Le cycle La belle meunière (Die schöne Müllerin) de Schubert est à jamais associé à certains chanteurs qui en ont gravé des versions de légende : les barytons Dietrich Fischer-Dieskau et Gérard Souzay et le ténor Fritz Wunderlich. Plus récemment, le baryton Christian Gerhaher et les ténors Jonas Kaufmann et Ian Bostridge en ont proposé des témoignages de premier ordre.

Il est par conséquent quelque peu audacieux pour Deutsche Grammophon d’aller chercher au sud des Alpes un jeune baryton peu connu pour se mesurer à ces vétérans du lied. Originaire du Tyrol italien, Andrè Schuen a grandi en parlant l’allemand, l’italien et le ladin (une langue proche du romanche). Il a notamment travaillé avec le grand spécialiste du lied Wolfgang Holzmair. Du côté opératique, il approfondit pour le moment les grands rôles mozartiens (il fera normalement ses débuts à Aix-en-Provence l’été prochain dans Figaro).

À quoi ressemble cette nouvelle mouture de ce cycle schubertien emblématique ? La voix, d’abord, est magnifique. Un baryton assez sombre, très sonore, plein de couleurs, avec une belle aisance dans les aigus.

On appréciera encore plus Schuen le musicien. Il est difficile d’imaginer une Belle meunière plus raffinée. Schuen réussit à conjuguer la ligne vocale, qui tend naturellement à l’horizontalité, avec le verbe germanique, dont l’abondance des consonnes invite plus à la verticalité. Le diseur et le chanteur réalisent ce parcours schubertien main dans la main, même si on trouvera peut-être que l’émotion vient souvent davantage de la musique que du texte. En matière de présence, Schuen n’est pas tout à fait de la même farine que Wunderlich.

> Écoutez un extrait de Die schöne Müllerin

Parmi les meilleurs moments : les lieder « Die liebe Farbe », « Der Müller und der Bach » et « Des Baches Wiegenlied », qui atteignent des sommets d’émotion dans une lenteur tout habitée. Seule « ombrette » à ce brillant tableau : une tendance à allonger indûment les « r » roulés.

La prise de son en technicolor (le disque a été réalisé dans une petite salle de l’Ouest autrichien en pleine première vague de COVID-19) permet de capter chaque intention, chaque inflexion du chanteur, dont le discours est soutenu et commenté avec une éloquence discrète par le piano expert de Daniel Heide, son partenaire de prédilection.

IMAGE FOURMIE PAR DEUTSCHE GRAMMOPHON

Pochette de l’album Die schöne Müllerin

Musique classique
Die schöne Müllerin
de Franz Schubert
Andrè Schuen et Daniel Heide
Deutsche Grammophon
★★★★½