C'est la fin d'une époque. Muzak, équivalent musical du pain blanc tranché, vient d'être définitivement fermée. Adieu, Liberace! Adieu Mantovani!

Au milieu des années 80, le rockeur Ted Nugent a annoncé qu'il voulait acheter Muzak pour pouvoir la «tabletter» pour de bon.

Sur le coup, cette idée saugrenue a fait rire bien des gens. Personne ne pouvait s'imaginer qu'une telle chose était possible.

Mais aujourd'hui, c'est exactement ce qui vient d'arriver. Rachetée il y a deux ans par la société de marketing Mood Media, la marque Muzak vient d'être définitivement rayée de la carte.

«C'est la fin d'une marque américaine iconique», a reconnu Lorne Abony, président et directeur général de Mood, au moment de l'annonce, en février.

On ne saurait mieux dire. Même si elle était depuis longtemps l'objet de railleries, Muzak n'en demeurait pas moins très célèbre. Comme Kleenex et Frigidaire, son nom en était venu à désigner plus qu'une marque, mais un genre de musique en soi: la musique d'ascenseur.

Considérant sa notoriété, pourquoi alors tirer la «plogue»?

Restructuration d'entreprise, explique tout simplement Randnal Rudniski, vice-président aux relations-investisseurs chez Mood Media.

«Notre première intention n'était pas de fermer Muzak, mais de l'acheter pour élargir notre portfolio. Mais, à un certain point, il est devenu nécessaire d'unifier tous nos services sous un seul et même nom: le nôtre.»

Certains ont avancé que Mood Media avait laissé tomber Muzak pour prendre ses distances avec la marque mal-aimée. Même si elle avait depuis 20 ans élargi son catalogue, Muzak était toujours synonyme de guimauve musicale, comme celle qu'on entend dans les centres commerciaux ou la salle d'attente du dentiste.

Mais M. Rudniski réfute cette hypothèse. Il aurait été possible, selon lui, de «réhabiliter» l'image de marque de Muzak. Au final, la décision a été prise sur des bases purement stratégiques.

«Ça n'a pas été facile, ajoute l'homme d'affaires. Je dois dire que nous y avons réfléchi pendant longtemps.»

Walmart et La Baie

Basée à Concord, en Ontario, Mood Media se spécialise dans le marketing «multisensoriel», c'est-à-dire qu'elle fournit aux commerces de la musique, des images, des applications interactives et même des odeurs pour inciter à la consommation.

L'entreprise distribue actuellement ses services dans plus de 500 000 points de vente au Canada, en Europe et aux États-Unis, incluant Walmart, Sobey's, Gucci, Macy's et La Baie. Cet impressionnant portefeuille de clients est largement attribuable à l'achat de Muzak, qui rejoignait à elle seule 300 000 commerces et possédait un catalogue phénoménal de 5 millions de titres musicaux.

Mais que les nostalgiques se rassurent: Muzak n'a pas encore complètement disparu de la carte (d'affaires).

Primo, son catalogue continuera de jouer en douce dans un magasin près de chez vous. Et deuzio, le nom continuera de circuler sur différents supports. Du moins temporairement.

«Nous avons encore beaucoup de matériel de bureau, d'adresses de courriel et d'infrastructures avec le nom de Muzak», conclut M. Rudniski.

«Je crois que ça va nous prendre un moment avant de changer tout ça...»