Pendant 15 ans, Guillaume Beauregard et Marie-Ève Roy ont fait partie des Vulgaires Machins. Alors que le groupe se reformera le temps d'un grand spectacle extérieur lors des Francos, en juin, les deux membres du couple, qui ne se sont jamais affichés comme couple, poursuivent chacun de leur côté une carrière solo. Rencontre avec deux punks dans l'âme.

L'envol en solo

Guillaume Beauregard fait sa rentrée montréalaise demain à La Tulipe, après avoir lancé l'automne dernier un solide deuxième album solo intitulé Disparition. Marie-Ève Roy vient tout juste de lancer Multicolore, disque pop tout en nuances qui est aussi son deuxième album. «Le solo m'a permis de me découvrir en tant qu'auteure-compositrice, dit la chanteuse. Quand tu es seule, tu vas vraiment au bout de tes idées.» Guillaume Beauregard, qui était le principal parolier des Vulgaires Machins, aime travailler sans personne qui regarde par-dessus son épaule. «Même si la négo dans la création est aussi un moteur», dit le chanteur, qui affirme avoir fait une surdose de rock. «Je voulais m'entendre chanter. C'est venu avec un piano, une guitare acoustique, une esthétique plus douce. J'avais envie de quelque chose de Beatles, de The Band, tant qu'à faire autre chose, je voulais aller le plus loin possible.»

Être ou ne pas être punk

Est-ce qu'on peut être punk à 40 ans? Oui, répondent les musiciens, qui sont parents de deux jeunes enfants. «Et puis, c'est quoi, être punk? demande Guillaume. Pour moi, ç'a toujours été d'être sincère. Il y a quelque chose de punk, par exemple, dans passer des Vulgaires Machins à une pop très assumée comme le fait Marie.» Marie-Ève opine. «On ne s'est jamais mis de barrières ni de limites. C'est ça, être punk, c'est suivre son instinct coûte que coûte.» N'empêche que le passage du temps semble les troubler tous les deux. «Sans être dans un état de panique, il y a beaucoup de deuils à faire, admet Guillaume. J'ai passé ma vingtaine à m'en crisser, je me disais: "Je vais rester jeune toute ma vie." Mais ça ne marche pas de même! L'idée est de rester pertinent sans essayer d'être quelque chose qu'on n'est plus.»

Vie de groupe

Après un album acoustique sorti en 2011, les Vulgaires Machins ont arrêté de faire de la tournée en 2013. «La répétition était en train de s'installer et on a voulu casser ça», raconte Guillaume. S'ils ont accepté de monter sur la scène des Francos - et probablement de quelques autres festivals cet été -, c'est parce qu'ils ont ressenti l'urgence de refaire de la musique ensemble. Et que le plaisir était revenu. «On s'est arrêtés juste à temps, dit Marie-Ève. On avait besoin d'avoir à nouveau envie de monter sur un stage et de se donner à 175 %.» Qu'est-ce qui leur manque le plus de la vie de groupe? «Les jokes plates des gars dans le truck!», dit Marie-Ève en rigolant. En fait, c'est le partage des responsabilités, des joies et des déceptions qu'ils regrettent le plus. «Être tout le monde dans la même marde quand il y en a, tout le monde qui célèbre ensemble quand c'est le temps», dit Guillaume.

Trouver sa voix

Il faut le dire: entre la Marie-Ève Roy en solo et celle des Vulgaires, le changement est radical. «Comme je chantais souvent en harmonie, je me pliais à la tonalité de Guillaume, donc c'était souvent trop haut ou trop bas. Ç'a été vraiment un cheminement. J'avais de la misère à être bien dans ma voix et là, j'ai l'impression de l'avoir trouvée. C'est pour ça que j'ai voulu qu'elle soit plus en avant», raconte la chanteuse, qui aime en spectacle sentir ce moment où tout le monde écoute en même temps. Est-ce que le solo apporte automatiquement plus d'intimité dans les chansons? «Ce n'est pas une obligation, mais c'est un peu plus naturel d'aller plus par là, estime Guillaume Beauregard. J'ai aimé explorer des affaires plus personnelles dans l'écriture solo, car je n'avais plus à défendre de propos commun.»

Admiration mutuelle

Être ensemble pendant 15 ans dans la vie et le travail a-t-il fini par peser sur leur union? «Ça fait partie des raisons pour lesquelles le groupe avait besoin d'air», dit Marie-Ève. «D'autant plus qu'un groupe, en soi, c'est comme un gros couple!» ajoute Guillaume. Mais s'ils mènent leurs projets en parallèle, il n'y a aucune compétition entre eux. Au contraire. «Non seulement Guillaume est un mélodiste exceptionnel, mais il n'a pas peur de se mettre à nu dans ses textes, dit Marie-Ève. C'est la fragilité qui rencontre la force, et ça me touche tout le temps.» Guillaume aussi est ému par le talent de Marie-Ève. «Quand je la vois s'épanouir dans ses chansons, ça me fait réaliser à quel point j'aurais dû être à l'écoute de toute cette créativité à l'époque des Vulgaires. C'est beau, ce qu'elle fait.»