Peu de temps après avoir remporté, à seulement 23 ans, le prix Tony du meilleur interprète dans une comédie musicale pour son rôle dans Dear Evan Hansen, l’Américain Ben Platt a tenu le premier rôle dans The Politician, sur Netflix. Par la suite, les chansons de son premier album, Sing to Me Instead, ont franchi les 250 millions d’écoutes sur Spotify. Et voilà qu’il rapplique avec un deuxième opus aussi touchant que galvanisant, Reverie…

Même pour un surdoué, la création en pandémie n’a rien d’aisé. « Au début, j’étais carrément bloqué », dit Ben Platt en visioconférence. « Tout semblait instable, incertain et chaotique. Et quand on est toujours pris au même endroit, la vie devient répétitive, et c’est difficile de trouver l’inspiration. »

Lorsqu’il s’est rendu compte que la crise allait durer, il s’est adapté. « J’avais trop besoin d’un exutoire pour ne rien faire. Je devais m’offrir un espace pour m’évader, alors que je n’avais nulle part où aller. »

Confiné dans la maison de ses parents, à Los Angeles, il s’est laissé inspirer par la nostalgie. « J’étais dans ma chambre d’ado, avec mes vieilles affiches et les souvenirs de qui j’étais, mais avec mon point de vue d’adulte. Ça s’entend dans les arrangements musicaux. J’ai voulu me rapprocher des artistes que j’écoutais plus jeune, comme Peter Gabriel, Phil Collins et George Michael. »

En effet, les admirateurs de la première heure sentiront un virage plus rythmé aux accents pop. « En pleine pandémie, c’était naturel pour moi d’écrire des chansons euphorisantes et salvatrices. » La présence de saxophone et de synthétiseurs offre un point de vue moderne sur des sonorités propres aux années 1980 que n’aurait pas reniées Whitney Houston. « J’ai écouté beaucoup de Whitney durant le processus de création. Il y a tellement de joie et de légèreté dans son œuvre. J’étais attiré par ça. Je voulais offrir de la chaleur et de l’entrain aux gens. »

S’il avait déjà flirté avec les airs entraînants (Share Your Address, New, Rain), il va plus loin dans Reverie. « Ayant établi mes fondations avec le théâtre musical, mon premier album était un proche parent de ce style. Désormais, je me permets d’aller davantage vers la musique que j’écoute en dehors des comédies musicales. »

Écoutez la chanson Rain

Il continue d’exploiter la virtuosité de sa voix, mais en tempérant sa puissance. Une façon pour lui de déjouer les attentes. « [La comédie musicale] Dear Evan Hansen a été une expérience merveilleuse qui m’a ouvert bien des portes, mais ça a mis la barre très haute. Je sentais que je devais offrir la même intensité dans tout ce que je faisais. Puis, je me suis rendu compte que, peu importe l’émotivité ou le calibre d’une chanson, je pouvais offrir quelque chose de puissant si c’était connecté à mes expériences et mes mots. »

On le sent toujours aussi vulnérable, transparent et… idéaliste. Dans King of the World, il fait un clin d’œil aux paroles que hurlent Rose et Jack sur la proue du Titanic. Dans I Wanna Love You But I Don’t, il évoque un amoureux parfait sur papier, mais qu’il doit laisser, faute de grandiose.

« Ce sont les premières chansons que j’ai écrites depuis que j’ai découvert que Noah [Galvin] était l’amour de ma vie. Avant de le rencontrer, j’avais beaucoup d’idées sur l’homme idéal : il devait être plus grand et plus masculin que moi, et pas un artiste. Puis, j’ai compris que la magie ne venait pas de ces critères, mais des sentiments indescriptibles qui t’habitent quand tu trouves la bonne personne. »


PHOTO FOURNIE PAR ATLANTIC RECORDS

Ben Platt

Dans Happy to Be Sad, il explique d’ailleurs pourquoi il chérit la tristesse qui l’habite quand il s’ennuie de son amoureux, puisque ne rien ressentir lui semblerait dramatique. « Quand j’ai été séparé de Noah pendant six mois, après avoir été si proche de lui durant le confinement, j’étais profondément désemparé. Je me sentais coupable de ressentir ça, alors que beaucoup vivaient des épreuves immenses, comme la pandémie ou Black Lives Matter. »

Finalement, il a changé de perspective. « J’ai constaté que même si j’avais déjà été triste en raison de la maladie ou de la mort d’un proche, je n’avais jamais été aussi bouleversé par l’éloignement de quelqu’un. J’ai donc écrit une chanson pour me convaincre d’accepter et d’apprécier ces sentiments, plutôt que de me plaindre. »

Une façon pour lui d’ébranler les certitudes, les siennes et celles du public, comme il l’avait fait avec Grow As We Go. Dans cette chanson de son premier album, il contredit l’idée voulant que l’on doit rompre pour avoir l’espace de se trouver et de se développer, avant d’affirmer qu’il est possible de grandir ensemble, en se donnant du temps, de l’espace et du soutien, sans détruire la relation.

« Le moment qui m’excite le plus en écriture, c’est quand j’ai l’impression de traduire une émotion ou une expérience que je n’ai jamais entendue auparavant. »

Peu importe ce qu’il fait, Ben Platt est un vecteur d’émotions incomparable. Vous pourrez le constater dans l’adaptation cinématographique de Dear Evan Hansen, en salle dès le 24 septembre.