(Indio) À Coachella, dans le désert californien, la musique française résonnait, souvent en anglais, symbole d’une nouvelle ère insufflée par des artistes électro-pop comme Christine and the Queens ou Jain, plusieurs décennies après l’explosion de la «French Touch», emmenée par Daft Punk.

Moins connus aux États-Unis que leurs aînés, les artistes «made in France» ont fait danser des milliers de festivaliers le week-end dernier dans l’ouest américain. La chanteuse Charlotte Gainsbourg et le duo électro-pop Polo & Pan étaient de la partie.

Accueillie chaleureusement par anciens et nouveaux fans, Christine and the Queens, elle, était un peu l’emblème de la conquête d’une nouvelle frontière.

Hormis des groupes comme Phoenix ou Justice, il faut remonter au début des années 2000 pour trouver un tel engouement aux États-Unis pour la musique française. On est alors en pleine «French Touch», courant musical qui a séduit à l’international avec des groupes comme Daft Punk, AIR ou Cassius, première génération de cette scène électro qui séduit outre-Atlantique.

Sur scène, vêtue d’un pantalon noir et d’une chemise rouge vif, Christine and the Queens a une énergie débordante. Devenue Chris, l’artiste se revendiquant pansexuelle – attirée par des individus sans considération de sexe ou genre – communie avec le public, dans la langue de Shakespeare.

«Quel moment pour être en vie», crie la jeune trentenaire dans la nuit aride du désert californien, sous les applaudissements. «C’est maintenant un espace sûr».

«Les mutations sont autorisées – nous sommes libres d’enfreindre la loi», se réjouit la jeune femme originaire de Nantes.

Dans une case

Ce cri de libération d’identité de genre s’applique aussi à sa musique: Chris, née Héloïse Letissier, a déjà exprimé s’être sentie enfermée dans une case en France, disant récemment vouloir «revendiquer son hybridité en voyageant, en chantant en anglais».

Elle a enregistré plusieurs de ses hits en anglais et en français afin de séduire un large public.

«J’aime travailler sur des miroirs brisés et plusieurs identités», confie-t-elle à l’AFP avant de se produire sur la scène de Coachella, trois ans après sa première performance ici.

«L’anglais m’autorise à être davantage international, le français reste cette langue avec laquelle j’aime travailler», analyse la jeune femme aux cheveux courts, soulignant la chance des artistes hispaniques qui, mêlant anglais et espagnol, parlent à beaucoup.

«J’adore son message»

Pour elle, la France reste «patriarcale» et n’est pas «encore vraiment queer» – une sexualité sans genre.

Sur ce deuxième album, «je travaillais avec mes propres désirs […] et ma volonté forte d’être puissante – et j’ai simplement noté qu’en France, c’était associé à de l’agressivité», explique-t-elle, estimant seulement vouloir «revendiquer sa liberté en tant que femme».

À Coachella, la foule a été clairement enchantée par la chanteuse androgyne, avec ses succès en français et en anglais, et ses références à David Bowie et Janet Jackson.

«J’adore son message et ce qu’elle défend», s’enthousiasme Sunny Park, jeune femme de 36 ans venue de Los Angeles. «Mes amis sont convertis maintenant».

«Langue du voyage»

PHOTO VALERIE MACON, AFP

Jain en spectacle à Coachella

Pour la chanteuse Jain, 27 ans, écrire ses succès en anglais est «naturel».

Née à Toulouse, l’artiste, aux influences Afrobeat et électro, confie que ce choix d’utiliser l’anglais lui a facilité la possibilité de faire une tournée en Amérique et de se produire ici à Coachella.

«Même si l’anglais n’est pas parfait, ça m’aide réellement à pouvoir voyager», glisse à l’AFP Jeanne Louise Galice, de son vrai nom.

En France, Jain assure que chanter en anglais est un «inconvénient», faisant référence à une loi exigeant des stations de radio privée d’accorder plus d’un tiers de taux de diffusion de chansons d’expression française.

Et la chanteuse de revenir sur son enfance, passée en partie au Congo et à Dubaï. Quand elle a commencé à se lancer dans la musique, ses amis ne parlaient pas français.

«Je voulais qu’eux et d’autres personnes, pas seulement les Américains, me comprennent», relate-t-elle, affirmant que l’anglais «est la langue du voyage. C’est ce que je veux faire avec ma musique».

Sur scène, la jeune femme, vêtue d’une combinaison bleue, se lance dans l’autodérision: «Vous avez pu deviner avec mon accent fabuleux que je suis Française».

Lors de son set, elle n’utilisera d’ailleurs qu’un seul mot dans la langue de Molière, «merci».

En quittant la scène et un public sous le charme, la chanteuse continue à danser, laissant derrière elle un drapeau bleu-blanc-rouge lancé par un festivalier.