Pour Dave Grohl, les décisions esthétiques que prend un artiste devraient être le miroir de qui il est profondément. « Si tu rencontrais Nick Cave et que tu te rendais compte que c’est un gars foufou, qui aime passer du temps dans des bars sportifs et manger de la pizza toute la journée, soudainement, tu considérerais peut-être son œuvre différemment », dit le fondateur des Foo Fighters au sujet du ténébreux chanteur australien.

Dave Grohl incarne pour sa part deux idées d’apparence contradictoires, reflet de la personne à la fois intense et grégaire, excessive et joyeuse qu’il semble être. S’il faut se fier au refrain qu’il a entonné comme tête parlante dans des centaines de documentaires, le rock est pour lui une musique essentielle, ayant le pouvoir de changer des vies… mais aussi un univers risible face auquel il serait ridicule de ne pas faire preuve d’un minimum d’autodérision.

PHOTO ANDREW STUART, FOURNIE PAR OPEN ROAD FILMS

Dave Grohl dans Studio 666

Que les Foo Fighters aient choisi d’investir autant d’heures dans un projet loufoque comme Studio 666, une comédie d’horreur se moquant de tous les clichés de l’histoire du rock, apparaît en ce sens tout à fait logique.

« Il y a des choses que je prends très au sérieux, comme la création d’un album. Isole n’importe quelle chanson que j’ai jamais enregistrée et je peux te dire exactement pourquoi j’ai écrit chaque ligne », souligne le légendaire musicien, entre deux bouffés de cigarette, lors d’un bref tête-à-tête sur Zoom. « Mais en ce qui concerne à peu près tout le reste, on préfère juste s’amuser, comme on le fait depuis toujours dans nos vidéoclips, parce qu’un vidéoclip, de toute façon, c’est généralement comme une publicité de friandises : on essaie de te vendre une image. »

Et puis, il y a aussi qu’après plus de 25 ans, ce serait étouffant si les projets du groupe se résumaient à des disques et à un nom sur des t-shirts. Il y a toutes ces idées folles qui nous tombent dessus, comme un film d’horreur. Pourquoi on n’irait pas jusqu’au bout ?

Dave Grohl

Pressés par le patron de leur maison de disques (Jeff Garlin) de lui livrer séance tenante un nouvel album, les six membres des Foo Fighters s’installent dans un manoir du quartier Encino, à Los Angeles, où ils se heurtent rapidement à d’étranges phénomènes.

Le synopsis de Studio 666 vous rappelle quelque chose ? Normal. En tournée promo pour Medicine at Midnight, 10e album des Foo lancé en février 2021, Dave Grohl racontait à qui voulait l’entendre avoir été visité par des forces occultes, un mensonge qu’il comptait rapidement démonter lors de la parution du long métrage. Il n’avait évidemment pas prévu que son tournage serait interrompu par une autre forme d’horreur, celle de la pandémie.

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Le guitariste Pat Smear dans Studio 666

Dans cette maison hantée par le fantôme d’un rockeur, Dave Grohl devient ainsi une version monstrueuse du petit tyran qu’il a déjà été dans la vraie vie (comme il l’avouait lui-même dans le documentaire de 2011 Foo Fighters : Back and Forth). Face à un insurmontable syndrome de la page blanche, le batteur est peu à peu avalé par la folie, mange de la viande crue, hallucine Lionel Richie et entraîne ses collègues dans l’écriture d’une interminable (et formidable) fresque stoner rock/trash metal. Dans plusieurs scènes de Studio 666, le guitariste Pat Smear porte un pyjama de grand-papa.

Vous êtes confus ? Le réalisateur BJ McDonnell s’en réjouit. « Je trouve ça fantastique que personne ne comprenne exactement le ton du film avant de l’avoir vu », lance celui qui souhaitait pour Studio 666 à la fois emprunter à l’humour noir d’Evil Dead, à la violence burlesquement outrancière de Friday The 13th et à l’esprit de camaraderie des fictions mettant en vedette les membres d’un groupe comme Rock’n’Roll High School des Ramones. « Je voulais que ce que les gars disent soit drôle, mais que le look du film soit sérieux à mort. »

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Dave Grohl et le réalisateur BJ McDonnell sur le plateau de Studio 666

Ne pas dormir

Depuis le début de cette pandémie, Dave Grohl ne semble jamais s’être arrêté. Après avoir révélé Medicine at Midnight, il présentait son documentaire What Drives Us en avril 2021 et publiait en octobre le récit autobiographique The Storyteller. Il a aussi renoué avec ses tambours, le temps de collaborations avec Halsey, Mick Jagger et Liam Gallagher. Quant aux Foo, ils jouaient au Madison Square Garden en juin et lançaient en juillet un EP de reprises des Bee Gees, avant d’être intronisés au Temple de la renommée du rock’n’roll en octobre.

« Tout ça me vient de ma mère, qui était prof dans une école publique et qui travaillait foutrement fort, de 5 h du matin jusqu’à 9 h le soir. Elle était infatigable, et cette éthique de travail me guide encore à ce jour », explique le jeune quinqua de 53 ans.

Il faut aussi dire que je n’ai pas besoin de beaucoup de sommeil et que je serais cave de ne pas dire oui à toutes ces belles occasions qui se présentent.

Dave Grohl

L’auteur de ces lignes venait de lui demander si l’énergie vitale que lui grugent les nuits mouvementées de son bébé de 16 mois lui sera un jour rendue. Grohl est le père de trois filles de 7, 12 et 15 ans.

« Ça revient, oui. Mais c’est drôle, parce que lorsque tu deviens parent, tout le monde te parle d’entraînement au sommeil. Il faut que tu apprennes à ton enfant à dormir un certain nombre d’heures. Mais c’est le contraire qui se produit : ce sont tes enfants qui t’apprennent à dormir moins. Je te le dis : tu ne dormiras jamais de la même manière du reste de ta vie. »

Il conclut, dans un clin d’œil à une inoubliable vidéo virale de 2010 le dépeignant en accro à la caféine : « Il ne faut surtout pas que tu oublies de boire du café. Beaucoup de café. »

Regardez la vidéo (en anglais)

Studio 666 prend l’affiche le 25 février.

Les Foo Fighters seront la tête d’affiche d’Osheaga le 29 juillet.

Dave Grohl en faveur d’un Félix hommage à Voivod

IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

Voivod en 2018

Nous soulignions le 4 février dernier, à l’occasion de la parution du 15e album de Voivod, Synchro Anarchy, que le groupe originaire de Jonquière, qui célèbre ses 40 ans cette année, n’a jamais remporté de Félix. Le Gala de l’ADISQ devrait-il remédier à cette injustice cet automne en lui décernant un prix hommage ?

Dave Grohl, fan de longue date de la formation québécoise, pense que oui. « C’est fou qu’ils n’aient jamais été reconnus chez eux ! », s’exclame celui qui, en 2004, confiait au batteur (et graphiste) Michel « Away » Langevin la création de la pochette de son projet métal Probot, un album auquel le chanteur Denis « Snake » Bélanger a aussi participé. « Voivod a été à ce point influent partout dans le monde, parce que le groupe faisait de la musique que personne d’autre ne faisait.

« Piggy, le [défunt] guitariste original, a inventé une manière atonale de façonner des accords et des mélodies. Ses accords étaient à ce point atonaux qu’ils n’auraient pas dû bien sonner, mais il avait une façon unique de les rendre mélodiques. Et ça, c’est difficile ! Ça, ça ressemble plus à du foutu jazz qu’à A Hard Day’s Night. C’est subversif ! […] Tous mes amis qui écoutaient du métal underground dans les années 1980 ont été inspirés d’une manière ou d’une autre par Voivod. Ils sont les seuls de leur espèce. Ils devraient être célébrés pour leurs innovations. Leur contribution est gigantesque. »