Elle a quitté Paris pour la forêt des Ardennes. Elle lance un deuxième album, intitulé Avec les yeux. Entrevue avec l’artiste française Fishbach, qui est capable de grandiloquence comme de dépouillement.

Mettons d’emblée quelque chose au clair : Fishbach n’aime pas expliquer les paroles de ses chansons.

« J’aime brouiller les pistes, et que les gens puissent se projeter en se racontant leurs propres histoires », explique l’artiste de 30 ans alors qu’elle marche près de son hôtel de Saint-Germain-des-Prés, dans Paris.

Inspirée par l’expressionnisme, arborant des looks flamboyants et assumant son penchant pour les guitares lyriques, Fishbach ne donne pas dans la demi-mesure. Elle est mi-punk mi-tragédienne et c’est très bien ainsi. « Je pense qu’on peut être complètement sincère tout en mettant un vernis étrange qui fait dériver la lumière pour ne pas trop en dire tout en disant beaucoup. On peut être absolument onirique et être méga sincère », explique-t-elle.

« C’est pourquoi mon album s’intitule Avec les yeux », poursuit celle dont le prénom est Flora.

J’ai beau enfiler des costumes et avoir différents styles, c’est dans le message du regard que tout se dit. On peut mentir, mais les yeux ne trichent jamais.

Fishbach

Dans le clip de l’extrait Masque d’or – où le sentiment de jalousie s’exprime dans l’agitation des quatre éléments –, des accords de guitares rappellent Prince alors que Fishbach a des airs de Marlene Dietrich.

Regardez le clip au complet

Plus de cinq ans séparent le premier album de Fishbach, À ta merci – qui lui a valu d’être comparée à Catherine Ringer des Rita Mitsouko –, de sa suite. Dans l’intervalle, Fishbach a quitté Paris pour s’installer dans la forêt de Charleville-Mézières, dans la région des Ardennes.

C’est là qu’elle a grandi alors qu’elle est née en Normandie. « C’est un endroit qui me parle. Les Ardennes, c’est une terre de schiste alors que la Normandie, c’est du calcaire. »

Ce changement de décor a entraîné des ruptures de ton dans l’album, notamment avec la ballade folk coutryesque Quitter la ville, très épurée et loin de la synthpop.

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La nature ? « Cela apporte un apaisement, de la contemplation. J’ai passé mon permis de conduire et j’ai adopté un chien. Tout cela m’a apporté une vie beaucoup plus calme et cela m’a amenée à oser la douceur et parler de tendresse. »

Petite parenthèse. Patti Smith, qui a acquis l’ancienne maison d’Arthur Rimbaud dans le sud des Ardennes, a déjà fait l’éloge de Fishbach. Quand on lui fait la remarque, la principale intéressée semble rougir au bout du fil… « C’est une des plus grandes poétesses actuelles. Elle a une voix, une aura, un charisme… Elle m’a beaucoup donné de force pour être une femme dans la musique », confie Fishbach.

Sans barrière

C’est d’ailleurs avec un grand esprit libre que Fishbach a enregistré Avec mes yeux avec le réalisateur Michael Declerck. « Chaque morceau est à part entière, précise-t-elle. Je ne me suis pas dit que j’allais faire un album de tel son. J’avais parfois envie de guitares électriques, parfois de funk, parfois de piano et voix. »

L’hymne rock La foudre retentit avec des guitares électriques d’aréna bien eighties. « J’adore les guitares et leur lyrisme. Je trouve que c’est le son le plus sexy. Les guitares harmonisées parlent à mon cœur même si je sais que ce n’est plus trop à la mode. »

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Sur Tu es en vie, Fishbach chante : « I believe in love/I believe in me. » L’autrice-compositrice-interprète s’éclate avec des références à ABBA, à Bonnie Tyler et à « un générique de sitcom des années 1990 », énumère-t-elle.

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Dans le clip de Masque d’or, Fishbach prend les airs d’une Marlene Dietrich, disait-on. Dans le clip de Téléportation, elle porte des costumes médiévaux… « Tous ces personnages sont en moi. Je peux être une adolescente androgyne. Je peux être en talons hauts et dans la séduction […] C’est une volonté de ne pas m’enfermer dans un carcan ou un personnage qu’on pourrait m’attribuer. Cela pourrait être confortable, mais cela pourrait me bloquer dans la création. »

Introvertie ou extravertie, Fishbach ? « Ça dépend des jours. Quand je suis expressive, c’est que je me protège d’un truc. »

Si elle aime pouvoir arborer différents visages, Fishbach ne se la joue pas du tout. Elle nous confie avoir pris l’avion pour la première fois en 2016 pour une prestation à Berlin. Quant à son rôle dans la série Vernon Subutex aux côtés de Romain Duris, elle explique l’avoir obtenu quand une directrice de casting l’a vue reprendre une gaffe dans une imitation de Mylène Farmer. « J’ai travaillé comme une folle pour faire de mon mieux et j’ai adoré faire cela », souligne-t-elle.

À l’heure actuelle, Fishbach prépare son retour sur scène et cela se fera en solo. Elle sera en spectacle au MTELUS le 15 juin. « Je serai à Québec aussi. Je suis trop contente. J’ai hâte. J’ai de si beaux souvenirs des Francos à L’Astral. »

Nous aussi. Vivement les retrouvailles.

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