Alors que des centaines de personnes sont impatientes de voir Drake au Centre Bell, le journaliste Alain Brunet est plutôt tiède. Il discute des raisons avec sa collègue Véronique Lauzon.

Véronique Lauzon: Depuis ses débuts, Drake mélange le rap et le R&B. Il me semble que ça doit aider à son succès de faire un peu des deux, puisqu'il va ainsi chercher un large public. Autant des fans de rap que des jeunes qui veulent danser en boîte. Est-ce un des premiers à avoir fait ça, mélanger les deux genres?

Alain Brunet: Il y a toujours eu des gens qui ont fait ça. Si tu écoutes des morceaux des années 90, tu avais des partitions qui mélangeaient le hip-hop et le R&B, comme Mary J. Blidge ou Faith Evans. Alors, est-ce que c'est lui qui a lancé ça? Non, mais à un niveau mainstream, c'est sûr qu'il a contribué beaucoup.

Véronique Lauzon: Oh, pour être mainstream, c'est sûr que Drake est mainstream! C'est difficile de ne pas aimer Drake, du moins comme personne.

Alain Brunet: C'est une immense entreprise, Drake. C'est une machine à argent. Il a tout le monde à ses pieds. En streaming, il a 65 millions de clics chaque mois. Alors, tu sais, lorsqu'on dit que Loud a eu 1 million de clics et que c'est un exploit... Drake, c'est 65 millions chaque mois! Depuis le début de sa carrière, il a eu 2,3 milliards de clics. C'est la personne la plus écoutée sur la planète... et de loin!

Véronique Lauzon: Mais toi, l'aimes-tu? Parce que je ne sens pas beaucoup de chaleur dans ta voix lorsque tu parles de lui...

Alain Brunet: Je ne le déteste pas, mais il me laisse plutôt indifférent. C'est un rappeur correct, pas un grand chanteur... mais c'est un vrai hitmaker. Il est capable d'incarner toutes sortes de personnages, c'est un caméléon. Et ça, c'est la qualité de tous les grands. Mais il n'offre pas une contribution artistique singulière. Je le répète, par contre, c'est efficace, ce qu'il fait. Ce n'est pas mal fait. C'est un peu comme Taylor Swift.

Véronique Lauzon: Tu sais que ça me fait de la peine lorsque tu parles contre Taylor...

Alain Brunet: Généralement, ceux qui sont au sommet et qui réussissent à aller chercher tout le monde, c'est toujours la même réponse. Ce sont des artistes synthèses qui vont chercher les affaires des autres et qui rendent ça encore plus pop. Artistiquement, tout est au milieu. Il n'y en a plus, des vedettes au top qui ont une véritable démarche artistique. Comme Coldplay, par exemple, ce sont des emprunts. Il n'y a aucune contribution de Coldplay à l'art rock. C'est un beau gosse qui fait du sous-U2 et du sous-Radiohead. Il reste que c'est très efficace. Il faut leur donner ça, c'est efficace.

Véronique Lauzon: As-tu quand même un peu hâte de couvrir le spectacle de Drake ce soir?

Alain Brunet: Je l'ai couvert deux fois et ça ne m'a vraiment pas frappé. C'était ordinaire, mais les gens ont adoré ça. C'est plate pour moi, parce que j'ai l'air du vieux mononcle qui dit que c'est plate... Alors que je suis un vrai fan de hip-hop. Je me console en me disant que toutes les critiques sont toujours ordinaires. Mais bon, Drake n'a pas besoin de l'avis d'experts: il est beaucoup plus gros que nous. Quoi que nous disions, ses fans vont nous envoyer chier!