(Paris) L’épidémie du coronavirus devrait encourager les artistes à avoir un répertoire « plus flexible » et les maisons d’opéra à favoriser les créations avec des compositeurs contemporains, affirme à l’AFP la soprano et cheffe d’orchestre canadienne Barbara Hannigan.

Hannigan, qui vit en France, se produisait jeudi soir à Paris, à la Maison de la Radio où elle dirigeait l’Orchestre Philharmonique de Radio France.

Q : La crise du coronavirus vous incite-t-elle à revoir le rythme des tournées ?

R : « En temps normal, je suis en tournée 11 mois sur 12 ! C’est très rare que je reste chez moi plus de trois ou quatre jours. (Pendant le confinement) j’avais tout mon temps pour travailler ma voix sans le deadline d’un concert, je n’avais pas à prouver quoi que ce soit au monde, sauf à moi-même et à... (l’acteur) Mathieu (Amalric, son compagnon, NDLR).

Ça a certainement ouvert mes yeux sur le rythme que je menais, je savais que je devais ralentir parce que j’ai un planning jusqu’à 2023 ! Nos voyages vont certainement être plus limités. Je ne pense pas qu’on traversera l’Atlantique de sitôt ; les déplacements vont être beaucoup plus contenus dans notre zone géographique.

On réfléchissait déjà comme artistes sur comment repenser nos tournées pour des raisons écologiques, en tentant de planifier nos saisons pour prendre moins l’avion. La COVID-19 nous a permis d’y réfléchir encore plus. »

Q : L’opéra a-t-il besoin de se renouveler ?

R : « Appeler les artistes à être flexibles, à être créatifs peut être à double tranchant, car on se renouvelle sans cesse, même en chantant ou en jouant le même répertoire.

Dans le même temps, nous avons besoin des compositeurs, et pas seulement de ceux qui sont morts il y a 200 ou 300 ans, mais ceux d’aujourd’hui. Nous avons besoin de les encourager, car sans eux, on aurait de la musique (classique) jusqu’en 1950 et puis rien après. On s’ennuierait. Même si certaines créations ne remportent pas un énorme succès, même si certains artistes n’aiment pas ces nouveaux sons, on doit se dire que ces sons n’auront pas le même effet d’ici 50 ans. Il faut permettre une ouverture, de la curiosité pour voir comment va évoluer la musique.

C’est ma passion, ma vocation, mon devoir d’artiste de donner une grande partie de mon temps à ces créations. »

Q : Comment s’adapte-t-on comme artiste en ces temps difficiles ?

R : « C’est important pour les artistes de rester fidèles à eux-mêmes, mais en même temps, c’est très important d’être flexible, spécialement en ces temps. Si Le Messie de Haendel est la principale pièce de votre répertoire, ça sera une année difficile pour vous, car elle nécessite un orchestre et un chœur ; donc il faut apprendre un répertoire différent. De même si un chef d’orchestre ne veut que diriger une symphonie de Mahler ou de Bruckner, ça va être dur.

Dans le programme de soutien Equilibrium que je dirige, j’encourage les jeunes artistes à être ouverts et curieux de choses qui peuvent les emmener dans différentes directions. »