Le suicide du populaire chanteur Kim Jong-hyun - alias Jonghyun, leader du groupe SHINee - soulève des questions sur le régime quasi militaire imposé aux vedettes de la K-pop (terme qui désigne la musique pop sud-coréenne), dont les vies sont réglées comme du papier à musique et qui doivent afficher une perfection absolue. L'artiste s'est donné la mort lundi et a laissé un message dans lequel il affirmait que la dépression avait eu raison de lui.

Un message de désespoir

Lundi, le chanteur principal du groupe SHINee, Jonghyun, a été trouvé inconscient dans un appartement de Séoul par des secouristes alertés par sa soeur. Le jeune homme lui avait envoyé des messages lui demandant de le «laisser partir». Son décès a été déclaré à l'hôpital et la police a confirmé qu'il s'agissait vraisemblablement d'un suicide. Dans un message publié sur Instagram par une des amies du chanteur de 27 ans, à qui il avait confié ses derniers mots, Jonghyun fait part de son désarroi face à une dépression qui le consumait depuis des années. «Je suis brisé de l'intérieur, écrit-il dans la longue note. La dépression qui me ronge peu à peu m'a finalement dévoré et je n'ai pu la surmonter.» La nouvelle de sa mort a ébranlé le monde de la K-pop, SHINee figurant parmi les groupes les plus populaires du genre. Jonghyun, qui poursuivait parallèlement une carrière solo, avait des millions d'admirateurs, dont plusieurs ont exprimé leur peine sur les réseaux sociaux.

Un phénomène populaire

Formé en 2008 par la maison de disques SM Entertainment, SHINee était composé à l'époque de cinq adolescents âgés de 14 à 18 ans. Dès l'année de sa formation, le boys band a lancé le EP Replay, qui a obtenu un grand succès en Corée du Sud. De plus en plus populaire au fil des ans, surtout en Corée du Sud et au Japon, SHINee se démarque par son style vestimentaire unique, ayant lancé plusieurs phénomènes de mode. Le groupe a produit neuf albums en près de neuf ans et s'est fait connaître par ses chorégraphies millimétrées et un son jugé novateur dans un univers K-pop critiqué pour son côté aseptisé et homogène. Le sort du groupe à la suite du suicide de son leader n'a pas encore été annoncé.

Qu'est-ce que la K-pop?

La pop coréenne - ou K-pop - a convaincu des millions d'adeptes ces dernières années. Ce genre musical allie la dance-pop, l'électro, le hip-hop et le rock, notamment. Née dans les années 90, la K-pop marie des sonorités typiquement coréennes à des sons propres à la musique occidentale; elle est caractérisée par des refrains répétitifs, des airs entraînants et des paroles souvent traduites (en anglais et en coréen surtout). Les réseaux sociaux et YouTube permettent au genre de proliférer, alors que les autorités sud-coréennes l'utilisent comme un capital d'exportation. Le marché de la Corée du Sud étant assez limité, les maisons de disques abordent le territoire international en incluant des artistes étrangers (chinois ou japonais) dans leurs formations. Elles s'imposent sur les marchés européen et américain grâce aux réseaux sociaux et à des événements internationaux comme le SMTown, une tournée mondiale organisée en 2011 par SM Entertainment, réunissant ses groupes les plus populaires. Les trois plus grandes maisons de disques de K-pop - SM Entertainment, JYP Entertainment et YG Entertainment - dégagent des bénéfices de centaines de milliards de wons à elles trois.

Des «artistes-produits»

L'exigence de l'industrie de la K-pop envers ses artistes est connue. Vus comme des machines à générer de l'argent, les groupes de filles et de garçons, ainsi que les chanteurs solos, sont soumis à un régime quasi militaire qui régente leurs vies. Le journal Le Monde a rapporté il y a quelques années les procédés de SM Entertainment, l'entreprise derrière le groupe SHINee: après des auditions attirant chaque année une dizaine de milliers de candidats, une poignée d'entre eux sont sélectionnés pour une formation - cours de chant, de danse, de théâtre et de langue - pouvant durer jusqu'à cinq ans au sein de la SM Academy, d'où ils ressortent prêts à vivre une expérience de très courte durée sous les projecteurs. La forte concurrence entre ces chanteurs souvent très jeunes, la pression de la réussite et les exigences du milieu semblent avoir causé la détresse de plusieurs artistes. Jonghyun n'est d'ailleurs pas le premier artiste de la K-pop à s'être donné la mort. En 2015, la chanteuse Ahn Sojin s'était suicidée à 22 ans après avoir échoué aux auditions pour intégrer une nouvelle formation, le groupe féminin Kara. Le chanteur populaire Park Yong-ha avait lui aussi mis fin à ses jours, en 2010.

photo JUNG Yeon-Je, agence france-presse

Le groupe SHINee est l'un des plus populaires de la K-pop. Hier, des fans du leader de la formation sont allées pleurer sa mort dans un hôpital de Séoul.