Il fut un temps où Benoît Charest était l’un des meilleurs guitaristes de jazz au Canada. Il était beaucoup plus qu’un « local guitar hero » pour reprendre son humble expression.

Et puis… il a fait comme plusieurs après s’être lassé de revenus faméliques et d’une existence de plus en plus chaotique : il a réussi dans l’audiovisuel, bien au-delà de cette bande originale des Triplettes de Belleville qui l’a rendu célèbre mondialement.

Mais… on ne sort pas le jazz d’un musicien s’y étant consacré aussi intensément, et ce avec un talent hors du commun. Cette récidive n’est pas la première, il faut dire, mais elle s’avère la plus concluante.

Revoilà donc Ben Charest à la tête d’un projet pour neuf musiciens, défi qu’il s’est lui-même posé, sorte d’auto-thérapie pour retrouver l’estime de l’instrumentiste qu’il est, question de mettre aussi un terme à son « embonpoint guitaristique ».

Aurez-vous deviné que Ben Charest ne joue pas comme il a joué… il lui faudrait des centaines d’heures de répétition pour retrouver ce niveau – articulation, vitesse d’exécution, etc.. Ce qui ne signifie en rien qu’il joue mal ou moyennement, d’autant plus que le « tone » de sa guitare est franchement personnel. Qui plus est, sa musique de jazz est nettement plus profonde qu’elle ne le fut, et c’est ce qui importe le plus.

Autour de lui sur la scène de l’Astral, on a pu entendre Morgan Moore, contrebasse, Kevin Warren, batterie, Dan Thouin, claviers. La section des vents était composée de Bruno Lamarche, saxophone ténor et flûte, Eric Hove sax alto, Maxime Saint-Pierre, trompette, Édouard Touchette, trombone.

Les influences de ces œuvres pour octuor puisent dans les musiques modernes ou contemporaines d’Europe (première moitié du 20e siècle), ce répertoire original s’inscrit aussi dans la lignée meilleurs compositeurs pour grand ensemble du jazz moderne, on pense notamment à Oliver Nelson, Duke Ellington, Bob Brookmeyer, Gil Evans, Maria Schneider…

Très riches harmoniquement, mélodiquement et rythmiquement, ces nouvelles musiques de Benoît Charest furent exécutées hier par des musiciens compétents et incarnés, solistes aguerris, qu’ils soient expérimentés ou émergents.

Souhaitons que ces retrouvailles entre Ben Charest et le jazz soient pérennes, car il y a là un vrai filon à exploiter.