Marie de Magdala, Marie la Magdaléenne, mieux connue sous le nom de Marie Madeleine, aurait été disciple de Jésus-Christ jusqu’à sa crucifixion et aurait été témoin de sa résurrection. Dans les écrits sacrés, elle fut dépeinte comme une pécheresse, créature de désir ou même prostituée, et aurait été sauvée de la lapidation par le Christ pour ainsi devenir l’un de ses proches et l’un des grands symboles bibliques de compassion judéo-chrétienne.

Magdalene, titre d’un deuxième opus studio de FKA twigs (« autrefois nommée brindilles »), 31 ans, Tahliah Debrett Barnett de son vrai nom, s’inspire de ce symbole féminin.

Pour l’album et une chanson, ce choix de titre résulte de la trajectoire récente de la chanteuse, danseuse, parolière, réalisatrice, artiste marquante de l’avant-pop britannique en cette décennie qui s’achève. La trajectoire biblique de Marie Madeleine n’est certes pas celle de FKA twigs ; cette dernière l’a choisie pour mettre la sienne en contexte sans l’intention d’en faire une comparaison directe.

Rappelez-vous le succès de son album LP1, en 2014, et de son EP M3LL155X, en 2015, après quoi FKA twigs était partie pour la gloire jusqu’à ce qu’une rupture amoureuse la brise intérieurement. La blessure fut dévastatrice au point de ralentir sérieusement sa carrière, vu les dommages causés à sa santé mentale et physique – dépression, fibromes utérins. Voilà qui, de facto, justifie la défiguration sur la pochette.

À l’évidence, l’artiste n’en est pas morte ; la peine et la douleur, on le sait, peuvent se transformer en carburants de la création.

« Pour la première fois et de la manière la plus réelle, soulève la principale intéressée dans un communiqué, faire cet album m’a permis de trouver la compassion lorsque je me suis trouvée à mon état le plus disgracieux, le plus confus, le plus fracturé. J’ai alors arrêté de me juger et, à ce moment, j’ai trouvé l’espoir en Marie Madeleine. Je lui en serai toujours reconnaissante. »

IMAGE FOURNIE PAR YOUNG TURKS

Magdalene, de FKA twigs

Quoi qu’on pense des fondements mystiques ou mythiques de cette reconnaissance, les forces retrouvées par FKA twigs lui ont permis de vivre une catharsis des plus concluantes, c’est-à-dire de créer et de réaliser neuf excellentes chansons de type art pop ou avant-pop, avec un concert de pointures. On retient ici les noms de Nicolas Jaar et de Noah Goldstein, pour la coproduction déléguée, et d’autres célébrissimes collaborateurs, issus d’horizons différents : Arca, Daniel Lopatin (Oneothrix Point Never), Future, Sounwave, Skrillex, Koreless, Ethan P. Flynn, Benny Blanco, Jack Antonoff, CY AN…

Autour de chansons pop plutôt normales côtés structures et choix mélodico-harmoniques, les arrangements ici suggérés dépassent largement ce que nous proposent la pop actuelle et ses excroissances soul/R’n’B/hip-hop en vogue. L’impulsion d’excellents artistes électros est tangible, l’interprétation de la chanteuse est de toute évidence supérieure à celle observée à ses débuts. À l’évidence, ces complaintes post-modernes, récits de rupture, tourments, chutes d’amour-propre, deuils de relations intimes, enfin toutes ces souffrances du corps et de l’âme ont été neutralisées par l’acte créateur. Enfin, presque… personne n’est à l’abri des malheurs à venir. Pour l’instant, en tout cas, la principale intéressée récolte les fruits de cette délivrance. À nous de les goûter.

★★★★

Avant-pop, art pop. Magdalene. FKA twigs. Young Turks.

> Écoutez l’album : https://fkatwigs.ffm.to/magdalene