À 15 ans, il admirait Conchita Wurst, la diva à barbe qui avait remporté l'Eurovision. Cinq ans plus tard, Bilal Hassani, devenu lui aussi une égérie queer, participera à son tour au concours musical européen, où il défendra les couleurs de la France.

Avec ses perruques, son maquillage et son style lorgnant du côté de Kim Kardashian - les courbes en moins -, il est devenu en quelques semaines une sensation sur les réseaux sociaux, où il doit toutefois faire face à une campagne de haine.

« Je suis très fier de représenter mon pays en étant 100 % moi-même, malgré les gens qui ont pu me dire sur l'internet que je ne représentais pas la France », a affirmé dimanche soir sur France 2 le jeune homme d'origine marocaine.

S'il plaide à sa façon pour l'acceptation de soi et repousse les codes classiques de la masculinité, en empruntant au vestiaire féminin tout en s'affirmant comme homme, il fait fi de ceux qui doutaient du potentiel d'un « Arabe avec une perruque ».

« Pas dans les codes »

« C'est encore aujourd'hui un combat [de se faire accepter]. Il y a beaucoup de haine, beaucoup de choses qui pourraient m'affaiblir, me donner l'impression que je devrais peut-être arrêter, me brider et me censurer », a-t-il confié.

Sa chanson Roi a éclipsé des chanteurs confirmés comme Chimène Badi ou Emmanuel Moire, et a raflé la mise samedi soir, grâce aux votes des téléspectateurs de Destination Eurovision, l'émission qui désigne le candidat français pour le concours final en mai, en Israël.  

J'suis pas dans les codes, ça dérange beaucoup, chante Bilal Hassani dans Roi, coécrite par le tandem Madame Monsieur, arrivé 13e à l'Eurovision en 2018 avec Mercy (sur le drame des migrants).  

« L'écriture et la création de ce morceau m'ont beaucoup aidé. C'était vraiment thérapeutique », précise le chanteur, qui assure ne pas vouloir « donner de l'attention à la haine ».

« Déjà plus de 1500 gazouillis insultants, discriminants ou menaçants en raison de son orientation [sexuelle] ou de son apparence », a fait savoir le collectif Urgence Homophobie, qui s'est associé à Stop Homophobie pour attaquer en justice « chaque personne qui a insulté, discriminé ou menacé » en ligne le jeune chanteur.

Son succès est lié à sa personnalité flamboyante (lui parle de « fabulosité ») et à ses messages positifs.  

« Il faut savoir aussi que, depuis que j'ai 9 ans, je suis accro à l'Eurovision, autant pour l'enjeu artistique que pour la symbolique : toutes ces cultures et ces différences que la musique réunit, il y a une vraie magie dans ce grand spectacle », confie-t-il sur Instagram à ses admirateurs, qu'il appelle sobrement « mes vies ».

Roi pourrait le placer à l'Eurovision dans les pas de France Gall et de Marie Myriam, la dernière gagnante française en 1977. Vu plus de 6 millions de fois, le clip montre Bilal, petit brun aux cheveux courts chanter, avant de s'affirmer quelques années plus tard avec une apparence plus travaillée.

Passionné de musique et de chanteuses à voix à la Beyoncé, Bilal Hassani a suivi dès l'enfance des cours de chant et de danse tous azimuts.

À 15 ans, il apparaît dans la deuxième saison de l'émission télévisée The Voice Kids et se fait remarquer avec sa reprise de Rise Like a Phoenix de Conchita Wurst - une prestation en forme de renaissance.  

Il devient peu après Youtubeur : sur la plateforme où il popularise son tonitruant « Bonjour Paris  », il révèle son homosexualité, publie des vidéos de maquillage et des reprises de ses idoles.  

Le tout avec humour et un sens certain de la mise en scène.

Remarqué par Janet Jackson, gratifié d'une entrevue dans la revue spécialisée Billboard, Bilal Hassani doit sortir son premier album au printemps chez la maison de disques Low Wood. Et il n'a pas encore 20 ans.