À une époque où la plupart des artistes peinent à vendre des albums, Lomepal en a déjà écoulé plus de 300 000 en France. Disque platine en un mois seulement avec Jeannine, son plus récent opus, le rappeur aux 187 millions de vues sur YouTube a joué vendredi soir à guichets fermés au MTELUS. Entrevue avec un rappeur décomplexé, porté par la folie et ses désillusions.

Antoine Valentinelli, alias Lomepal (« l'homme pâle »), n'est pas un rappeur comme les autres. Celui qui s'est imposé dans l'Hexagone avec Flip en 2017 est de retour avec Jeannine, une tout autre proposition musicale aux textes très personnels, baptisée d'ailleurs du nom de sa grand-mère. Un fossé sépare les deux albums, comme si Lomepal était un tout autre homme. Il faut dire que l'artiste a beaucoup évolué depuis ses débuts à 18 ans.

« Je n'ai pas vu venir la musique dans ma vie. Je n'ai jamais dit que je voulais être chanteur. À 18 ans, j'avais un ami qui rappait, j'ai voulu écrire un peu pour m'amuser. J'étais super nul au début ! », lance Lomepal en entrevue, tout juste avant son concert au MTELUS. « Je n'avais pas le sens du rythme, je ne savais pas comment placer les rimes. Je me donnais un genre. J'avais zéro partout ! Je m'étais appelé Jo Pump, en référence à la bédé de Hergé Le testament de M. Pump [album de la série Jo, Zette et Jocko]. Ce personnage adore la vitesse. Il meurt dès le début de l'histoire en explosant, car ça va trop vite. J'étais un peu hyperactif et j'adorais ce personnage ! Je l'ai laissé tomber très vite pour Lomepal », précise le chanteur au teint de porcelaine qui apprécie particulièrement la référence au « visage pâle ». « J'aimais bien l'idée de rappeler que je suis un blanc alors que je fais du rap », dit-il.

Allergique aux stéréotypes encore véhiculés par de nombreux artistes de rap français, Lomepal n'a aucune gêne à s'éloigner de l'étiquette « rap » avec Jeannine.

« C'est de l'anticonformisme. C'est aussi pour ça que j'ai appelé mon album Jeannine, pour la liberté. Je suis autant dans les listes d'écoute pop que rap. On me case partout et c'est ce que je veux », précise le chanteur qui collabore avec des artistes d'horizons très différents, dont Philippe Katerine. 

« Je fais du rap décomplexé par rapport à l'image du rappeur des années 2000 qui essaye de bomber le torse, de cacher ses émotions. Ce n'est pas ce que je suis. Je raconte ma vie comme elle est. »

Alors que l'écriture de Flip s'est faite d'un seul trait, celle de Jeannine aura été beaucoup plus laborieuse. « À force de réfléchir, j'ai trouvé des thèmes beaucoup plus matures. C'est pour ça que c'est si différent. Flip était plus un disque d'adolescent », explique Lomepal.

Sur son nouvel album, le chanteur n'a d'ailleurs pas hésité à mettre ses tripes sur la table et à inviter son public au premier rang de son histoire familiale et personnelle, parfois sans aucune pudeur. « Je me raconte facilement, je tiens ça de ma mère ! Elle raconte sa vie à tout le monde ! », lance-t-il.

Sur le titre Beau la folie, il aborde ses problèmes familiaux, de la folie de sa grand-mère schizophrène qu'il a perdue à l'âge de 10 ans à l'abandon par son père. Est-ce que sa démarche a été bien reçue par ses proches ?

« Après Jeannine, j'ai finalement revu ma grande soeur après 10 ans ! Ç'a aussi été un grand soutien pour ma mère de voir son fils prendre la parole devant tellement de gens, sans entrer dans quelque chose d'agressif. Je voulais parler de la folie de sa mère comme de quelque chose de lumineux, de beau. La seule chose qui me dit que mon grand-père l'a écouté, c'est qu'avant, il m'envoyait un petit billet une fois par an même si je ne lui ai pas parlé depuis 10 ans. Mais depuis, il a arrêté. Je suis content, ça veut dire qu'il a reçu le message », s'amuse Lomepal.

Après le succès, le vide

Tout petit, Lomepal rêvait d'être rockeur. Pas pour faire de la musique, mais pour connaître la même exaltation d'être sur scène. « Le fait d'être sur scène, d'avoir une foule qui chante des chansons, d'entrer en transe un peu... J'aime le symbole du rockeur et ce lâcher-prise. La folie, la liberté, c'est l'arrière-plan de cet album. Ce que je voulais surtout raconter, c'est l'après-succès et la désillusion qui vient avec ça. Il y a toujours une sensation de vide après avoir atteint le succès, si tu l'as depuis l'enfance, ça ne part pas comme ça », confie-t-il.

Sur le titre Évidemment, Lomepal interroge d'ailleurs ses fans : « Pourquoi vous voulez m'aimer maintenant ? » « Je m'adresse à mon public, mais aussi aux femmes. Après avoir galéré en jouant devant quatre personnes, il y a cet énorme succès, qui est bouleversant un peu. »

« Pour les femmes, il y a toute cette période où j'étais mal dans ma peau, je tombais amoureux de filles qui ne voulaient pas de moi et maintenant c'est le contraire. »

Alors qu'il a déjà vendu plus de 120 000 billets pour sa tournée en cours, Lomepal pense déjà aux prochains défis qui l'attendent. Pas de nouvel album à l'horizon. Il désire se concentrer sur l'écriture d'un long métrage, mais aussi sur la finalisation d'un documentaire sur sa propre carrière entamée il y a quelques années.

« Ça parle de l'indépendance en musique. Je m'autoproduis avec une super équipe de management. Je suis mon directeur artistique et c'est moi qui investis dans ce que je fais. On a amené le projet Lomepal à un gros succès en deux ou trois ans. On est une énorme menace pour l'industrie des labels français, la preuve que sans eux, on peut même mieux réussir ! », conclut Lomepal.