«Retrouver les vibes africains», c'est le souhait de la star ivoirienne du reggae, Tiken Jah Fakoly, qui a réaffirmé son «panafricanisme» en enregistrant son nouvel album dans le studio flambant neuf qu'il vient d'installer dans le quartier populaire de Yopougon à Abidjan.

Une démarche musicale «panafricaniste»: Tiken, qui vit entre le Mali et la Côte d'Ivoire sans compter ses tournées européennes, a investi à Abidjan, créant dans le même immeuble que le studio, une radio Radio libre Fakoly et des salles de répétition. Il ambitionne aussi de monter la première bibliothèque reggae d'Afrique.  

«Mes deux premiers albums ont été enregistrés ici avec des musiciens ivoiriens et après j'ai fait la Jamaïque quatre fois, la France une fois, l'Angleterre une fois... J'ai envie de retrouver le son reggae africain, C'est vraiment un choix artistique», explique le chanteur, âgé de 50 ans, dreadlocks et regard toujours perçant.  

«J'ai constaté à travers les petits concerts avec les groupes ivoiriens qu'il y avait une vibration assez spéciale. Et donc, je voulais absolument retrouver ça pour le prochain album», poursuit l'artiste

Méthode originale: Tiken a présélectionné cinq groupes locaux pour leur faire passer un casting à Yopougon. Il a finalement enregistré ces dernières semaines 11 titres avec le groupe R Light et quatre avec Simon Roots.

«Ça fait plaisir de jouer avec un grand nom. C'est une main tendue et c'est bienvenu pour nous», explique Francis Ayo, le batteur de R Light, «fier de pouvoir figurer sur un album "international"».  

«Il y a un petit peu de stress, mais il est cool», confie-t-il à propos de la star.  

«Les autres groupes étaient bons. Chacun avait quelque chose de spécial...» analyse Tiken qui dit vouloir aussi servir de marche-pied aux jeunes générations.  

«Si j'ai réussi, je peux dire que c'est d'abord grâce au premier public qui m'a suivi au pays et donc il est important que je revienne pour donner quelque chose», dit-il à propos du groupe choisi.  

«C'est important d'investir en Afrique. Tous les Africains qui ont réussi devraient investir en Afrique parce que l'Afrique a besoin de nous. Personne ne  viendra changer ce continent à notre place», insiste le chanteur.

«Je chante l'Afrique»

«Je veux contribuer au développement du continent. Je chante l'Afrique, je défends l'Afrique et il est important que je pose des actes concrets», souligne-t-il.  

«Je suis un panafricaniste convaincu, répète  Tiken.» Que je sois à Bamako, en Guinée, au Burkina, je me sens chez moi. Je suis africain ! Le jour où tous les pays africains seront ensemble, alors nous allons gagner tous les combats. Parce que nous avons toutes les matières premières dont les pays occidentaux ont besoin».

«Nous sommes une force. Mais, malheureusement nous sommes désunis. Et donc je pense que je chanterai cette unité jusqu'à la fin de ma carrière», dit-il.  

Son prochain album continuera à être engagé dit l'auteur de Balayeur ou Plus rien ne m'étonne. Politique, corruption, néocolonialisme, sous-développement... «Les thèmes abordés sont ceux de toujours», explique Tiken qui révèle aussi avoir signé un texte sur l'immigration.

La création de sa radio, comme des studios et des salles de répétition s'inscrivent dans cet engagement, indique Tiken, qui marche dans les pas de son aîné reggaeman, Alpha Bondy, qui a lui aussi une radio à Abidjan.  

 «La radio est la radio des sans-voix. Notre souhait, c'est de donner la parole à tout le monde: vendeur d'arachides, de galettes... Tout le monde ! S'il a des choses à dire !», explique Tiken Jah qui s'inscrit aussi dans une démarche musicale.  

 «On va passer toutes les musiques. Pas seulement le reggae. Il faut donner  la chance à tous les jeunes qui ont envie de faire carrière, permettre à des talents d'éclore et d'être entendus», dit-il accoudé à un des murs de son bâtiment et d'un dessin de Marcus Garvey.

Sur les murs, cohabitent des figures politiques-Angela Davis, Thomas Sankara-et musicales-Bob Marley, Ernesto Djédjé, Koko Dembelé.  

 «Ce sont des gens qu'il ne faut pas oublier», estime Tiken. «Les jeunes qui passeront ici à la radio verront ces dessins, ils vont poser des questions et ça sera l'occasion pour nous de leur expliquer ce que Marcus Garvey a fait mais aussi ce que Salif Keïta représente...»