Vendredi dernier, le rappeur Tizzo a fait paraître Pour le plug, un premier album officiellement distribué. Moins connu du grand public, le gagnant 2019 du Prix de la chanson SOCAN en est pourtant à son huitième disque. Il cumule des millions d’écoutes et des milliers d’abonnés sur les réseaux sociaux, spécialement sur l’application Snapchat, là où il fait la promotion de sa musique. La Presse l’a rencontré dans Ahuntsic, son quartier d’origine.

On trouve donc Tizzo, sourire aux lèvres, qui nous fait rapidement oublier son retard. Il raconte, avec un parler québécois parsemé d’expressions créoles haïtiennes, à quel point le parc à côté de chez lui a changé. « Sans ça, il n’y en aurait pas, d’albums », reconnaît-il en parlant des Habitations Meunier-Tolhurst. Un HLM qui a fortement été médiatisé parce qu’il accueillait beaucoup de vendeurs de drogues.

Des sachets aux cachets

Tizzo a publié ses premiers vidéoclips au début des années 2010. « Avant, dit-il, j’étais encore dans les activités [criminelles]. » C’est ce qui différencie le Tizzo de J’suis gris, sa première chanson parue il y a près de 10 ans, de celui d’On fouette, un de ses grands succès, lancé en 2018. Teddy Laguerre, de son vrai nom, a changé, comme le parc à côté de chez lui.

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Sauf que les références aux activités criminelles sont pratiquement incalculables sur son nouvel album. « Si tu écoutes bien, tu vas voir que je remets toujours en place que je parle d’avant », fait remarquer Tizzo. En effet, dès le premier extrait, Shewing Gum, le rappeur précise. « Moi, j’ai préféré les passer, 16 onces divisées en sachets. Maintenant, sur le micro j’vais cracher. Quand je monte sur scène, c’est un cachet », rappe-t-il.

Les références à son parcours scolaire y sont également nombreuses. « Je voulais un diplôme, j’ai eu un casier », avoue-t-il, toujours sur Shewing Gum. Sur l’album, Tizzo rappelle constamment qu’il n’a pas été un élève modèle. Cheminement particulier, en duo avec le rappeur MikeZup, raconte le passé trouble des deux comparses sur les bancs d’école. Aujourd’hui, Teddy Laguerre arrive pourtant à vivre de sa plume. En entrevue, l’artiste qui n’a toujours pas son cinquième secondaire nous garantit qu’il s’en sort finalement très bien.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Tizzo fait paraître de la musique et des vidéoclips depuis une dizaine d’années.

Tizzo a foulé des scènes tout l’été. Du festival La Noce au Saguenay jusqu’aux Francos de Montréal en passant par le MTELUS, le rappeur révèle qu’il gagne beaucoup d’argent grâce aux spectacles. Il invite avec lui ses amis rencontrés en prison qui commencent tout juste à rapper. JuicemanSF, par exemple, l’a suivi jusqu’au Saguenay.

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Quand Tizzo est loin de la scène, c’est d’ailleurs pour aider à l’éclosion d’autres rappeurs qu’il apprécie. Il travaille notamment sur les artistes de son propre label, Canicule Records, signé à la maison de distribution Believe Canada.

Ne pas fermer les portes

Lorsqu’il remporte un prix SOCAN avec la chanson On fouette qui aborde le trafic de stupéfiants, Tizzo aide alors à ouvrir des portes pour les rappeurs issus de son milieu.

Je veux faire comprendre aux gens de l’industrie [musicale] que ça existe, des gens qui changent pour faire juste de la musique. Il y en a qui chantent, mais qui continuent à faire leurs activités louches. Pourquoi ? Parce que les portes sont fermées.

Tizzo

En effet, il est encore difficile pour certains artistes de se produire en spectacle. Un bon exemple, selon lui, réside dans l’annulation en septembre dernier du festival LVL UP par crainte d’incidents par arme à feu dans la foule. À ce sujet, il croit fermement que ce genre de recul n’aide en rien. « Si plus de portes étaient ouvertes, on aiderait beaucoup plus de monde à vraiment changer », avance-t-il.

Tizzo a donc encore du travail à faire avant qu’on l’écoute et qu’on lui ouvre toutes les portes. D’ici là, il défendra notamment son plus récent effort, l’album Pour le plug.