L’auteure-compositrice-interprète canadienne Loreena McKennitt a l’intention de mettre sa carrière d’artiste en veilleuse afin de consacrer toutes ses énergies à combattre les effets néfastes de la technologie et du réchauffement climatique, a appris La Presse.

Dans un discours prononcé au Rotary Club de Stratford, en Ontario, le 26 septembre dernier, que La Presse a obtenu, la chanteuse et multi-instrumentiste âgée de 62 ans a lancé un véritable cri du cœur sur la crise qui frappe l’industrie musicale depuis 20 ans, sur les effets pervers de la technologie sur les enfants et les familles, mais aussi sur l’urgence d’agir pour combattre les changements climatiques.

Jointe par téléphone hier, Loreena McKennitt a confirmé sa décision de se retirer de la scène « pour une période indéterminée », dès la fin de sa série de spectacles présentés au Québec à la fin du mois, pour mener ce combat. Elle rédigera un mot explicatif allant dans ce sens dans le programme offert aux spectateurs, a-t-elle affirmé.

Je n’ai pas d’autres plans après. Je ne sais pas si j’enregistrerai d’autres albums ou si je ferai d’autres tournées, mais je sais que ces enjeux-là sont si lourds de conséquences que je me sens l’obligation, comme artiste, comme parent et comme citoyenne, de faire quelque chose.

Loreena McKennitt

Sa décision a été « longuement mûrie », a-t-elle expliqué. Dès la sortie de son dernier album, Lost Souls, au printemps 2018, elle a senti le besoin de « prendre position publiquement » sur ces questions. Le 19 avril, cette année-là, elle a d’ailleurs publié une lettre ouverte dans le Toronto Star où elle expliquait à ses fans pourquoi elle se retirait de Facebook.

« C’est encore tôt pour dire exactement quel rôle je jouerai dans les prochains mois, mais je peux vous dire que j’ai l’intention de donner des conférences et de parler directement à des représentants du gouvernement sur ces différents enjeux, a affirmé Loreena McKennitt. Je pense qu’on vit vraiment une période exceptionnelle, et je ne suis pas capable de rester les bras croisés. »

Son discours prononcé devant un auditoire d’hommes d’affaires a eu un impact important, croit-elle.

« Je ne pense pas qu’ils réalisaient à quel point le modèle d’affaires de l’industrie musicale n’est pas viable pour les artistes. À quel point le partage des revenus est injuste. Ils ont également été interpellés lorsque je leur ai parlé des impacts de la technologie sur l’éducation des jeunes et du fait que de nombreux parents qui travaillent dans la Silicon Valley envoient leurs enfants dans des écoles “sans écran” [tech-less schools]. »

Au sujet de l’effritement de l’industrie musicale et de la disparition progressive des producteurs, l’artiste canadienne a fait un résumé en accéléré de la situation des 20 dernières années. De la plateforme illégale de téléchargement Napster aux sites d’écoute de musique en continu dominés par les Spotify et Apple Music de ce monde, Loreena McKennitt a également dénoncé les géants du web, qui accaparent les revenus publicitaires et étouffent les médias d’information.

Sur l’enjeu du partage des revenus, elle a rappelé ceci : « Des 25 cents qu’on recevait pour chaque chanson gravée sur vinyle ou CD, on est passé à moins de 10 cents par tranche de 1000 écoutes. Si je commençais ma carrière aujourd’hui, je n’aurais aucune chance de connaître le succès que j’ai eu. »

Loreena McKennitt, qui a adopté un garçon (aujourd’hui âgé de 12 ans), qu’elle scolarise à la maison (avec d’autres enfants), veut aussi militer dans sa ville de Stratford pour que les écoles revoient leurs politiques concernant l’utilisation des écrans en classe et que davantage de mesures environnementales soient prises par la Ville.

« Chacun doit apporter sa contribution et faire pression sur ses députés pour qu’il y ait des changements. La présence de Greta Thunberg au Canada il y a quelques semaines a également eu un effet majeur sur l’ensemble des communautés, a-t-elle conclu. Ce sont des manifestations encourageantes qui induisent une prise de conscience. »

Loreena McKennitt sera à Québec le 29 octobre (au Grand Théâtre), à Montréal le 30 octobre (salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts) et à Sherbrooke le 3 novembre (au Centre culturel de l’Université de Sherbrooke).