Après un premier contact explosif avec les Montréalais en juin dernier au MTelus, le phénomène français Eddy de Pretto en sera demain à sa troisième visite en moins d'un an dans la métropole. La Presse a demandé à celui qui a vendu 270 000 exemplaires de son disque Cure et de sa réédition Culte quelles sont ses inspirations.

L'écriture

« J'ai été majoritairement inspiré par le théâtre, de Koltès à Feydeau à Beckett à Jean-Luc Lagarce. Ce sont des auteurs qui utilisent des façons assez contemporaines de parler, et qui m'ont énormément plu. » Le chanteur de 25 ans, qui a étudié en théâtre, a nécessairement intégré cette manière dans l'écriture de ses chansons. « Ça s'est incrusté, construit de cette manière. Dans le théâtre de Koltès, par exemple, il y a une forme de lyrisme qui vient de la forme théâtrale sacrée, mais avec une déconstruction. On peut dire n'importe quoi, n'importe comment, avec la ponctuation qu'on veut... ou même ne pas en mettre du tout. C'est la liberté de l'auteur que je trouve dans ce lyrisme. »

Les beats

« J'aime les beats chaleureux et organiques de Kanye dans son époque The Life of Pablo, aussi ceux de Francis and the Lights. Il y a ce côté électronique de base chez ces gars-là, on sait que c'est des sons électroniques, mais ils amènent une véritable chaleur avec des basses assez importantes, assez profondes, qui tombent toujours, qui sont langoureuses. Qui me touchent, simplement. »

Les thèmes

Dépendance, homosexualité, banlieue, relation mère-fils, identité de genre, culte de la virilité : Eddy de Pretto n'a pas peur de mettre des mots sur des enjeux difficiles. « J'aime Virginie Despentes, Françoise Sagan, Marguerite Duras... Duras parce qu'elle détaille tout au maximum. Je trouve ça fort. » Et une auteure comme Despentes n'a pas peur d'aborder des thèmes durs. « Tu te manges ça dans la gueule et puis c'est tout, même s'il y a autour une certaine poésie. » Est-ce qu'on peut expliquer son succès par cette approche ? « Peut-être. C'est inédit dans la culture populaire en France de parler d'homosexualité et de virilité, de remettre ainsi en question la robustesse masculine. » L'environnement a changé, mais Eddy de Pretto estime qu'il y a encore du chemin à faire. « Il y a une certaine flexibilité qui dépasse les codes de nos parents, mais il y a encore énormément de travail. Je me dis : ah putain merde, il va falloir refaire un deuxième album du même ton, pour qu'ils comprennent bien ! »

Le look

Avec ses tenues sport décontractées, ses chemises colorées et ses looks élaborés, Eddy de Pretto soigne son apparence. « Mon look est inspiré de mes envies, qui sont certainement influencées par Instagram. Mais au-delà d'un morceau en particulier, c'est plutôt dessiner la silhouette qui m'intéresse, c'est l'ensemble », dit le chanteur qui a toujours aimé les vêtements. « J'ai toujours voulu être à l'aise dans mes vêtements. Et qu'on le veuille ou non, ça veut dire être influencé par une certaine époque. »

Les clips

Chaque clip d'Eddy de Pretto a son esthétique propre, et c'est l'auteur-compositeur-interprète qui donne les grandes lignes aux réalisateurs qu'il embauche. C'est clair, c'est d'abord le cinéma qui l'inspire. « Into the Void de Gaspard Noé, La haine de Mathieu Kassovitz... J'aime les trucs un peu drus. Dans mes clips, il y a toujours ce côté sans fioriture, rugueux, pas narratif, qui explique sans trop radoter ou surligner. Il y a de ça dans Kid. Pour Grave, c'est plutôt l'univers de Fight Club et de 8 Miles d'Eminem que j'ai essayé de recréer. Et Random est une référence au film The Cube. »

PHOTO BERTRAND GUAY, AGENCE FRANCE-PRESSE

Eddy de Pretto

Les spectacles

Eddy de Pretto se produit seul avec son iPhone et un batteur. « J'ai déjà vu une scéno de David Byrne à la télé où il rentrait seul avec sa guitare, il partait le magnéto et tout se montait au fur et à mesure. Je trouvais ça super fort. J'aime aussi beaucoup les solos de danse contemporaine, comme ceux de Blanca Li. » Pour ses spectacles en amphithéâtre, ce sont les effets d'échelle à la Kanye West, avec leurs immenses structures, qui l'ont influencé. Reste qu'il y a quelque chose de très périlleux à se présenter ainsi tout seul devant des centaines de personnes. « Ça me remplit et ça m'allume de devoir aller à la conquête de chacun. C'est ça le plus difficile dans un concert : créer un certain moment entre nous, trouver une émotion magique, de l'inédit. J'avais ressenti cette connexion l'an dernier au MTelus. Chaque fois, c'est mon objectif : ouvrir le plus de chakras possible pour être disponible. »

L'interprétation

Eddy de Pretto l'a souvent dit : son enfance a été bercée par la chanson française. Normal qu'il se dise aujourd'hui influencé autant par Diam's que par Barbara et Jacques Brel. « Ma mère n'écoutait que ça. J'ai baigné tellement là-dedans, c'est comme ça que j'ai appris à chanter, ça fait partie de mon ADN. J'ai chopé tout le lyrisme de la chanson française, mais aussi la manière frontale du rap. » D'ailleurs, son travail n'est-il pas un savant mélange de hip-hop et de chanson ? « Je ne peux pas dire ça. J'ai tellement d'influences, j'écoute tellement de choses. Il y a du slam, du rap, de la chanson, du R&B, je n'ai pas envie de me limiter à une seule chose. »

Eddy de Pretto sera en spectacle ce soir à Sherbrooke, samedi à Montréal et dimanche à Québec.

Consultez le site de l'artiste.