dans Les doigts croches de Ken Scott, en 2009.

L’auteur-compositeur-interprète a par ailleurs raconté sa vie en trois tomes : Entre l’amour et la haine – De l’orphelinat au succès (1980), Entre l’amour et l’amour – Tourne le vent, tourne la vie (1983) et plus récemment J’ai mordu dans la vie et la vie m’a mordu (2012).