Après l’Orchestre symphonique de Montréal et les Violons du Roy, c’est au tour de l’Orchestre Métropolitain de prendre possession de l’amphithéâtre Fernand-Lindsay le temps d’une fin de semaine, dans ce cas-ci celle qui mettra un terme à la cuvée 2021 du Festival de Lanaudière.

Le directeur artistique Renaud Loranger a souligné d’entrée de jeu que l’intégrale des concerts pour piano de Beethoven donnée vendredi et samedi soir par le pianiste Marc-André Hamelin, le chef Yannick Nézet-Séguin et son orchestre était le seul projet rescapé de ce qui aurait dû être l’édition 2020 du festival.

L’administrateur a judicieusement comparé les interprètes de la soirée aux athlètes qui brillent ces jours-ci aux 32e Jeux olympiques, à Tokyo. Répéter durant la journée (pour le concert de samedi) et jouer trois œuvres substantielles le soir (une trentaine de minutes chaque concerto), tout cela dans la même journée et dans une certaine chaleur, relève bien d’un marathon. En particulier sans véritable entracte, avec seulement quelques minutes entre les concertos pour laisser respirer les musiciens.

C’est sans doute ce qui explique les scories de la soirée, notamment chez les violons (pensons au flottement du deuxième mouvement du Concerto no 2), mais aussi chez Marc-André Hamelin. Tout cela est néanmoins secondaire.

Ce qui l’est moins, cependant, c’est la mésentente des deux protagonistes dans le Concerto no 1, qui ouvrait la soirée. Dans le premier mouvement, le chef y va d’une pulsation très allante, impatiente, faisant sautiller l’orchestre comme des danseuses sur leurs pointes, pendant que le pianiste, force tranquille au clavier, déroule un discours éloquent, mais ancré comme le roc.

La réexposition, où Nézet-Séguin revient subitement à son tempo initial après avoir graduellement adopté celui du pianiste pendant le développement, est emblématique de ce hiatus interprétatif.

Cela est encore plus patent dans le Largo qui suit. Le pianiste, qui introduit le premier thème, étire le tempo, quand le chef voudrait davantage une sorte d’andante. Il se pliera finalement au soliste.

Question de « placement » ou véritable différence de conception ? En tout cas, le problème disparaît ensuite comme par magie. Le fait que le chef opte pour des tempos plutôt posés dans les trois rondos (mouvements finaux) contribue probablement à cette « réconciliation » des deux musiciens.

PHOTO AGENCE BIGJAW, FOURNIE PAR LE FESTIVAL DE LANAUDIÈRE

Le chef Yannick Nézet-Séguin et le pianiste Marc-André Hamelin se sont salués avec complicité, à la fin du concert.

Le piano à l'honneur

Il y a de grands moments de piano au cours de cette soirée, le début du Largo du Concerto no 3, comme suspendu entre ciel et terre, n’étant pas des moindres.

Les mélomanes qui connaissent ces œuvres par cœur – il faut dire qu’on les entend très souvent… – auront en outre apprécié les cadences, toutes composées par le soliste pour l’occasion. Elles sont très personnelles, avec des modulations nombreuses et parfois abruptes, des couleurs harmoniques qui nous transportent occasionnellement aux portes du XXe siècle et une écriture idéalement pianistique.

Si celle du Concerto no 3 nous a semblé parfois se chercher un peu, celle du Concerto no 1, presque « schizophrénique » dans ses changements subits d’éclairages, et celle du concerto suivant, rappelant quelque nocturne de Chopin ou quelque transcription opératique de Liszt, ont fait tout un effet.

En guise de rappel, Marc-André Hamelin a offert au public conquis La Complaisante, de Carl Philipp Emanuel Bach, dont il vient d’enregistrer une sélection d’œuvres.

L’intégrale des concertos se termine ce samedi soir, à 20 h, avec le Concerto no 4 et le Concerto no 5.