Après les «disc jockeys» (DJ) et les «video jockeys» (VJ), les Montréalais découvriront demain les talents de Jarome, l'un des rares «aroma jockeys» (AJ) de la planète. Le jeune Néerlandais amateur d'aromathérapie diffusera des odeurs au cours d'une soirée consacrée à l'éveil sensoriel.

De grands ventilateurs serviront de haut-parleurs, tandis que deux plaques chauffantes feront office de tables tournantes. Aux côtés de deux DJ et de deux VJ, Jeroen Kleijn, alias Jarome, fera chauffer ses huiles essentielles dans de petits bols en téflon: menthe glacée, bois de rose, orange, ananas, sa «playlist» est prête!

Le jeune Néerlandais, qui vit à Montréal depuis six ans, diffusera une quinzaine d'odeurs au cours d'une soirée dansante qui aura lieu demain soir dans le dôme de la Société des arts technologiques (SAT). Il mixera également des odeurs - une opération plus délicate qu'on pourrait le croire - tout en se permettant d'improviser des séquences olfactives.

«Le thème de la soirée est "l'été et les popsicles", donc j'ai opté pour des odeurs fruitées et enjouées, explique le jeune AJ, qui possède plus de 300 parfums. J'essaie de bien agencer les odeurs à la musique. Cette fois, ce sera la musique électro [des DJ Adam Husa et Jimmy Be], donc la menthe est essentielle pour faire lever le party

Mais comment Jarome est-il tombé dans le fabuleux monde des arômes?

Le jeune homme sourit. Il a étudié en hôtellerie avant d'ouvrir un restaurant aux Pays-Bas. Avec des amis, il a commencé à organiser des soirées musicales pour des personnes malentendantes. En diffusant des vibrations sur un plancher de danse, par exemple, puis en projetant des vidéos. Après une soirée bien arrosée, il a lancé l'idée de diffuser des odeurs.

«Autrefois, l'odorat avait un rôle important pour nous aider à détecter les menaces, mais aujourd'hui, on ne s'en sert plus. Or, c'est sans aucun doute l'un des sens les plus développés chez l'humain.»

«Ce n'est pas pour rien que les arômes ont des propriétés thérapeutiques. Plusieurs entreprises s'en servent d'ailleurs pour vendre leurs produits. Des études ont démontré par exemple qu'en diffusant des odeurs de vanille, les gens avaient tendance à consommer plus!»

Ses premières performances, il les a faites en 2007 sur un bateau de croisière auprès de personnes malentendantes. Une expérience couronnée de succès qui l'a convaincu qu'il avait... du pif.

Au cours de notre entretien avec Jeroen Kleijn, impossible de ne pas penser à Jean-Baptiste Grenouille, l'antihéros imaginé par l'écrivain allemand Patrick Süskind dans Le parfum. Un homme «né sans odeur» qui devient, vous vous en souviendrez, le plus grand parfumeur de tous les temps! Comme Grenouille, Jarome est conscient du pouvoir qu'il a en diffusant ses odeurs.

«Comme la musique, il y a toute une gamme d'odeurs avec des notes hautes comme la menthe et des notes basses comme l'anis ou la rose.»

«Il y a aussi différentes herbes qui peuvent être utilisées. Il faut trouver la bonne harmonie en tenant compte des différentes fragrances et de leur durée. Notre but est de faire correspondre des odeurs à des émotions.»

«Qui maîtrisait les odeurs maîtrisait le coeur de l'humanité», a écrit Süskind dans son célèbre roman. On ne pourrait mieux dire...

Favoriser l'attraction sexuelle

Joie, séduction, mélancolie, détente, les odeurs magnifient les émotions. Pour rapprocher les gens et favoriser l'attraction sexuelle, Jarome a déjà diffusé des phéromones animales (provenant de la civette) - une recette qu'il peut reproduire avec des mélanges d'huiles. Et oui, ça fonctionne! En fin de soirée, il n'est pas rare qu'il diffuse de la lavande pour calmer l'ambiance.

Jarome, qui a étudié l'aromathérapie et l'herboristerie, détaille quelques principes de base de son art - lequel serait pratiqué par une petite poignée de gens.

«On va diffuser des odeurs plus subtiles avant les odeurs plus franches, comme le bois de santal avant le citron, qui est une note haute. Il faut introduire les parfums graduellement. Il y a des mélanges qui fonctionnent, d'autres pas. Par exemple, la menthe et la cannelle ne font pas bon ménage. La réaction chimique des deux n'est pas agréable», précise celui qui a également commencé à faire des parfums.

Outre la diffusion d'huiles essentielles, Jarome avoue avoir exploré d'autres modes de diffusion. Il a même déjà fait cuire du bacon au cours d'une soirée! «Toutes ces odeurs nous font vivre des expériences sensorielles uniques, estime-t-il. Je crois que les gens seront agréablement surpris par ces performances qui nous ouvrent à une nouvelle dimension. C'est une première au Canada, mais je suis certain que les gens en redemanderont.»