Thomas Fersen avait enregistré tout son nouvel album quand il est tombé sur une chanson du groupe The Ginger Accident. Il n'en fallait pas plus pour que ce nouvel album réjouissant prenne des couleurs rappelant les années 60. Explications.

Un jour que Thomas Fersen débarque à Villefranche pour y jouer tous les rôles dans L'histoire du soldat de Stravinsky et Ramuz, le directeur du théâtre lui remet une compilation d'artistes qui participent à son festival de musique. Rentré à la maison, il écoute ce disque et y découvre un drôle de groupe baptisé The Ginger Accident.

«Je suis immédiatement séduit par le son de ce groupe, par son énergie, raconte Fersen, joint au téléphone à sa maison en Bretagne. Je vais voir sur l'internet pour me renseigner un peu et j'y entends quelques morceaux qui partent dans tous les sens, c'est très créatif. J'appelle Cédric de La Chapelle [NDLR: leader du groupe et réalisateur de l'album de Fersen] et je propose de lui envoyer une chanson pour qu'il essaie de faire quelque chose avec son groupe. Finalement, je lui en envoie quatre et quand ça me revient, j'ai la conviction que j'ai la possibilité de faire une aventure musicale.»

C'est le moins qu'on puisse dire. Cédric de La Chapelle lui proposera d'aller enregistrer des cordes avec un arrangeur indien à Calcutta, de faire des choeurs avec une chorale d'adolescents, de faire chanter des filles, d'ajouter des cuivres... «C'était très effervescent et, pour moi, une redécouverte», dit au téléphone le Breton d'adoption dont les maquettes d'origine étaient plus rock, à la manière du groupe britannique des années 70 Mott The Hoople.

Un son vintage

L'histoire du Ginger Accident n'est pas moins intéressante. En vacances en Inde en 2007, le Lyonnais Cédric de La Chapelle croise Joe, un vieux monsieur qui chante dans la rue, et il enregistre sa voix. Rentré en France, il rassemble ses amis qui font des musiques sur ces interprétations a cappella et c'est ainsi que naît Slow Joe&The Ginger Accident.

Joe n'est pas du nouveau disque de Fersen, mais ses potes français, si. Ils colorent les textes fantaisistes du nouveau quinquagénaire de musiques vintage, pop et rhythm and blues, avec des instruments (guitare, orgue, cuivres et cordes) qui nous ramènent dans les années 60 et font penser à Nino Ferrer. Le Ginger Accident n'accompagnera pas Fersen dans sa nouvelle tournée qui s'arrêtera vraisemblablement au Québec à la mi-février ou à la mi-avril, mais Cédric de La Chapelle lui a monté un groupe tout à fait dans le ton auquel se joindra le vieux complice guitariste Pierre Sangra.

«J'ai envie de proposer ce son-là sur scène, renchérit Fersen. Ça va donner quelque chose d'intéressant, qui est en vie et plein de promesses, et ça va aussi me permettre de jouer certaines chansons de mon répertoire que je ne jouais plus et qui vont pouvoir prendre une nouvelle vie, comme Les papillons

Du Fersen pur jus

L'humour et la fantaisie de Thomas Fersen imprègnent ce nouvel album davantage que le précédent, Je suis au paradis, dont la plupart des musiques se déclinaient sur un mode proche de la ballade. Les pingouins des îles est du Fersen pur jus, comme d'ailleurs Mes compétences, sur une musique pop/R&B très entraînante. Et peu d'auteurs de chansons savent comment installer une histoire dès les premières phrases comme dans Les femmes préfèrent: «Les femmes que j'ai assassinées/Avec moi sont mortes d'ennui/Je les tue avec mon bonnet de nuit.»

«Oui, mais le problème, justement, pour moi, c'est de continuer parce que les trois premières phrases, ça fait un moment que je les avais, répond Fersen en pouffant de rire. Après, qu'est-ce que je dis?»

Si Fersen change de ton d'un album à l'autre, c'est moins par volonté que par désir, confesse-t-il. «Je suis quelqu'un qui a un réflexe de fuite. À partir du moment où je fais un disque, quand je commence à en parler, et c'est encore le cas pour celui-là, j'ai un réflexe qui me donne envie de m'enfuir ailleurs. C'est un réflexe salutaire, c'est vital pour moi. Je ne peux pas accepter qu'on dise Thomas Fersen, c'est ça. Et ça se retrouve dans mes textes parce que mes personnages sont toujours en train de se barrer ou de fuir dans quelque chose.»

Cinq chansons commentées

DONNE-MOI UN PETIT BAISER

«Ça sonne comme du Nino Ferrer. Le texte est très concis et il y a ce petit côté léger un peu fantaisiste de Nino Ferrer. Mais cette parenthèse ne me gêne pas. J'ai 50 ans, ce n'est pas pour me créer une personnalité. C'est un peu tard.»

JEAN

«J'ai fait cette chanson parce que j'étais séduit par la phrase «Jean ceci, Jean cela». On peut raconter plein de choses avec ça. Dans un couple, parfois, il y en a un qui réclame quelque chose et l'autre... il en a marre, voilà!»

QUI EST CE BAIGNEUR?

«J'avais fait la chanson, j'avais même enregistré la maquette, la voix, et puis le soir, pour m'amuser, je me suis mis à faire le refrain à deux voix en coupant les phrases en deux. C'est vraiment par réflexe de désobéissance, y compris à moi-même, que souvent les choses comme ça m'arrivent.»

LA BOXE À L'ANGLO-SAXONNE

«Dans mes chansons, mes personnages se barrent souvent. Celui-ci, c'est un bagarreur, un dur, il provoque les mecs, mais dès que sa femme l'appelle et lui demande de ramener du pain, il rentre à la maison.»

VIENS MON MICHEL

«C'est parti de la phrase "T'as peur de te faire mordre le ver par un brochet?" qu'a dite Fred Fortin un jour que quelqu'un ne voulait pas se baigner. Je l'ai retenue et j'ai imaginé que non seulement le gars avait peur de l'eau parce qu'il avait peur de se faire mordre le ver par un brochet, mais il avait aussi peur des femmes pour la même raison.»

Thomas Fersen

Thomas Fersen&The Ginger Accident

Tôt ou tard

En magasin mardi.

Chanson, Thomas Fersen and the Ginger Accident, de Thomas Fersen