Le retour d’Adele fait jaser depuis des semaines. On l’a vue un peu partout parler de ce qu’elle a vécu durant les six années qui se sont écoulées depuis la parution de 25, en 2015. On a aussi entendu Easy On Me, en octobre, qui ne laissait présager aucun virage majeur pour la chanteuse anglaise, et vu le clip tourné par Xavier Dolan. Après tout ce battage, 30, assurément l’un des albums les plus attendus de l’année, est finalement paru vendredi.

« J’apporterai des fleurs au cimetière de mon cœur », chante délicatement Adele, en ouverture de son disque. La référence au divorce qu’elle a traversé est claire. Ce ne sera pas la seule sur ce disque profondément marqué par cette peine d’amour et la lente reprise en main de sa vie de mère et de femme. Un peu d’orgue, des violons élégants, des arrangements mélancoliques, d’une grandeur raffinée, on se croirait dans un musical du milieu du XXsiècle.

Sa douleur, un mince espoir aussi, s’affirment sur Easy On Me, puissante ballade où le chant de l’interprète se pose et s’envole sur un piano et un peu de basse. Un dépouillement qui sert bien tant le propos que l’émotion. Après seulement deux morceaux, on sent déjà que sans vraiment s’écarter de ce qu’Adele a offert dans le passé, ce disque sera plus cru, plus révélateur que ses précédents. Sur My Little Love, morceau soul tamisé, elle glisse d’ailleurs des extraits d’échanges entre son fils et elle, et une confession entrecoupée de sanglots où elle parle sans détour de sa solitude.

Il y a beaucoup de violons sur 30 et une soul abordée sous un angle plus pop qu’à l’ordinaire (Cry Your Heart Out et Oh My God, en partie rythmées par des claquements de mains et une rythmique qui se veut joyeuse). Un mouvement bien équilibré entre l’intime et quelque chose d’un peu plus théâtral aussi. Or, ce n’est pas tant dans sa facture que ce disque se démarque, même si elle sort un peu du cadre qu’elle a établi ici et là. C’est plutôt dans le propos, d’une franchise presque impudique, que la différence se sent.

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30 est la gracieuse chronique d’un cœur brisé et de sa rémission. Le chagrin se sent partout, même en sous-texte dans les morceaux les plus entraînants où la chanteuse tente de retrouver la joie, quitte à devoir la feindre un peu. Dans ses moments de dépouillement comme dans ses moments de grandeur, 30 trouve toujours le ton juste.

Ce ne sont donc pas les prouesses esthétiques qui comptent ici. Ni même les arabesques vocales. Ce qui donne tout son sens à cette collection de chansons, c’est qu’Adele trouve les mots pour exprimer ces moments où le cœur est au plus bas, tout en sachant qu’il relèvera la tête un jour. Et c’est pourquoi 30 est un beau grand disque.

30

POP

30

Adele

Columbia/Sony

8/10