Il est le chanteur du groupe Bedouin Soundclash, il a sorti un EP avec Coeur de pirate sous le nom d'Armistice et voilà que Jay Malinowski part sur les traces de son ancêtre avec l'album Martel. Une quête identitaire devenue une oeuvre musicale ambitieuse à classer dans une catégorie à part.

Avec les Jeux olympiques, écouter le nouvel album de Jay Malinowski a une résonance historique et canadienne décuplée. L'auteur-compositeur né à Montréal - qui vit aujourd'hui à Vancouver après un saut à Toronto - est parti sur les traces de son ancêtre francophone Charles Martel, un marin qui a fait le voyage de l'Europe jusqu'à l'île du Cap-Breton en 1757.

«Quand j'étais très jeune, mon grand-père me parlait de mes ancêtres et cela m'a toujours fasciné. Il venait du Cap-Breton, où la fibre identitaire est très forte», raconte Jay Malinowski.

«J'ai habité à Toronto pour un moment et les choses n'allaient pas comme je le voulais. Je suis retourné vivre à Vancouver et je me suis mis à réfléchir beaucoup au passé et à mes racines. J'avais sorti le EP Indian Summer avec les musiciens de The Deadcoast et je sentais que nous pouvions faire un projet ambitieux autour de Charles Martel.»

Exercice introspectif

Divisé en deux parties - Pacific et Atlantic -, l'album de 18 chansons raconte les aventures du jeune Charles Martel et son regard sur le monde qui l'entoure. En remontant son arbre généalogique - avec quelques éléments fictifs -, Jay Malinowski se livre aussi à un exercice introspectif.

Protestant persécuté en France, Charles Martel a pris la fuite vers le Nouveau Monde où il a rejoint l'armée du général Wolfe qui l'a récompensé en lui donnant une terre au Cap-Breton. À travers des musiques de chambre, cajun, cabaret et même jazz, les chansons de l'album Martel suivent le marin des bas-fonds de Paris jusqu'à son arrivée de l'autre côté de l'Atlantique.

«Musicalement, nous avons adopté l'approche de la musique classique en concevant l'album comme un mouvement et un long processus. En musique populaire, on pense habituellement à coup de trois minutes. Là, j'ai coréalisé l'album avec Mark Dolmont, qui écrit beaucoup de musique de film, explique Malinowski. Je voulais de la musique classique avec un esprit de vieux monde, mais aussi avec un esprit colonial.»

Zachary Richard apporte une touche historique en prêtant sa voix - en français - à la chanson Dying Californian. «Une chanson sur la ruée vers l'or», précise Malinowski, qui reprend par ailleurs Sloop John B sur l'album.

Mieux définir par son passé

Tout ce qui entoure l'album Martel (les recherches, son site web interactif) fait suite à une remise en question de la part de son créateur. Mais pourquoi Jay Malinowski est-il parti sur les traces de son lointain passé plutôt que de prendre un rendez-vous chez le psychologue?

«Tu arrives à 25 ou 30 ans et tu prends tout à coup des décisions qui vont t'influencer pour le reste de notre vie. Moi, je vis à Vancouver et je suis né à Montréal. Je tiens ça pour acquis alors que ce sont des décisions de mes parents. Leurs parents à eux avaient aussi fait des choix. Toutes ces couches de choix expliquent ce que nous sommes.»

Il est intéressant de voir un major comme Sony soutenir un projet musical aussi ambitieux. «Il fut un temps où je n'avais plus envie de faire de la musique. Je n'aimais pas la routine de faire des chansons pour faire de l'argent et avoir du succès. Shawn Carter de Sony s'est mis à m'appeler tous les jours pour prendre de mes nouvelles.»

Jay Malinowski lui en est reconnaissant. «Je lui ai quand même lancé: «Je vais faire un album de 18 chansons sur mon ancêtre de Lyon qui est arrivé au Canada en 1757.» »

Au final, le projet - assorti d'un livre, d'un site web, de lettres et de peintures - a vu le jour et il chamboule avec brio le concept traditionnel d'un album sans négliger le plaisir musical du public.

Au Lion d'or le 5 avril. Pour en savoir plus sur tout le projet entourant Martel, visitez le www.whoismartel.com.