De plus en plus de chanteuses américaines ajoutent des passages en français à leurs chansons. Ce qui est french pique la curiosité. Coeur de pirate et Peter Peter prouvent qu'il est possible pour des artistes francophones de flirter avec le marché américain. Mais il vaut mieux le voir comme une aventure et non comme une conquête.

Pour Zachary Richard, la musique n'a pas de langue. Il cite l'exemple du groupe traditionnel Le Vent du Nord, qui se produit régulièrement dans les pays anglophones. Dans le marché de musique world, traditionnelle ou de genre (folk, cajun), les frontières linguistiques sont naturellement plus ouvertes.

Au cours des deux dernières années, le Festival international de Louisiane a invité Radio Radio, Canailles, Sunny Duval et le groupe suisse Mama Rosin. Tous se retrouveront aux FrancoFolies.

Dans les domaines du rock et la chanson, les artistes pop-rock francophones peuvent également nourrir l'espoir de percer - à petite échelle du moins - aux États-Unis.

Même le gouvernement du Québec y croit. La preuve: la nouvelle bannière Planète Québec au marché du festival South by Southwest, qui a lieu en mars, au Texas. Avec l'aide du gouvernement, une importance délégation d'artistes francophones s'y produit dans des spectacles-vitrine.

En mars dernier, les Lisa LeBlanc, Karim Ouellet, Koriass, Peter Peter et Hôtel Morphée ont fait le voyage jusqu'à Austin.

«Les États-Unis sont un marché essentiel pour nos exportations culturelles et technologiques», a déclaré en mars dernier Jean-François Lisée, ministre des Relations internationales, de la Francophonie et du Commerce extérieur.

Curiosité

Exit l'époque post-septembre 2001 où tout ce qui était français n'était pas au goût du jour et où les mots «French Fries» étaient bannis de certains restaurants. Douze ans plus tard, il y a plutôt une grande curiosité indie pour tout ce qui est french. À l'image de Zooey Deschanel sur le dernier disque de son duo She&Him, plusieurs chanteuses flirtent avec le français. French est à nouveau synonyme de cute, sexy et hip.

Selon Coeur de pirate, qui remplit des salles à guichets fermés à New York et à Boston, «le yéyé et le rétro français» sont en effet à la mode. Elle remarque cette tendance dans la culture populaire et les films de Wes Anderson, par exemple. Il n'est pas rare d'entendre des chansons de Brigitte Bardot ou de Serge Gainsbourg ou des références aux chanteurs français.

«Il y a beaucoup de gens qui sont francophiles, qui aiment le français, et qui vont se tourner vers justement moi ou d'autres artistes pour écouter de la musique en français», nous a dit récemment Coeur de pirate, qui est retournée se produire à Boston et à New York, il y a quelques jours.

Mentalités de l'industrie

En février dernier, Peter Peter a fait une percée anglophone quand son dernier disque a pris le huitième rang du palmarès des nouveautés de CMJ, qui compile les albums qui tournent le plus dans les radios universitaires nord-américaines.

Depuis son disque Trompe-l'oeil, Malajube a droit à des critiques dans la «bible» de Pitchfork. L'influent et fort critique webzine a accordé une note généreuse de 7 sur 10 à son dernier album La Caverne. Dans le texte en question, Pitchfork se réjouissait même du fait que Malajube chante toujours en français malgré l'intérêt international qu'il suscite dans le marché anglo-saxon («They are still happy to get lost in translation.»)

En partie grâce au prix Polaris, Karkwa a également fait une mini-tournée aux États-Unis. Sa chanson Pyromane a servi à la bande sonore du film de Julia Roberts, Jesus Henry Christ, sous l'approbation de l'actrice.

Au fil des ans, les mentalités de l'industrie québécoise ont également changé par rapport aux États-Unis. Si RBO chantait à l'époque I want to pogne pour se moquer de la carrière internationale de Céline Dion, c'est aujourd'hui possible de vouloir «to pogne en français». Du moins un peu.