Lou Reed et Ray Manzarek (The Doors) ne sont pas les seuls musiciens à avoir passé l'arme à gauche cette année. Hors Cadre revient sur quelques disparus moins médiatisés, mais dignes de mention.

Yusef Lateef (1920-2013)

Le souffleur Yusef Lateef a choisi de nous quitter le 23 décembre, à l'âge de 93 ans. Mais dans le tourbillon des Fêtes, sa mort est pratiquement passée inaperçue. Il méritait mieux.

À la fin des années 50, Lateef fut le premier à incorporer des sonorités ethniques au format jazz traditionnel.

Afro-Américain converti à l'islam (son vrai nom est William Emmanuel Huddleston), il jouait du sax, de la flûte traversière, du basson et du hautbois, mais aussi toutes sortes d'instruments venus d'Afrique, d'Asie et du Moyen-Orient, comme l'argol, le shenai, le xun, le rahab ou le koto. Ses titres d'albums (Eastern Sounds, Other Sounds, Prayer to the East, Jazz 'Round the World) disaient tout. C'était sa marque de commerce.

Sa palette musicale singulière lui a permis de repousser les frontières du jazz et de passer à l'histoire comme un innovateur et un artiste influent, notamment sur John Coltrane qui empruntera des routes similaires lors de sa période free jazz. Pour le New York Times, qui lui rendait hommage la semaine dernière, Yusef Lateef fut tout simplement celui qui «jouait de la musique world avant que la musique world ait un nom».

Lateef intégrera éventuellement plus de blues à sa musique, puis prendra un virage New Age, remportant éventuellement le Grammy du meilleur album Nouvel Âge en 1987 pour Yusef Lateef's Little Symphony. Il a également écrit des nouvelles et a enseigné la musique toute sa vie. Jusqu'à l'an dernier, il donnait encore des concerts.

Sur une note plus personnelle, il faut remercier Gilles Archambault de nous avoir fait connaître Lateef, il y a de cela plus de 20 ans. L'écrivain, qui animait alors son émission de jazz à la radio, avait fait jouer la pièce Sister Mamie, tirée de l'album en concert Live at Pep's, datant de 1964.

Cela commençait avec un groove martelé, tout à fait «échantillonnable» pour les DJ et le milieu du hip-hop. Puis tout à coup, comme surgi de nulle part, ce son déchirant à vous arracher l'âme et les tripes, rarement entendu dans le jazz.

L'instrument était probablement un shenai indien, mais on n'a jamais trop su. Qu'importe. Ce fut une vraie découverte.

George Jones (1931-2013)

Fils spirituel d'Ernest Tubb et Hank Williams, George Jones était l'un des rois du country américain. Sa voix émouvante lui a permis de connaître beaucoup de succès (White Lighting, Tender Years, She Thinks I Still Care, The Grand Tour). Ses problèmes personnels (rupture avec Tammy Wynette, longue bataille contre l'alcoolisme) en avaient fait un enfant chéri du public américain.

Tony Sheridan (1940-2013)

On le connaît surtout comme «celui que les Beatles ont accompagné avant d'être connus». Mais ce guitariste et chanteur de rock britannique basé à Hambourg a poursuivi sa carrière bien après, sans toutefois percer commercialement. Ses enregistrements avec les Fab Four sont régulièrement réédités.

Patti Page (1927-2013)

Avec des ventes de disques estimées à plus de 100 millions et au moins une douzaine de singles millionnaires, Patti Page fut l'une des chanteuses les plus populaires de l'Amérique des années 50. Elle a connu d'énormes succès avec les chansons Mockin' Bird Hill, How Much is that Doggie in the Window et son classique Tennesse Waltz, avant d'être mise sur la touche par l'arrivée du rock'n'roll.

Annette Funicello (1942-2013)

Bien avant Hannah Montana, il y avait Annette Funicello. Au début des années 60, ce produit du «Mickey Mouse Club» a joué dans une tonne de films «de plage» pour ados, avec le chanteur Frankie Avalon, avant de disparaître de la circulation. Sa mort est reliée à la sclérose en plaques.

Tabu Ley Rochereau (1937-2013)

Cette superstar de la musique africaine fut une immense vedette du soukous et de la rumba congolaise. Il a fondé les groupes African Fiesta et Afrias International, écrit plus de 1000 chansons en 50 ans et a révélé des artistes comme Papa Wemba et la chanteuse Mbilia Bel, qui deviendra sa femme et complice musicale.

Richie Havens (1941-2013)

Il a roulé toute sa vie sur sa mémorable performance en ouverture du festival de Woodstock en 1969. S'il n'a jamais répété cet exploit, il a connu une longue et belle carrière de chanteur folk avec quelques tubes au passage, dont la chanson Freedom, reprise par Tarantino dans son film Django Unchained.

Junior Murvin (1946-2013)

Chanteur de reggae à la plume originale, Junior Murvin est surtout connu pour son tube de 1976 Police and Thieves, une chronique sociale des ghettos de Kingston, qui sera éventuellement repris par le groupe The Clash.

George Duke (1946-2013)

Révélé grâce à Frank Zappa, ce claviériste funky a été l'un des grands noms du jazz fusion dans les années 70, que ce soit en groupe (Weather Report), en solo ou en collaborant avec d'autres virtuoses du genre comme Billy Cobham ou Stanley Clarke. Il a été allègrement «samplé» par les artistes hip-hop, notamment Common et A Tribe Called Quest.

Reg Presley (1941-2013)

L'incomparable chanteur des Troggs, groupe britannique passé à l'histoire pour ses tubes With a Girl Like You et surtout Wild Thing. Dans les années 2000, Presley avait développé une fascination pour les extraterrestres et même écrit un livre sur la question (Wild Things They Don't Tell Us).

Slim Whitman (1923-2013)

Bien qu'Américain, ce chanteur de country n'a pratiquement pas fait carrière chez lui, mais plutôt en Angleterre, en Australie et en Afrique du Sud, où il a connu au moins deux grands succès (Indian Love Call, Marie Rose). Il semble que son style atypique, entre le yodle et le falsetto, n'était pas assez «hillbilly» pour les États-Unis.

Kevin Ayers (1944-2013)

Figure éminente du rock anglais, Kevin Ayers a fondé le groupe mythique The Soft Machine à la fin des années 60 avant de se lancer en solo, et de collaborer avec des pointures comme Brian Eno, Mike Oldfield et John Cale.

Bob Brozman (1954-2013)

Guitariste, chanteur, ethnomusicologue, explorateur musical à la recherche de rencontres improbables, Bob Brozman était un véritable musicien du monde, comme en témoignent ses multiples collaborations avec des musiciens africains, indiens ou hawaïiens. Les raisons de son suicide ne sont pas claires. Officiellement, il ne pouvait plus jouer, victime des suites d'un ancien accident de voiture. Officieusement, on s'apprêtait à le traîner en cour pour délits sexuels sur des (très jeunes) mineurs.

Edye Gorme (1928-2013)

Une des dernières survivantes de la belle époque du lounge et des cabarets. Ses albums se trouvent encore en quantité chez les disquaires d'occasion. Elle a connu du succès avec des chansons comme Yes my Darling Daughter (1962), Blame it on the bossa nova (1963), qui sera reprise au Québec par Margot Lefebvre.

Et aussi...

Donald Byrd (1932-2013) Un immense trompettiste du jazz, dont la carrière a duré près d'un demi-siècle. Son travail fut largement échantillonné par les artistes de rap.

Jim Hall (1930-2013) Un moestro de la guitare jazz. À joué avec Bill Evans, Ella Fitzgerald, Paul Desmond, Sonny Rollins et Pat Metheny.

Chico Hamilton (1921-2013) Un des batteurs et percussionnistes les plus originaux du jazz west coast des années 60, 70 et 80.

Chiwonizo (1976-2013Morte à 37 ans d'une pneumonie, cette Zimbabwéenne était une spécialiste du mbira (le fameux piano à doigts africain). À joué à Montréal 2010, aux Nuits d'Afrique.

Johnny Smith (1922-2013) Guitariste de jazz américain, il est passé à la postérité (et à la banque) pour avoir écrit le tube Walk, don't Run, des Ventures.

Phil Ramone (1934-2013) Producteur américain d'origine sud-africaine. À travaillé sur les disques de Bob Dylan, Barbra Streisand et Frank Sinatra, ainsi que d'excellents disques de jazz comme Olé (John Coltrane) et Getz-Gilberto

Magic Slim (1937-2013) Un des gros noms du Chicago blues.

Bi Kidude (1910-2013) Une énigmatique chanteuse plus que centenaire de Zanzibar. Elle avait été découverte sur le (très) tard.

Shadow Morton (-2013) Ombrageux producteur de pop et de rock. A écrit le tube Leader of the Pack pour les Shangri-Las (1964) et produit des albums à succès pour Janis Ian et Vanilla Fudge. À aussi collaboré avec le Québécois Tony Roman au milieu des années 60.

Une des dernières survivantes de la belle époque du lounge et des cabarets. Ses albums se trouvent encore en quantité chez les disquaires d'occasion. Elle a connu du succès avec des chansons comme Yes my Darling Daughter (1962), Blame it on the bossa nova (1963), qui sera reprise au Québec par Margot Lefebvre.