Thomas Dutronc revisite le concept même de classique avec l’album Frenchy, son cinquième en une douzaine d’années. Le fils de Jacques Dutronc et de Françoise Hardy propose des versions jazz-manouches de 14 chansons écrites en France qui ont traversé le temps, de La mer de Charles Trenet à Get Lucky de Daft Punk, dont plusieurs qu’il interprète en duo. Nous en avons analysé six avec lui au cours d’un entretien téléphonique la semaine dernière, le jour même de son 47anniversaire.

C’est si bon (avec Iggy Pop et Diana Krall)

Ce trio enregistré à Miami avec les deux stars ressemble à une espèce de fantasme ultime. « Je ne voulais faire que des duos, mais grâce à Iggy, ça s’est transformé en trio. Je n’avais jamais fait ça à trois... » Le vétéran punk a été le premier à accepter l’invitation de Thomas Dutronc. « Il aime la chanson française, il en a même enregistré quelques-unes, comme Les passantes de Brassens, qui est assez difficile pour un étranger. Il voulait collaborer avec Diana depuis un moment, il lui a proposé, elle a accepté, j’étais ravi. Elle m’a appelé pour me dire : ‟J’adore le groove, la basse, le tempo, c’est parfait. » Elle était contente de participer à ce projet et elle a été adorable. » Si plusieurs collaborations ont été enregistrées aux États-Unis, l’album s’est fait à Paris « avec de grands musiciens », en quelques jours. « En fait, non, si on avait pris juste de très bons musiciens, ça aurait été juste bon, un peu moyen. Mais là, c’est carrément la fine fleur des musiciens en Europe. Avec eux, on est tout de suite dans la grâce, le merveilleux, et tout ça. »

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Un trio de choc : Thomas Dutronc, Diana Krall et Iggy Pop

Extrait C’est si bon

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La belle vie/The Good Life (avec Jeff Goldblum)

C’est par une amie commune que Thomas Dutronc a rencontré le célèbre comédien américain, connu pour ses rôles dans Jurassic Park et The Fly. Sa présence sur La belle vie de Sacha Distel apporte « un truc américain, un humour, une décontraction. C’est un apéritif », dit le chanteur, qui est très fier de cette collaboration. « On a eu des miracles sur ce disque, comme Barry Gibbons de ZZ Top [sur La vie en rose], mais des personnes qu’on avait invitées ont annulé, d’autres non pas pu. C’est une chance qu’on sort sur le même label, Blue Note. Jeff Goldblum joue du jazz au piano et on s’est dit que cette chanson lui irait bien. On lui a proposé et il a été d’accord. »

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La mer de Charles Trenet

Classique parmi les classiques, La mer n’est pourtant pas la chanson de Trenet que Thomas Dutronc préfère, mais plutôt Que reste-t-il de nos amours. « On l’avait enregistrée, c’était super, mais je l’aurais voulue mieux que super, je la voulais magique. Alors on l’a mise de côté et on a fait à la place une version de La mer, légère, easy listening, décontractée, avec un petit brin de côté sixties. » Même s’il l’interprète seul, Thomas Dutronc en fait une partie en anglais et l’autre en français. « On a une volonté de faire un album international, de tourner dans d’autres pays que les pays francophones, que j’adore. Oui, j’ai envie de voyager ailleurs avec la musique, de changer un peu. Cet album est né dans une période de French bashing, nous on s’est dit : ‟Mais la France c’est super, les Américains, le monde entier voient la France comme un pays qui fait rêver, avec Paris, la joie de vivre, le vin... » C’est ça qu’on veut répandre. »

Extrait La mer

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Get Lucky de Daft Punk

Parmi les titres surprenants qui figurent sur Frenchy, il y a certainement ce morceau du duo français, qui a fait danser la planète au complet il y a quelques années. « Daft Punk fait partie des groupes français que je respecte et admire beaucoup. Ils ont fait un carton énorme avec ce titre et je devais faire cette chanson. » Mais que faut-il pour devenir un classique ? « Ce qui définit un classique, c’est une mélodie. Il faut une mélodie forte, qu’on peut siffler. » C’est pourquoi Playground Love d’Air fait aussi partie de sa sélection. « C’est une chanson très climatique, très belle. C’est une de mes préférées sur l’album. Il y a de très beaux accords, avec une cassure dans le milieu. C’est beau, et elle se prêtait parfaitement pour mettre en valeur mes musiciens extraordinaires. »

Extrait Get Lucky

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Petite fleur de Sydney Bechett

Sur cet album comme dans sa carrière, le jazz n’est jamais bien loin avec Thomas Dutronc. « Oui, même si cette version est un peu cubaine et latine. Sydney Bechett, il venait de La Nouvelle-Orléans. C’est un peu la France quelque part, et il a donné son cœur et ses 30 dernières années à la France. Quand on pense à Midnight in Paris de Woody Allen, on pense tout de suite à Petite fleur. Sur la pochette du disque, il y avait même la tour Eiffel. Cette chanson représente vraiment la France. »

Extrait Petite fleur

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Minor Swing de Django Reinhardt et Stéphane Grappelli

Depuis son premier album Comme un manouche sans guitare en 2007, Thomas Dutronc s’est toujours inspiré du jazz manouche. Pour lui, Django Reinhardt n’est rien de moins qu’un des plus grands musiciens de tous les temps. « Je le mets avec Mozart, Chopin, Parker. La musique, quand on y réfléchit, ce sont de belles et grandes phrases, de belles suites d’accords, et lui il nous surprend tout le temps. Il virevolte avec de longues phrases, ses impros, on dirait qu’elles sont écrites. » Thomas Dutronc, qui reprend aussi sur l’album une autre pièce du célèbre guitariste, Nuages — dans la version de Tony Benett, All for you — rappelle que la musique de Django a rayonné dans le monde entier. « Et le jazz manouche, c’est vraiment typiquement français. » À cause de la pandémie, Thomas Dutronc n’a pas monté de vraie tournée pour l’automne, mais espère se reprendre en 2021. « J’aimerais beaucoup venir au Canada l’été prochain. » Une petite visite au Festival de jazz, peut-être ? « Ce serait super. »

Extrait Minor Swing

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Chanson. Frenchy. Thomas Dutronc. Universal.

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L’album Frenchy, de Thomas Dutronc