« On était dû depuis longtemps », chante KNLO sur le simple estival Camping, le neuvième de son tout neuf Sac à surprise. C’est aussi ce qui vient en tête lorsqu’on prête attention aux deux années qui séparent Sainte-Foy (2019), album rap de l’année à l’ADISQ, de cette nouvelle offrande « afrobascanadienne ».

Mixtape groovy et funky à l’été 2020, signature sonore d’Occupation double, collaborations publicitaires, série de concerts… Le rappeur le plus polyvalent de la famille Alaclair Ensemble a pris son envol solo devant les yeux — et les oreilles – du grand public.

Tous ces projets nous ramènent en outre à la musique. Celle contenue dans Sac à surprise nous renvoie aux apprentissages d’une maman célèbre : « La vie, c’est comme une boîte de chocolats, on ne sait jamais sur quoi on va tomber. »

« J’aime, en tant qu’auditeur, les vibes très constants, affirme pourtant KNLO. Mais depuis le début, je ne peux pas combattre ça. »

C’est aussi pour ça le titre, Sac à surprise. Ça résume un peu de quoi ont l’air tous mes albums dans le passé : des variations de thèmes et de styles.

KNLO

Côté thèmes, difficile d’extraire un fil conducteur de ce quatrième projet solo — si on exclut une pléthore de « beat tapes » expérimentaux depuis le milieu des années 2000. Quoiqu’il y ait peut-être cette conscience exacerbée du temps qui passe, puis cette urgence d’y répondre par la fête et les « grouillades ».

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

KNLO en spectacle pour la fête du Canada dans le Vieux-Port de Montréal, en 2019

« On attend pu les fériés, les anniversaires, pour célébrer d’être nés », rappe Akena Okoko, de son vrai nom, sur Continuer. « Dans l’temps on savait même pas on venait d’où, maintenant on veut être bon popa, bon époux », renchérit le père de deux filles sur la personnelle Fantaisie, coécrite avec Modlee et soigneusement « scratchée » par SevDee.

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« J’ai l’impression que la musique naît de la communauté, et je suis le vibe, note KNLO, raccourci de KenLo Craqnuques. Oui, il y a peut-être un changement de paradigme que la paternité ou l’âge a amené. De la vingtaine à aujourd’hui, je suis clairement passé de “souhaiter être expérimental et inventif” à “vouloir entrer en communication avec la communauté ambiante”. »

Côté styles, le rap oldschool et verbeux de Game côtoie le dancehall de Nés prêts ou encore le post-rigodon « alaclairien » de Ça appelle, composée dans les loges de Star Académie avec la complicité d’Eman et de Claude Bégin.

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Les neuf pièces forment en quelque sorte un anti-album concept. Au cours des derniers mois, quelques bonbons avaient déjà été distribués : Camping, avec sa femme, Caro Dupont, C’est beau, à la demande de l’animateur d’OD Chez nous, Jay Du Temple, et Une seule langue, rehaussée par le rappeur londonien Namani. La trame afro y est découpée par un refrain emprunté à Turn Me On, de Kevin Lyttle.

« Au début, je voulais faire un album seulement de reprises, confie KNLO. Je vais finir par le faire, mais au niveau des droits, c’est complexe. C’est le seul résidu de cette idée initiale là. »

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Cette fois, les beats ont été confiés non seulement aux fidèles Vlooper — aussi coréalisateur — et Caro Dupont, mais aussi à de vieux potes de la scène de Québec : le reggaeman Bob Bouchard ou encore Koudjo, qui est crédité — avec son complice Kheir — sur deux titres.

Une musique collective

KNLO aime répéter que sa musique, même en solo, est collective. Chaque fois, la famille, à commencer par le collectif de création musicale et visuelle K6A, n’est pas très loin. « Je travaille beaucoup avec les mêmes gens. C’est un élément qui nous protège. Le contexte de création demeure le même. »

Quant à sa famille réduite, Alaclair Ensemble, elle semble sur le point de laisser échapper une suite à America, volume 2 (2019). « Ça va brûler. Je ne peux pas drop le titre ni la date, mais je peux dire que c’est chaud bouillant. »

À noter que sur scène et sur disque, le collectif est désormais privé du rappeur Maybe Watson, emporté en juillet 2020 par la vague de dénonciations d’inconduites sexuelles. Un casse-tête pour l’équilibre du groupe ?

On s’adapte. On apprend à jongler avec ça. On est des gestionnaires.

KNLO, à propos du membre de son groupe emporté en juillet 2020 par la vague de dénonciations

« Chaud bouillant » pour Alaclair, donc, mais tiède pour l’auteur Akena Okoko, qui avait fait paraître en 2019 le recueil de courts textes Sainte-Foy, extension de l’album homonyme.

« La suite va être plus en profondeur, plus étoffée. Je travaille toujours en coulisses sur des écrits, mais il n’y a pas de sorties. La relation va bien avec la maison d’édition [Ta Mère], et la saison de vie de Sainte-Foy n’est pas terminée. Je continue à faire des ateliers. »

En attendant la prochaine surprise, KNLO continue à remplir son sac.

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Disques 7ième Ciel

KNLO, l’aventure commerciale

Dans la dernière année, KNLO a fait danser le troisième âge avec sa chanson Plafond dans une campagne publicitaire de Sélection Retraite, a prêté sa voix et son image à l’épicier Metro et s’est associé à Occupation double Chez nous pour la pièce C’est beau. « Si on regarde la pochette de l’album Le sens des paroles, on avait inséré une circulaire de publicités de tous les business de nos amis, raconte le rappeur. Le clip de BBC a aussi été fait comme une publicité. Pour nous, c’était foncièrement fait dans le but de présenter un portfolio. Quand on a compris qu’on faisait déjà de la publicité de toute façon, ça m’a un peu mené à la compréhension de la map économique. Aujourd’hui, ça se rajoute dans le portrait financier. C’est non négligeable. On essaie de gérer et de faire de son mieux. Ça ne semble pas être tout le monde qui est willing dans notre domaine. Il faut jongler avec ça. J’appelle ça marcher sa dignité. »