Les habitudes de Norah Jones, comme celles de tout le monde, ont changé depuis le début du confinement. Peut-être pour le mieux : en faisant des prestations en direct sur Facebook, la chanteuse a découvert une nouvelle façon d’entrer en contact avec son public, raconte-t-elle, au moment de la sortie d’un nouvel album de chansons tamisées intitulé Pick Me Up Off the Floor.

Il y a une quinzaine d’années, lorsque le succès lui est tombé dessus avec son album Come Away With Me, Norah Jones affichait beaucoup de réserve en entrevue. Elle a conservé son côté secret. Pas pour jouer la diva, non. Plutôt le contraire : elle aborde la musique de manière intuitive, mais parle de son quotidien de manière très terre à terre.

Ces dernières semaines, alors qu’elle était confinée chez elle à New York, la chanteuse n’a pas fait de coup d’éclat. Elle a fait la cuisine, s’est occupée de ses deux jeunes enfants et a décidé de chanter en direct de sa maison. Sans décor étudié et sans cérémonie. Et elle a aimé ça. Beaucoup.

Ç’a été vraiment agréable d’établir un contact avec les gens de cette façon-là. Je n’étais pas très active sur les médias sociaux avant et on dirait que j’ai trouvé ma façon de faire. Maintenant, ça me paraît naturel et quand tout ça sera fini, j’aurai sûrement envie de continuer.

Norah Jones

Norah Jones s’est sentie impuissante devant la crise sanitaire qui persiste. « Je ne suis pas une travailleuse de la santé, dit-elle. Jouer de la musique pour les gens, c’est ce que je fais dans la vie… » Convaincue que bien d’autres se sentaient aussi impuissants qu’elle devant la crise, elle a voulu offrir un peu de réconfort et a choisi d’associer chacune de ses prestations intimes à un organisme d’aide d’urgence.

« Ça m’a semblé être la chose à faire que de désigner des organisations et d’encourager les gens à faire du bien, s’ils le peuvent », explique la chanteuse. Elle croit que chaque dollar donné fait son chemin. Inciter les gens à donner était une extension naturelle de ses prestations, qui étaient également motivées par un désir de partage et de chaleur humaine.

Sans pression

Pick Me Up Off the Floor est aussi, à la base, une histoire de partage. Les chansons qu’on y retrouve émanent des mêmes courtes sessions de trois ou quatre jours que son album précédent, le parfois audacieux Begin Again. Seule différence : un seul invité de marque trouve sa place ici, Jeff Tweedy de Wilco, présent sur deux pièces.

Ces chansons, Norah Jones ne les avait pas retenues pour son album précédent, mais elles continuaient de l’habiter. « Plus je les écoutais, plus je me disais que, ensemble, elles formaient un album », raconte-t-elle. To Live, par exemple, avait été écrite pour Mavis Staple. Les deux chanteuses en ont plutôt fait une autre (I’ll Be Gone). Norah Jones a décidé de se l’approprier.

« Il y a des chansons pour lesquelles j’arrivais avec un poème en main et on se mettait à jouer. Je finissais le texte en studio. Ça s’est fait sans pression, sans règles », dit-elle. Travailler sans plan d’action lui a donné une agréable impression de liberté. Semblable à celle qu’elle trouve à jouer et enregistrer d’abord en trio (avec le réputé Brian Blade, notamment, à la batterie).

C’est un format que j’aime beaucoup par les temps qui courent. Je trouve que c’est un format qui ouvre les choses pour moi, musicalement. Il y a une vraie liberté là-dedans. Développer des chansons en trio, c’est une nouvelle voie pour moi.

Norah Jones

Pick Me Up Off the Floor ne va toutefois pas dérouter ceux qui apprécient la manière tamisée de Norah Jones. Son chant demeure mélancolique, mais ses musiques sont réconfortantes. Et si elle a un peu osé sur Begin Again (Just A Little Bit, par exemple), elle ne sort pas des limites de ce mélange de jazz, de blues, de soul et d’americana, en versions mollo, qu’on lui connaît déjà.

Ce qui compte pour Norah Jones, ce n’est pas d’épater la galerie, mais d’abord d’approfondir son art. « J’ai écrit mes premières chansons au secondaire. Je m’étais promis de ne plus jamais en faire tellement j’en ai eu honte », raconte-t-elle. Sa persévérance a payé, comme on sait, mais elle tire surtout de la fierté du chemin parcouru : « Je me considère vraiment comme une autrice-compositrice [songwriter] maintenant. »

Pour le reste, Norah Jones est comme tous les artistes qui vivent sur scène : elle ne sait pas ce qui l’attend. « Peut-être que je ne jouerai pas de musique [devant un public] pendant encore un an, mais on va tous s’ajuster, pense-t-elle. J’adore faire des concerts à partir de la maison. Ça me comble, ce contact avec les gens. »

IMAGE FOURNIE PAR LA MAISON DE PRODUCTION

Pick Me Up Off the Floor, de Norah Jones

Jazz
Norah Jones
Pick Me Up Off the Floor
Universal Music
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