Assise dans son loft de l'avenue du Mont-Royal, Laurence Nerbonne prend le temps de revenir sur la naissance de XO. Sorti en mars 2016, il a été désigné Album francophone de l'année au plus récent gala des prix Juno. Une belle récompense pour celle qui a construit son premier album solo chez elle, loin des studios, et en grande partie seule.

«Je n'avais pas un gros budget, se souvient-elle, mais j'avais quelques logiciels de création dans mon ordinateur, des trucs de base, avec lesquels je faisais déjà des beats, des superpositions et des boucles. J'ai acheté des programmes plus performants et j'ai poussé dans cette direction. Je cherchais à créer une pop épurée et de grande qualité. Les nouvelles technologies ont défini mon premier album et même mon style musical.»

La formation de Laurence Nerbonne en musique classique l'aide dans la recherche et la composition de nouvelles sonorités pop. Les avancées technologiques et l'accessibilité accrue aux programmes de création jouent aussi un rôle majeur dans la construction de sa musique.

«Ce sont des outils que j'ai appris à maîtriser et qui me permettent aujourd'hui d'offrir très rapidement mes chansons au public. Je pourrais écrire une toune ce soir, la faire mixer demain et la sortir pour les radios après-demain.»

«Dans la pop, où il faut aller vite, les logiciels maison constituent une solution intéressante. Pour moi, c'est vraiment le paradis et ça a changé ma carrière. Je n'ai jamais autant tripé que maintenant.»

L'auteure-compositrice-interprète ajoute qu'il faut néanmoins s'assurer de produire des compositions de grande qualité, de rester authentique et surtout de ne pas en faire trop avec les logiciels. «Le public n'est pas dupe et aime les chansons bien faites. Il ne faut pas tricher, c'est primordial.»

Au revoir, studio traditionnel

Tête d'affiche du défunt groupe Hôtel Morphée, au sein duquel elle a chanté pendant sept ans et a enregistré deux mini-albums et deux disques complets, Laurence Nerbonne a connu l'expérience des enregistrements en studio, mais elle ne se voit plus y produire un album complet.

«Pour moi, le studio conventionnel n'est plus pertinent. Tous les instruments ont été copiés dans les logiciels que j'utilise. Et si j'ai vraiment besoin d'enregistrer une guitare ou des trompettes, je vais le faire chez moi, avec un musicien et un micro adéquat.»

«De toute façon, poursuit-elle, la consommation actuelle de la musique définit la façon de la réaliser: l'auditeur, qui écoute Spotify ou la radio, consomme de la musique compressée. Il lui sera très difficile de faire la différence entre une piste de "basedrum 808" enregistré en studio et une copie numérisée sur un logiciel, par exemple. Je vais donc miser sur les logiciels que j'ai ici et, au besoin, demander l'aide d'amis musiciens, DJ, mixeurs ou réalisateurs. Je gagne du temps et je sauve de l'argent.»

Appel à l'ouverture

Laurence écrit, compose et chante en français. Alors que la musique pop connaît un grand succès à l'international, l'artiste se désole de voir si peu de jeunes d'ici en faire.

«On est trop ancré dans les styles classiques au Québec, dans le folk, notamment. Je comprends ce mouvement protectionniste de notre culture, mais ce serait cool que l'on soit également compétitif sur le marché de la pop internationale.»

«Si l'on ne fait pas d'avancée dans ce style, j'ai bien peur que dans 10 ou 20 ans, il ne se crée plus beaucoup de chansons d'ici qui résonnent mondialement, estime-t-elle. Il est temps de faire une place aux nouvelles façons de faire et, surtout, à nos jeunes qui utilisent déjà les logiciels de création, de mixage et de beats. Je les vois jouer, les ados, les jeunes filles, avec ces programmes... Ils sont tellement bons! Il faut leur offrir des possibilités de rejoindre un public plus vaste. En faisant cela, notre culture va se porter encore mieux ici, et on sera encore plus présent sur la scène internationale.»