Verónica Larrea et Rafael Payare partagent un grand amour de la musique et des racines latines. Si la chanteuse de tango – fidèle lectrice de La Presse – devait s’entretenir avec le nouveau directeur musical de l’Orchestre symphonique de Montréal en chair et en os, le coronavirus en a décidé autrement. Heureusement, le maestro, qui a été atteint de la COVID-19 à la mi-août, s’en est remis sans trop de symptômes graves et la rencontre a pu avoir lieu sur Zoom.

C’est en espagnol que Verónica Larrea s’enquiert d’abord de l’état de santé de Rafael Payare.

« Tout est parfait. Tout va bien », lui répond-il.

« C’est vraiment un honneur que de vous accueillir ici à Montréal. Pour les Montréalais, mais aussi pour les Latinos. J’aurais aimé vous rencontrer en personne, lui dit Verónica. L’important est que vous puissiez reprendre votre baguette pour diriger. »

C’est un certain virus qui a empêché une rencontre en personne entre la chanteuse de tango et le maestro dans le cadre de ce numéro de la rentrée culturelle. À la mi-août, Rafael Payare a été déclaré positif à la COVID-19. Sa femme et leur fille aussi. Heureusement, les symptômes du maestro ont été somme toute légers, sans doute parce qu’il est doublement vacciné.

Heureusement aussi, Rafael Payare a pu s’envoler de Los Angeles vers Montréal vendredi pour répéter en vue du grand concert gratuit que doit donner l’orchestre sur l’Esplanade du Parc olympique, le 9 septembre.

« Je suis impatient d’arriver. Je suis genre… allez, c’est le temps ! », affirme Rafael Payare.

Le plus récent concert du maestro remonte au 6 août pour l’inauguration du Rady Shell, une majestueuse scène en forme de coquille qui borde la baie de San Diego.

Il faut savoir que Payare est aussi directeur musical du San Diego Symphony, depuis 2019. Verónica Larrea est par ailleurs très curieuse de savoir de quelle façon le maestro organise sa vie familiale entre San Diego, Montréal et Berlin. Surtout que sa femme, la violoncelliste Alisa Weilerstein, mène elle aussi une carrière florissante à l’international.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Verónica Larrea est une chanteuse de tango et elle travaille en environnement. Dans le cadre de ce numéro, elle a pu participer à une rencontre Zoom avec Rafael Payare.

Ce n’est pas si compliqué que cela, car ma femme et moi adorons monter sur scène, donc ce n’est pas un job, mais un mode de vie.

Le maestro Rafael Payare

Ses engagements circonscrits à Montréal et à San Diego lui faciliteront les choses, ajoute-t-il. Et comme les concerts sont programmés des années à l’avance, sa femme et lui peuvent planifier leur horaire. Rafael Payare nous apprend même que le couple a ce qu’il appelle des rencontres d’« horaire de mariage ». « Notre règle est de ne jamais être l’un sans l’autre pendant plus de deux semaines. »

Verónica Larrea sait ce qu’est la vie de musicien sur la route. Celle qui a fait sa première prestation officielle à l’Exposition universelle de Vancouver avec l’ensemble de tango de son père, Romulo Larrea, a beaucoup tourné, ici comme à l’étranger. Son mari – avec qui elle a eu une fille – était aussi chef de cuisine pour le Cirque du Soleil sur la tournée d’Alegría.

« Mon père est bandonéoniste, c’est lui qui a amené le tango à Montréal », signale-t-elle à Rafael Payare.

Bâtir une programmation : comme un voyage

Verónica Larrea est également curieuse de savoir comment se bâtit une programmation : le choix des pièces, des compositeurs, des solistes invités…

« C’est une partie que j’adore, souligne le maestro Payare. Nous planifions les choses avec un horizon de cinq ans. »

Le chef de l’OSM tient de multiples rencontres avec la directrice de la programmation musicale, Marianne Perron. « J’adore nos discussions », dit-il.

Une programmation ? « Pour moi, c’est comme un voyage. Un voyage en train et non en avion, car on ne fait pas que partir du point A pour se rendre au point B, précise-t-il. On voit le paysage changer, les changements d’un pays à l’autre. […] On peut s’arrêter pour un café ou un thé. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Le nouveau directeur musical de l’OSM, Rafael Payare, en répétition à la Maison symphonique, en janvier dernier

Même quand il dirige, Rafael Payare aime recourir à des métaphores de nourriture, confie-t-il. « Quel menu voulons-nous avoir et comment équilibrer tous les ingrédients ? »

Quoi qu’il en soit, il fait savoir à Verónica Larrea qu’il y aura une partie du ballet Estancia, du compositeur argentin Alberto Ginastera, lors du concert du 9 septembre sur l’Esplanade du Parc olympique.

« La musique est un droit »

Verónica Larrea est née en Uruguay et elle a grandi à Buenos Aires avant de déménager à Montréal il y a plus de 40 ans. Guitariste de formation, elle est diplômée du Conservatoire de musique. Quand elle a appris que Rafael Payare avait été nommé chef de l’OSM, elle s’est dit : « Wow ! un Latino ! »

Il a un parcours particulier de type conte de fées. Il n’a pas grandi dans une famille de musiciens et il a fait son chemin.

Verónica Larrea, à propos de Rafael Payare

Elle admire l’effort que compte mettre Rafael Payare à démocratiser la musique.

« La musique est un droit, souligne le principal intéressé. Tout le monde doit y avoir accès. »

Il est donc très symbolique que le premier concert dirigé par Rafael Payare devant public à Montréal soit gratuit et à l’extérieur.

La musique donne lieu à de puissantes émotions, notamment à la Maison symphonique, souligne Verónica Larrea. Le plus grand nombre de personnes possible devraient pouvoir vivre « les frissons » que procure l’acoustique formidable du quartier général de l’OSM.

C’est à la fois une salle grandiose et intime, renchérit le maestro Payare. « Il y a quelque chose de velouté dans l’air, une sorte de coussin enveloppant. »

Le maestro souligne que pour son grand ami, le contrebassiste Edicson Ruiz – lui aussi d’origine vénézuélienne et membre de l’Orchestre philharmonique de Berlin –, c’est la meilleure salle du monde. Rien de moins.

« Je suis extatique »

Rafael Payare se dit « extatique » à la veille de sa rentrée montréalaise. Lors de sa visite ici en janvier dernier, il a senti un très bel accueil quand il a dirigé la Première symphonie de Brahms, mais le concert était virtuel.

Il avait auparavant visité la métropole à l’été 2019. Il a hâte de se plonger dans la culture et la vie montréalaise et semble croire que la COVID-19 le laissera tranquille.

« Check », lance-t-il à la blague.

Ce n’est que partie remise

C’est manifeste, même sur Zoom : Rafael Payare est généreux, passionné et accessible.

Il promet à Verónica Larrea de la rencontrer après un concert. « Quand vous viendrez, venez me saluer en coulisses. »

Il lui lance même l’idée d’intégrer un jour à un des programmes de l’OSM Les quatre saisons de Buenos Aires d’Astor Piazzolla, ce légendaire compositeur et bandonéoniste argentin.

Chose certaine, Rafael Payare ne pouvait avoir un accueil plus chaleureux que celui que lui a fait Verónica Larrea.

Consultez le site de l’OSM