(Paris) Nick Cave, archange d’un rock crépusculaire, toujours aussi intense sur disque et sur scène, extirpe de sa malle aux trésors des morceaux rares ou inédits, au terme d’une tournée automnale en salles et avant un retour dans les festivals d’été.

C’est la deuxième fois que l’Australien se livre à une telle exploration de l’œuvre qu’il a forgée avec ses Bad Seeds, son groupe depuis les années 1980. B-Sides & Rarities Part II sort ce vendredi, 16 ans après la première moisson du genre.

« J’ai toujours aimé (le premier) B-Sides & Rarities, plus que nos autres albums. C’est le seul que j’écoute volontiers. Il y a quelque chose dans la modestie de ces chansons plus proche de leur esprit originel », explique dans les notes d’intention l’artiste, qui ne s’exprime plus dans la presse depuis la mort accidentelle en 2015 d’Arthur, son fils de 15 ans.

B-Sides & Rarities Part II poursuit, selon ce sexagénaire toujours svelte, « cette étrange et belle collection de chansons perdues des Bad Seeds », avec 27 pépites exhumées sur la période 2006 à 2020.

En 2005, la première fournée des raretés venait des archives 1988-2005 ratissées par Mick Harvey, ami d’enfance et musicien qui accompagna longtemps Cave au sein de The Birthday Party ou des Bad Seeds. Le volume II a cette fois été compilé par Cave et Warren Ellis, preuve de la position centrale qu’occupe désormais le second dans l’univers du premier.

« Sens du risque »

La semaine dernière, les deux compères ont d’ailleurs donné sous leurs deux noms deux spectacles à Pleyel à Paris, dans le cadre d’une tournée européenne, accompagnés de trois choristes et d’un autre musicien.

Warren Ellis « est devenue la force discrète et rassurante sur laquelle Nick Cave s’appuie et dont il se sert pour avancer », écrit ainsi Christophe Deniau dans Nick Cave l’intranquille (Le Castor Astral).

Cet Australien à la barbe d’ermite faisait partie d’une formation, les Dirty Three, qui impressionnait Cave par sa « liberté », sa « spontanéité » et son « sens du risque », comme le raconte Christophe Deniau. Ellis apparaît d’abord comme simple violoniste sur les chansons de Cave dans les années 1990. Puis, celui qui devient un multi-instrumentiste de génie (il a cosigné l’album de poèmes mis en musique par Marianne Faithfull sorti cette année) monte sur scène à cette époque avec les Bad Seeds.

Dans les années 2000, Cave et Ellis composent ensemble des bandes originales de films et découvrent par ce biais que laisser des « respirations » dans leur musique leur permet « de donner de l’ampleur à leur production », décortique encore l’auteur de L’intranquille.

La bascule a lieu sur l’album Push The Sky Away (2013) quand Ellis cosigne les morceaux avec Cave, honneur que n’avait pas eu Mick Harvey chez les Bad Seeds. Après la perte de son fils, Cave s’est encore rapproché d’Ellis pour inventer « sa propre façon de raconter l’inexplicable », comme le résume Christophe Deniau.

« Aura grandissante »

Cave a ainsi tenté de faire son deuil avec les opus Skeleton Tree (2016) et Ghosteen (2019). Et quand il a voulu s’exprimer face aux confinements et à la crise sanitaire, c’est tout naturellement à Ellis qu’il s’est associé pour Carnage, signé sous leurs deux noms (2021). Ces trois albums ont d’ailleurs constitué le corpus des concerts donnés récemment à Paris, ville que connaît bien Ellis puisqu’il réside désormais en région parisienne.

Pour en revenir à ces disques, B-Sides & Rarities Part II permet d’ailleurs d’entendre pour la première fois Earthlings, issu des sessions de Ghosteen, un joyau à la beauté sépulcrale.

Pour ceux qui n’ont pu les voir en salles cet automne, Cave et Ellis reviendront avec les Bad Seeds pour un tour des scènes d’été, du Primavera Sound à Barcelone le 4 juin 2002 à Rock en Seine en région parisienne le 26 août 2022. « C’est une très belle satisfaction, plus le temps passe plus Nick Cave a une aura grandissante », s’est félicité auprès de l’AFP Matthieu Ducos, directeur de Rock en Seine.