De La Bolduc, légende de la chanson folklorique, à Calamine, plus récente révélation rap de Radio-Canada, de nombreux chanteurs et musiciens ont choisi Hochelaga comme lieu de vie et de création. Gros plan sur cinq jeunes représentants d’un quartier qu’ils chantent – parfois – et qui leur chante – toujours.

Calamine

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

La rappeuse Calamine (à droite) dans les escaliers de ses Hochelagurls, Kim Bernier-Richard et Rosemary Gosselin

Son actualité

En novembre 2020, Calamine a tiré juste avec Boulette Proof, galette habilement pétrie de « rap keb féministe ». En mai dernier, Radio-Canada l’a sacrée Révélation rap. La MC « anticapitaliste du Chlag » jouera dans de nombreux festivals cet été et partagera la scène de l’Impérial Bell de Québec avec Shah Frank le 27 juin et celle du MTELUS le lendemain. Mis à part le deuxième album de Calamine en préparation, il faudra aussi suivre le nouveau matériel de Petite Papa, groupe que la militante queer forme au côté du rappeur Sam Faye et du producteur Kèthe Magané.

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Comment le quartier Hochelaga influence-t-il ta création ?

« Je n’ai pas toujours fait du rap et je n’ai pas toujours habité à Hochelaga. Les deux sont arrivés en même temps dans ma vie, il y a trois ans. Je viens de Québec. Je suis atterrie dans une colocation où habitait Kèthe Magané, mon beatmaker. Je me suis fait une gang de potes qui restent dans le coin, comme mes Hochelagurls [le titre d’une chanson], qui sont born and raise dans le quartier. Je suis entrée dans leur petite famille. J’ai vite eu le feeling que tout le monde aimait le quartier et ça m’a donné le goût d’en parler. Mon background, c’est en peinture. Quand je suis tombée dans la musique, je suis restée dans l’optique : portraits, paysages. J’ai un petit sentiment d’imposture, parce que je ne suis pas née à Hochelag’, mais je me verrais mal parler d’autre chose. J’aime baigner dans le monde du quartier, où il y a un mélange de nonchalance et d’accueil. »

Un endroit de prédilection pour créer dans le quartier ?

« J’écris beaucoup dehors, au parc, le long de la track de chemin de fer complètement à l’est, au Stade, au parc Morgan. Sinon, je suis pas mal sur les galeries et dans les cours arrière de mes amies. Je suis une chilleuse de balcons et de parcs. »

Des artistes musicaux hochelagais à saluer ?

« Marie Nadeau-Tremblay, qui est aussi dans les révélations Radio-Canada [classique]. Laurence Nerbonne, aussi, avec qui j’ai commencé à collaborer et qui vient de s’acheter quelque chose dans le coin. Finalement, les gars de Dope.gng. »

Pourquoi avoir choisi d’être photographiée sur le perron de tes amies ?

« C’est mon quartier général de l’existence. Peu importe ce qui arrive, on se retrouve là, on fume un petit bat et on refait le monde. À Hochelag’, la galerie est un symbole fort : ce chilling-là d’en face, ouérer [zyeuter] les voisins avec une Labatt 50 au soleil, dire bonjour aux passants avec leur pitbull. »

Et quid des filles qui t’accompagnent, Kim Bernier-Richard et Rosemary Gosselin ?

« Rose et Kim, c’est elles qui m’ont inspiré l’idée de Hochelagurls. C’est des femmes fortes, des bad ass. Elles m’ont accueillie, elles m’ont transmis l’image d’un quartier humble. Pendant la pandémie, pouvoir chiller sur la galerie, ça m’a sauvée. »

Un restaurant ou un bar où sortir ?

« La bonne bière, c’est vraiment à l’Espace public. Ils ont une belle terrasse, le service est super. Je suis aussi une grande fan de bars cradosses. J’espère qu’il n’aura pas fermé, mais il y a un bar vraiment wack proche de chez nous, L’escale. C’est toujours des grandes soirées ; juke-box, table de pool et faune locale fascinante. C’est dans mes go-to. »

Claudia Bouvette

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Claudia Bouvette et son chien Mylo au parc Lalancette, sa deuxième maison

Son actualité

Comédienne convertie à la chanson, Claudia Bouvette a fait paraître un premier EP électro-pop, Cool It, en 2019. Elle a profité de la pandémie pour améliorer sa maîtrise du logiciel de composition Logic et créer des simples – certains en français, fait inédit ! – avec l’aide de son complice réalisateur Connor Seidel. Pièces et clips doivent paraître dans les prochaines semaines. Entre autres engagements estivaux, la musicienne de 25 ans foulera la scène du Palace de Granby le 10 juillet.

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Comment le quartier Hochelaga influence-t-il ta création ?

« Je vis dans Hochelaga depuis cinq ans et j’y passe tout mon temps. C’est chez nous et ma vie, c’est d’écrire ma life ! Je ne peux pas pointer quelque chose en particulier, mais ma création fait partie d’une ambiance générale. La vie dans Hochelag’ est sans prétention, mais je ne veux pas que ce soit perçu péjorativement. Ce n’est pas comme dans des quartiers où c’est hype, hip, trippy, même si j’aime y aller de temps en temps. Quand je reviens ici, il y a une désinvolture, il y a de tout : des familles, des jeunes, des gens qui y vivent depuis 50 ans. L’énergie est vraiment particulière et la vie sociale est super chouette. [...] Et inévitablement, toutes mes histoires d’amour se sont passées dans Hochelag’. Mon inspiration, ça se passe ici. »

Un endroit de prédilection pour créer dans le quartier ?

« Mon studio est dans ma chambre, une pièce double, mais c’est beaucoup de temps au même endroit quand tu spinnes sur une idée. Il faut se dégourdir, changer d’air, et c’est ici [au parc Lalancette] que je me ramasse tout le temps. Mes cahiers, des livres, des recueils de poésie ; ça débloque des trucs. »

C’est pourquoi tu as choisi d’y être photographiée ?

« Oui, c’est ma deuxième maison. Le gazon est sûrement usé à l’endroit où je pose mes fesses. J’ai fait beaucoup de collaborations vraiment sick, et c’est presque toujours moi qui reçois mes amis musiciens. On se réunit ici, dans le parc, et on développe des idées. C’est juste chill, relaxe. »

Un restaurant ou un bar où sortir ?

« Le Flamant. C’est un resto un peu dispendieux, mais quand tu as envie de te threat you good, wow. Le propriétaire est aussi cuisinier. Ils font des super bon drinks et la bouffe fond dans la bouche. J’ai un gros coup de cœur. Sinon, pour fêter, je dirais le Blind Pig. La veille du premier confinement, en mars, j’y ai dansé ma vie. J’y ai repensé souvent : j’étais tellement contente d’avoir fêté une dernière fois. »

Ariane Zita

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

La chanteuse Ariane Zita dans la bande verte qui longe la rue Notre-Dame, lieu de contrastes, à l’image d’Hochelaga

Son actualité

La chanteuse était portée par son album Beige, paru en février 2020, lorsque la crise de la COVID-19 a frappé. Avant de proposer d’autre musique, Ariane Zita compte lui rendre justice dans les prochains mois : clips, spectacles, etc. Des textes intimes et nécessaires y coiffent de douces mélodies électro-pop. Prêtez l’œil et l’oreille à sa page Facebook pour suivre ses activités estivales.

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Comment le quartier Hochelaga influence-t-il ta création ?

« Mon inspiration est plutôt indirecte ; je trouve que c’est un quartier où la pression sociale est basse. Ici, j’ai vraiment un feeling de village qui me permet d’être moi-même et de pratiquer un certain laisser-aller. Hochelaga, c’est le quartier où j’ai habité le plus longtemps, alors il est ancré en moi. Si je parle de scènes urbaines dans mes chansons, c’est ici que je les vois dans ma tête quand je chante. »

Un endroit de prédilection pour créer dans le quartier ?

« Avec la pandémie, j’ai décidé de faire de chez nous un nid, un refuge. J’ai investi beaucoup de temps pour le transformer en un endroit qui m’inspire. Ce qui est l’fun à Hochelaga – et il faut que ça reste comme ça –, c’est que c’est encore abordable. »

Comment s’exprime la solidarité musicale dans Hochelaga ?

« Je pense qu’il y une famille artistique plus que musicale. Le Mile End, où j’habitais avant, est devenu inabordable, et je pense qu’une sous-culture s’est développée ici en parallèle. Je pense à une artiste visuelle comme Cybèle Beaudoin-Pilon, une céramiste qui a son atelier dans un garage sur lequel son chum a peint une murale. Pour moi, ça crie Hochelaga. Je suis fière d’appartenir à cette communauté artistique un peu cachée. »

Un artiste musical hochelagais à saluer ?

« Hugo Mudie, qui a fait beaucoup pour la scène hochelagaise. Son band le plus marquant, avec plusieurs tournées internationales à son actif, s’appelle The Sainte Catherines. Ça fait longtemps qu’il est dans le quartier et qu’il le promeut. »

Pourquoi avoir choisi d’être photographiée dans le long espace gazonné qui sépare le secteur résidentiel d’Hochelaga et la rue Notre-Dame ?

« Quand mes amis de l’extérieur viennent ici, ils trouvent toujours spéciale la longue bande verte qui protège le village des industries. C’est là qu’a été érigé le “campement Notre-Dame”, alors c’est assez chargé politiquement. Je trouve que c’est un espace qui est super parlant visuellement, avec la verdure et le gros élévateur à grain. Pour moi, c’est un portrait typique des contrastes qu’on peut voir dans le quartier. »

Un restaurant ou un bar où sortir ?

« C’est peut-être un peu hipster, mais le Pick-Up, qui s’est installé dans le quartier l’an passé : c’est vraiment des bons snacks graisseux. On dépasse le hot-dog : il y a du poulet frit, du chou-fleur frit, des vins spéciaux. Le menu change selon leur feeling. T’appelles, tu commandes, tu vas chercher ça et tu manges au parc. C’est vraiment une place à découvrir. Ça et le café Hélico ! »

Jo Millette (Mille Piastres Please)

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Le chanteur et violoniste Jo Millette devant l’ancienne Taqueria, symbole de l'embourgeoisement

Son actualité

Ambassadeur de la scène « folk sale » dans la dernière décennie, le musicien Jo Millette multiplie les projets lo-fi, indépendants et improvisés. Sa plume humoristico-humaniste et sa voix brillent sous le nom de Mille Piastres Please, mais c’est d’abord le violoniste qui s’exécute quand il est question de La fin du monde, d’Après l’asphalte ou encore de Robert Fusil et les chiens fous. L’artiste écume les places publiques, les métros et, en attendant son « mille piastres » de l’industrie, quelques concours et festivals.

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Comment le quartier Hochelaga influence-t-il ta création ?

« J’habite Chambly/Sainte-Catherine depuis huit ans. C’est le coin de rue des travailleuses du sexe et des crackhouses. Ma fenêtre est mal isolée et j’entends les cris et les crises. Je passe mes nuits avec ça, alors ça m’influence beaucoup. Ma musique reflète beaucoup de psychoses, de dédoublements de personnalité et de haine vis-à-vis l’impuissance des petits. »

Un endroit de prédilection pour créer dans le quartier ?

« Avant la pandémie, je “buskais” [jouait en public] dans la station de métro Joliette. C’était ma petite routine d’y aller pour écrire mes textes, pour composer, pour pratiquer le violon. L’album Concerto pour wagon a été enregistré live à la station de métro Honoré-Beaugrand. On a amené un studio mobile au complet à 22 h. Un agent de sécurité est arrivé à la dernière toune. »

Comment s’exprime la solidarité musicale dans Hochelaga ?

« C’est une grande famille. Il y a une dizaine d’années, il y a eu un gros mouvement folk avec plein, plein de “buskers” [musiciens de rue], mais on n’a jamais eu de soutien de l’industrie. Mon projet s’appelle Mille Piastres Please justement parce qu’on n’était pas capables de recevoir d’aide ou d’entrer dans les concours. J’ai fait : “Tiens-toé !” Pis là, j’ai fini par rentrer dans les concours [rires]. » 

Des artistes musicaux hochelagais à saluer ?

« Le band Après l’asphalte et le chanteur Guim Moro, qui sort un album. Il est établi à Hochelaga depuis plus de 10 ans. Il a habité les lofts Moreau [des artistes y ont été évincés] et a toujours été militant. »

Pourquoi avoir choisi d’être photographié devant la bâtisse vacante de l’ancien restaurant Taqueria ?

« C’est vraiment une belle bâtisse, tapissée de couleurs, et les propriétaires étaient vraiment le fun ; ils se sont foutus des règles d’esthétisme et de la Ville. Tu pouvais avoir un taco à 4 $. C’était familial et convivial. Ça va être un promoteur qui va acheter et ça va devenir un gros bloc gris. Les graffitis vont se faire nettoyer aussitôt qu’ils apparaissent. [...] C’est tout le temps très drôle ces questions-là de gentrification, parce que c’est un peu nous autres... Les artistes arrivent dans des quartiers où ils peuvent se payer des loyers, et après ça, ça devient cool, les artistes vieillissent et commencent à dépenser dans les cafés, à tout acheter. »

Un restaurant ou un bar où sortir ?

« L’Atomic ! C’était les premiers arrivés. »

Mike Shabb

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Mike Shabb devant son dépanneur préféré, au seuil du quartier Hochelaga

Son actualité

Le rappeur de 23 ans a publié un quatrième album, Life is Short, l’été dernier, en pleine pandémie de COVID-19. Après un passage au sein du label Make It Rain, le MC poursuit sa route de manière indépendante, fidèle au mantra « do it yourself ». Il ausculte présentement les vinyles en quête d’échantillonages. Fidèle collaborateur de Kevin Nash, de Jeune Loup et de VNCE Carter (Dead Obies), entre autres, Mike Shabb garnira bientôt sa collection d’écoutes en ligne à coups de rap cru et de clips cannabiques.

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Comment le quartier Hochelaga influence-t-il ta création ?

« Je ne sais pas trop comment l’expliquer. C’est là que tout a commencé pour moi. C’est là que j’ai commencé à avoir de l’argent, à faire ma musique, à me développer. C’est les premiers gars avec qui j’ai chillé. Quand je marche dans Hochelaga, c’est comme si j’y avais toujours habité. Dans mes lignes, je dis souvent le 85 [surnom du quartier en référence à la ligne d’autobus]. »

Un endroit de prédilection pour créer dans le quartier ?

« J’ai mon studio chez nous, je fais mes records, j’enregistre mes trucs, tout par moi-même. Mon processus en tant que tel, c’est souvent freestyle. Je suis un artiste complet, je peux m’adapter à plein de situations. J’écris souvent des textes sur mon cell en me promenant dans le quartier, mais quand tu rappes des textes, je trouve que c’est un peu moins fluide, parce que tu lis quelque chose et ça paraît. »

Comment s’exprime la singularité musicale dans Hochelaga ?

« Tous les quartiers ont leur son, leur vibe. Ce qui différencie Hochelag’, c’est notre diversité, surtout si on parle de rap. On est tous différents, même si on se rejoint à un certain point. On est encore à l’underground level, mais on a des bons artistes qui s’en viennent. Les petits jeunes dans la quartier nous encouragent. Quand je marche dans la rue, il y a des réactions. Le love est là. Ça peut juste aller up ! »

Des artistes musicaux hochelagais à saluer ?

« Shout-out premièrement à Wesley the Sxldier. C’est un bon, bon, bon upcoming guy de Hochelag’. Très doué. Il fait tous ses beats lui-même et emprunte un chemin semblable au mien. On peut pas oublier Kevin Nash, une légende. Il va probablement y avoir des rues à son nom dans le quartier. C’est mon frère depuis le jour 1. »

Pourquoi avoir choisi d’être photographié devant un dépanneur au seuil du quartier Hochelaga ?

« C’est mon dep préféré. Mes colocs et moi, on chillait tout le temps là. Pour tous les gars de notre génération, on considère ça Hochelag’. Ça fait partie du hood, du 85. La vibe du quartier, la façon dont les rues sont faites ; c’est Hochelag’ ! »

Un restaurant ou un bar où sortir ?

« La Pataterie : meilleure cantine in the world. Coin Ontario et Bourbonnière. Tout le monde qui vient à Hochelaga doit essayer ça. Double cheese bacon avec une frite, ketchup-mayo. Straight up ! »

Les questions et les réponses ont été éditées par souci de concision et de clarté.

Ils sont dans Hochelaga ou y sont passés récemment

Hugo Mudie
KNLO
Laurence Nerbonne
Sunny Duval
Éric Goulet
Robert Fusil et les chiens fous
Chub-E Pelletier
Marie-Pierre Arthur
Les Louanges
Samuele
Nicolet
Kevin Nash
Dave Chose
Après l’asphalte
MonMon
Caracol
Jacques Bertrand Jr
Maxime Gervais
Oodoo
Dope.Gng
Dopethrone
Sudden Waves

Et tant d’autres...

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Laila Maalouf, La Presse

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