Geoffroy a commencé à composer 1952 peu avant la mort de sa mère. Il a pu lui dire que cet album serait pour elle. Cela fait maintenant deux ans qu’elle a été emportée par un cancer du sein, et le chanteur sort cette semaine le produit final d’un long processus de création introspective. L’album 1952 est son projet le plus intime. Un projet nécessaire.

« J’avais besoin de le sortir, ça m’est venu naturellement », explique Geoffroy lors d’une entrevue avec La Presse. Après son premier effort, Coastline, paru en 2017, l’auteur-compositeur-interprète a commencé à travailler sur ce nouvel album. Sans objectif précis, d’abord.

« Quand je commence une chanson, je ne me dis pas qu’elle va être à propos de quelque chose en particulier, explique-t-il. Je l’écris et, ensuite, je me rends compte que ça parle de telle ou telle chose. Cet album, c’est un peu ça. Après deux, trois chansons, le titre [1952, année de naissance de sa mère] m’est venu en tête. J’ai eu une épiphanie : c’était ça, l’album. J’étais vraiment heureux, j’ai compris ce que je faisais. »

Une fois cette intention viscérale déterminée, Geoffroy a pu parler à sa maman de son intention. 

J’ai décidé que ça allait lui être dédié avant son décès. Je lui ai dit.
Tout [dans la création] était vraiment personnel et important.
C’était un recueillement où je suis allé toucher à la nostalgie, à la mémoire.

Geoffroy

L’hommage de l’artiste à sa mère s’est fait sous forme d’« analyse » de sa jeunesse, de sa vie. « J’ai porté un regard sur ce que j’ai eu la chance d’avoir », décrit-il. Et parce qu’il aborde le sujet qui lui tient le plus à cœur, il a voulu que tout soit impeccable. Dans les mots qu’il a choisis jusqu’à la musique qui les porte.

Accompagné de la même équipe que pour son premier album (ses coréalisateurs Clément Leduc, Gabriel Gagnon et Max Gendron), il s’est laissé aller dans ce projet.

« Juste milieu »

Déjà en temps normal, Geoffroy prend beaucoup de temps pour composer ses textes — « c’est long pour que j’écrive une phrase, mais une fois qu’elle est écrite, c’est la bonne ». Cette fois, il y a mis encore plus d’effort. Pour cet album, « le sujet est tellement précieux et important » qu’il fallait absolument que ce soit les bons mots. « J’y ai accordé plus d’importance [que pour le premier album], je ne m’accordais pas le droit à l’erreur, raconte l’ancien de La voix. J’ai pesé chaque phrase. »

Puisqu’il a couché sur papier des émotions si personnelles, il a aussi voulu faire attention à ne pas tomber dans les formulations « métaphoriques ou implicites » que seul lui comprendrait. Sans que ce soit non plus « trop direct et explicite ». « Je pense que j’ai trouvé un juste milieu dans les paroles », dit-il. 

Il était important pour l’artiste aux millions d’écoutes Spotify de ne pas perdre l’auditeur en donnant une direction trop précise à cet album. 

Je voulais faire en sorte que quelqu’un qui ne porte pas trop attention
[aux détails] puisse trouver la pochette belle, les chansons bonnes,
et c’est tout.

Geoffroy

PHOTO TIRÉE DU SITE DE GEOFFROY

Pochette d’album de 1952, de Geoffroy

La pochette, d’ailleurs, représente un croquis épuré du tatoueur montréalais Dan Climan basé sur une photo de sa mère, prise en Grèce, il y a des années. « Si tu portes attention à l’image, que tu vois la photo originale à l’intérieur, que tu lis les paroles, tu peux comprendre la signification de tout ça, dit Geoffroy. Mais il y a une couche plus facile d’approche et d’écoute aussi. »

En ce qui concerne la musique, il s’est distancé (mais pas complètement) des sons électroniques de Coastline, pour se lancer dans une autre avenue, plus folk, mais toujours techno-pop. L’afrobeat, qu’il affectionne particulièrement par les temps qui courent, a aussi laissé des traces. Le résultat : un album qu’il définit comme étant « plus organique ». « Je ne voulais pas que ce soit trop lourd ou trop triste, ajoute-t-il. Pour donner un résultat nostalgique, mélancolique, mais rempli d’espoir pour le futur. »

Les VHS de famille

Tant qu’à aborder les émotions entourant la maladie et le trépas de sa mère, tant qu’à invoquer sa mémoire, Geoffroy a voulu y aller jusqu’au bout. Placer l’auditeur « dans une bulle, où il peut se mettre à [sa] place », en quelque sorte. Alors, sur certaines pistes de 1952, des voix s’invitent. La sienne, celle de sa mère. « C’est extrait de VHS de famille », explique le chanteur.

Dans la chanson Talking Low, on est transporté jusqu’à une journée au bord de la piscine, quand Geoffroy était gamin. On entend les voix de sa maman, de l’un de ses amis de l’époque ainsi que la sienne. « À un moment, il [son ami] crie “Jacqueline”, le nom de ma mère », dit Geoffroy, avant de s’interrompre un instant. « J’en parle et j’ai encore des frissons. »

Ces mêmes VHS de famille ont donné le visuel pour le vidéoclip de la chanson The Fear of Falling Apart (qu’il a écrite quelques mois après la mort de sa mère), visionné plus de 100 000 fois sur YouTube depuis sa sortie, il y a un mois.

Toutes les chansons n’abordent pas cette tragédie de sa vie. Il parle de découvertes, d’amour sentimental, de voyage aussi — c’est un grand voyageur, et son inspiration lui vient beaucoup de ses excursions. Geoffroy s’est complètement dévoilé dans ce nouvel album. Et il pense que son public pourra se retrouver dans ses musiques. Il pourra aussi découvrir l’artiste qu’il est d’une tout autre manière, plus personnellement, croit-il. « Je me suis mis à nu, dit Geoffroy. J’ai sorti tout ce que j’avais en dedans. […] Et je suis content de l’avoir fait. »

Consultez le site de Geoffroy : https://geoffroymusic.com/fr/

Folk, techno-pop. 1952, Geoffroy, Bonsound. Offert le 1er novembre.