Sur la scène de la Sala Rossa, boulevard Saint-Laurent, un groupe d'adolescentes accouche de sa première composition. Dans le local adjacent, une artiste enseigne les rudiments des vocalises à ses élèves. Un étage plus bas, de jeunes filles assises en cercle façonnent des costumes de scène.

Un autre escalier à descendre, puis les incantations d'une basse électrique surgissent du sous-sol. Aux commandes: Ava Madelaine Hosson, l'une des quelque 40 jeunes femmes qui ont participé cet été au septième Camp de rock pour filles de Montréal. 

La musicienne polyvalente constate le chemin parcouru depuis sa première expérience, il y a cinq ans.

«Au départ, je ne jouais d'aucun instrument, je n'avais aucun rythme, mais vraiment aucun. À la fin de la semaine, quand ma mère a vu que je jouais de la batterie, elle s'est dit: "Oh my gosh! C'est pas vrai."»

D'année en année, l'adolescente de 15 ans se dit transformée. «Je joue de la batterie, de la basse électrique, je chante, énumère-t-elle. Mon style s'est amélioré, mais j'ai aussi développé mes penchants pour la justice sociale, puisque je viens d'une famille très ouverte.»

Les camps rock pour filles, inspirés d'une initiative lancée à Portland, en Oregon, au tournant des années 2000, se veulent une expérience musicale et humaine. Les valeurs de l'organisme sans but lucratif sont en grande partie calquées sur les principes du «riot grrrl».

«On prône beaucoup l'autodétermination et la débrouillardise, explique l'intervenante sociale Paméla Simard, bénévole et membre du conseil d'administration. Les filles apprennent à accorder leurs instruments, à s'occuper de la technique de scène, font leur chandail, fabriquent des costumes.»

Elles sont plus de 50 musiciennes, intervenantes et gestionnaires à donner de leur temps et de leur expertise pour offrir aux filles de 10 à 17 ans un espace créatif et stimulant.

«Je vois les camps rock comme un levier social, un outil de prévention, poursuit Paméla, qui consacre pour la troisième année ses vacances à cette semaine de bénévolat. On ne pousse pas juste la musique et les arts en général, mais aussi un tas d'enjeux liés à l'adolescence.»

Ainsi, selon l'âge des participantes, des ateliers bilingues abordent le consentement sexuel, l'identité des genres, la situation des peuples autochtones ou encore l'histoire des femmes dans le rock. L'objectif? Faire tomber les barrières sociales et outiller les femmes contre une industrie jugée sexiste et «objectivante».

Ouverture et solidarité

Qu'elles viennent de New York ou de Rivière-du-Loup, qu'elles soient homosexuelles ou hétéros, riches ou pauvres, qu'elles préfèrent le rock ou le hip-hop, les campeuses s'unissent sous la bannière de la musique. «On ne refuse personne, encore moins pour des raisons financières», assure Paméla Simard.

Des bourses sont attribuées à environ 30 % des campeuses. L'aide financière, la location des salles et l'achat d'instruments sont en grande partie rendus possibles par les dons.

Lors de notre visite, fin juillet, la cohésion entre les participantes était palpable, l'une s'inclinant devant un solo de batterie inspiré, l'autre aidant sa prochaine à accorder sa guitare.

«Tout le monde est solidaire et ouvert aux autres. Après une année plus difficile, plus morose, c'est l'occasion de faire le plein d'énergie, de charger les batteries», s'enthousiasme la dynamique Ava.

C'est que le temps est précieux. Les bands formés le lundi doivent écrire une pièce, l'enregistrer et la présenter au public le samedi.

Pour les campeuses qui le souhaitent, l'aventure se poursuit au-delà du mois de juillet, grâce à une chorale parascolaire qui promeut elle aussi la créative rencontre entre le rock et le féminisme.