(Québec) À 66 ans, Marjo rocke toujours : de petite salle en petite salle, de ballade en ballade, s’étonnant de voir son public rajeunir. À partir du 9 novembre, la chanteuse va s’enfermer pour écrire un album qu’elle pensait ne jamais écrire. « C’est un cadeau du ciel », dit-elle à La Presse.

« J’ai 66 ans, mais je ne le sens pas. J’ai une force intérieure qui m’étonne moi-même. Et c’est sur la scène que ça sort. »

Ces mots, Marjo les dit en entrevue. Mais il suffit de la voir devant une foule pour comprendre. La rockeuse n’a rien perdu de sa fougue, tantôt le poing en l’air, tantôt haranguant la foule, avec toujours le sourire aux lèvres.

PHOTO PASCAL RATTHÉ, LA PRESSE

Non contente de rouler « full pin » avec 70 spectacles par année, Marjo prépare son premier disque solo en 15 ans.

Ils étaient 200 vendredi soir à Québec, dans une petite salle comble, à acclamer la rockeuse, à chanter chacune de ses paroles et à boire ses mélodies comme un bon vin.

Dans le bar L’Anti, plus habitué aux groupes de punk ou de métal, en plein quartier Saint-Roch, les coudes touchaient les coudes, le sol était couvert de bière, la foule était heureuse. Et jeune.

À côté de nous, un trentenaire tatoué, casquette vissée sur la tête, criait absolument chacune des paroles. « J’lâche pas, j’attends pas de crever… »

Vers un disque solo

C’est que Marjolaine Morin vit quelque chose comme une renaissance. De plus en plus de vingtenaires et de trentenaires assistent à ses shows, capables de réciter Ailleurs par cœur, bien entendu très convaincus qu’« on n’apprivoise pas les chats sauvages ».

« Vous êtes un peu jeunes », lance Marjo à la foule avant d’entamer Y’a des matins. « Mais peut-être vous souvenez-vous de Pierre Foglia ? Oui, c’était un chroniqueur, et cette toune-là est inspirée d’une de ses chroniques. »

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C’est que Marjolaine Morin vit quelque chose comme une renaissance.

Non contente de rouler « full pin » avec 70 spectacles par année, Marjo prépare son premier disque solo en 15 ans.

Elle parlait depuis des années de faire un nouvel album. Et voilà qu’elle a reçu une aide inespérée. Début septembre, son ancien amoureux lui a envoyé un courriel.

Jean Millaire a composé ses meilleurs succès : Provocante, Chats sauvages, Ailleurs, Y’a des matins… Marjo a donc ouvert le courriel. Il contenait trois nouvelles chansons.

« C’est un cadeau du ciel, ça m’est tombé dessus comme ça, j’ai pleuré », explique celle qui va s’enfermer à partir du 9 novembre pour écrire.

Je n’en revenais pas, parce qu’avec Jean, on n’avait plus de contacts, c’est terminé. Je ne fais que lui envoyer ses chèques de redevances…

Marjo

En 2000, cette rupture avec Jean Millaire a failli mettre un terme à la carrière de Marjo.

« C’était mon chum, mais aussi la personne avec qui j’écrivais. On faisait tout ensemble depuis Corbeau. En perdant ce morceau-là, moi j’avais mis un X sur la musique, raconte la chanteuse. Je ne pensais plus pouvoir continuer sans mon compositeur. Je n’ai jamais travaillé avec d’autres personnes. »

À l’époque, elle a pris quatre ans de pause. Elle est partie vivre dans Charlevoix. Parfois, le téléphone sonnait : c’était Éric Lapointe ou Laurence Jalbert tentant de la convaincre de revenir en ville, de remonter sur scène.

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Depuis deux ans, Marjo « joue tout le temps », aux quatre coins du Québec. Elle ne dit presque jamais non à une offre.

« J’ai pris quatre ans à tout refuser. “Moi, je ne retourne plus dans ce milieu-là, c’est terminé.” Mais j’ai été tentée et j’ai recommencé. »

Puis l’idée de refaire un album a germé au fil des ans. Le cadeau de Millaire ne lui laisse plus le choix. Elle a reçu deux chansons midtempo et une ballade. Les couplets sont écrits, les refrains aussi.

« Après le 8 novembre à Drummondville, je tombe en break. Ça fait longtemps que je voulais le faire, et là, je le fais, dit-elle. Le moment est venu à cause du cadeau de Jean, alors je vais m’asseoir et écrire. Du 8 novembre au 14 février, ça m’appartient. Tout le monde est averti : ne m’appelez pas, je travaille. »

Pas de chat, pas de chum

Depuis deux ans, Marjo « joue tout le temps », aux quatre coins du Québec. Elle ne dit presque jamais non à une offre.

« Tsé, moi, j’ai pas de responsabilités, j’ai pas de chum, pas de chien, pas de chat, pas de char… Y a rien qui me retient. Je pars de la maison, et je m’en vais où on m’appelle. »

La chanteuse s’amuse de voir depuis quelque temps ces vingtenaires venir la voir en spectacle et chanter par cœur des chansons plus vieilles qu’eux.

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« C’est vrai que du rock comme ça, il ne s’en fait presque plus. Aujourd’hui, on est rappeur, ou on est petite musique. Je trouve que les filles poussent pas fort, dit Marjo. Elles ont de belles paroles, ça c’est correct, de belles mélodies, mais ça ne pousse pas, c’est doux. »

Y a plus de jeunes qu’avant et je ne sais pas pourquoi, je ne connais pas la raison. Ma personnalité ? Ma persévérance ? Je n’en ai aucune idée.

Marjo

Et si c’était une nostalgie pour ce rock mélodique d’un temps passé, une époque où Pierre Foglia écrivait encore des chroniques, avant l’angoisse des changements climatiques, où chanter ses peines d’amour et crier sa liberté avait tout son sens ?

« C’est vrai que du rock comme ça, il ne s’en fait presque plus. Aujourd’hui, on est rappeur, ou on est petite musique. Je trouve que les filles poussent pas fort, dit Marjo. Elles ont de belles paroles, ça c’est correct, de belles mélodies, mais ça ne pousse pas, c’est doux. »

Pousser encore et encore, tant qu’elle pourra, c’est le projet de Marjo. Elle s’apprête à faire plus de sept heures de route la fin de semaine prochaine pour se produire à La Sarre. Pourquoi refuser ?

« Moi, je me dis : pourquoi pas aller jouer tout partout ? Ce sont des gens qui veulent écouter de la musique, qui veulent voir Marjo. Pourquoi dire non ? Je joue, que ce soit en duo, en trio, en quatuor, en band… Je joue, c’est ma passion. »