Le deuxième album de Naya Ali, Godspeed : Elevated, est une suite, une évolution et une « prise de risque ». Un disque imprégné des sons hip-hop distincts de Toronto (surtout) et de Montréal. Une œuvre qui, au-delà de ce qu’elle raconte, est une preuve que tout est possible. Entrevue avec la rappeuse montréalaise, dont l’album est sorti vendredi dernier.

Commençons par la fin. Juste avant de conclure l’entrevue avec La Presse, Naya Ali offre sa réflexion sur sa musique et son rôle en tant qu’artiste. Elle a hâte de faire partager son nouvel opus parce qu’elle veut ajouter une brique au « mouvement » culturel auquel elle appartient. « Pour moi, la musique est un médium. Je le fais pour la culture. C’est plus grand que juste la musique, c’est plus grand que moi », dit-elle de sa voix calme, teintée du craquement rauque qui s’intensifie quand elle rappe.

La rappeuse cite alors Kanye West, qui a dit un jour (nous paraphrasons) : « Si tu m’admires, tu t’admires toi-même. » « C’est une devise à laquelle j’adhère, explique Naya Ali. Tout ce que je fais, c’est pour montrer que c’est possible. Il faut d’abord faire le chemin intérieur, avoir confiance en soi et essayer. »

L’artiste de 31 ans passe du français à l’anglais (parfois plusieurs fois dans une même phrase), maîtrise les deux à la perfection. Quelle que soit la langue, elle discute avec beaucoup de sagesse de son œuvre et de son parcours. Si elle parle du fait de se faire confiance et de tenter le coup, c’est parce que c’est exactement ce qui l’a menée là où elle est.

La musique, toujours « dans le background » de sa vie, est devenue un passe-temps dans sa vingtaine. « J’ai gravité vers la poésie, et ça a évolué en rap, raconte-t-elle. Je suis tombée amoureuse de Lauryn Hill et de Tupac. Mais ce n’était pas encore une passion. » À 28 ans, alors qu’elle travaillait en marketing, elle s’est rendu compte qu’elle n’avait encore jamais fait quoi que ce soit pour elle-même.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

La rappeuse Naya Ali

J’avais l’impression de toujours être investie dans les projets des autres, avec des idées qui ne m’appartenaient pas. J’ai décidé de prendre un risque pour voir où ça pouvait me mener.

Naya Ali

Un microalbum (Higher Self), un contrat de disque avec Coyote Records et un premier album (Godspeed : Prelude) plus tard, la voici à gagner sa vie en rappant et sur le point de sortir un deuxième album long. Est-elle surprise de la vitesse à laquelle les choses ont évolué pour elle ? « Oui et non. Je ne suis pas surprise parce que j’y croyais à 110 %, répond-elle. Je voulais changer ma vie et, tous les jours, je me disais ça en me réveillant. Les choses ont débloqué pour moi quand j’ai sauté de la falaise. »

Jamais deux fois le même album

Son récent album est une nouvelle prise de risque, né de l’intention de ne jamais présenter deux fois le même style, de se montrer toujours plus vulnérable et de s’associer à de nouveaux partenaires (tout en gardant ses anciens collaborateurs près d’elle).

Après un disque qui l’a présentée au monde, dont le ton était plus accessible, elle présente sur Godspeed : Elevated un côté plus sombre de son rap, plus près de ce qu’elle avait fait sur son mini-album. « Il y a une connexion avec Higher Self, mais c’est plus évolué, plus travaillé », décrit la rappeuse.

Je ne voulais pas être confortable dans les sons auxquels les gens sont habitués.

Naya Ali

La Montréalaise, qui a grandi à Notre-Dame-de-Grâce, est donc partie dans la Ville Reine pour travailler sur une partie du nouvel opus. À Toronto, « il y a une autre vibe, un autre son, une autre culture, dit-elle. Les personnes que j’ai rencontrées là-bas m’ont donné une nouvelle perspective. Par exemple, j’ai incorporé des sons éthiopiens pour la première fois [elle est d’origine éthiopienne] ». Son travail avec le musicien et producteur torontois Adrian X a fait des étincelles. « C’était la première fois que je le rencontrais et c’est comme si on se connaissait depuis 10 ans ! Il est guitariste, et sa musicalité est très prononcée. Avec lui, on a ajouté des instruments live, qui donnent une vibe plus organique. »

Entre Montréal et Toronto

Ali estime qu’elle n’aurait pas pu faire les chansons qu’elle a créées à Toronto en étant à Montréal. Le rap anglophone n’est pas le même dans les deux villes – la place qu’il prend non plus. « Le rap anglo est encore en train de se développer [ici], dit-elle. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de talent ou de volonté. Ça va naître concrètement un jour, ça va venir organiquement. C’était la même chose à Toronto avant Drake. Les gens dans la ville n’écoutaient pas trop ce qui se faisait. Quand il a exporté sa musique à l’international, une culture s’est créée autour de cet artiste qui représente la ville. Ce sera la même chose pour Montréal, je pense. C’est une question de temps. »

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Peut-être sera-t-elle celle qui mettra le rap anglophone montréalais sur les radars du monde ? Elle semble en avoir la force et l’ambition. Mais la mission qu’elle se donne est plus simple encore. « Je veux créer la meilleure musique possible et la faire partager avec des gens qui connecteront avec elle, dit-elle. […] Je suis choyée de faire ce que j’aime, avec les gens que j’aime. Alors, je profite le plus possible de la vie, du processus, des hauts et même des bas. »

Naya Ali se produira au festival LVL UP le 17 septembre.