La programmation du prochain festival Osheaga fait de nouveaux heureux, mais déçoit des habitués, signe que le marché de la musique se transforme. Les artistes considérés comme s'adressant au grand public (mainstream) et les indépendants (indie) se rejoignent de plus en plus. Phoenix, Mumford & Sons, Vampire Weekend et The Lumineers sont loin des univers de Bon Jovi et Nickelback. Pourtant, ils ne convaincront pas les amateurs de musique plus pointus de dépenser des centaines de dollars pour assister à Osheaga cet été. Est-ce la fin du courant indie?

L'esprit du mot «grunge» est mort quand on l'a inventé. Le mot «hipster» est en train de subir le même sort. Aujourd'hui, tout le monde porte des jeans skinny et des lunettes fumées Ray-Ban. Arcade Fire et The Black Keys remportent des prix Grammy. Les gens prennent leur auto depuis Westmount ou le 450 pour aller souper dans un nouveau restaurant du Mile-End. Une mère et sa fille magasinent ensemble chez Urban Outfitters.

Cette démocratisation de la mode émergente, indie ou hipster (utilisez le nom que vous voulez), se traduit dans la mode, les habitudes de vie et la musique. Des groupes relativement obscurs comme Tame Impala et Alt-J remplissent le Métropolis ou le Corona. Ils n'ont plus besoin d'assurer des premières parties pour gagner leur vie et pour être invités sur le plateau de David Letterman.

Dans une ville comme Montréal, le public indie ne représente plus une poignée de gens, mais une masse critique importante de gens capable de remplir les plus grandes salles de spectacle de la ville.

Le manque de repères underground expliquerait-il pourquoi Osheaga s'attire des éloges de gens qui n'y ont jamais mis les pieds et des critiques de ceux qui fréquentent le festival depuis ses débuts? Plusieurs lecteurs et amateurs de musique nous ont partagé leur déception. «C'est trop indie-grammy à mon goût», dit l'un. «Je trouve que le rock mou est beaucoup trop présent», seconde l'autre.

Ils auraient aimé voir des groupes comme Metz, Grizzly Bear, Foxygen, Divine Fits et Django Django. Quant aux têtes d'affiche, ils regrettent qu'Osheaga n'ait pas mis la main sur Postal Service, Blur et Stones Roses, qui se produiront dans d'autres festivals cet été.

La compétition est devenue féroce entre les grands festivals nord-américains. On peut aussi se demander si les groupes indie ont autant d'avantages à s'y produire. Si The National peut attirer à lui seul 5000 spectateurs au Centre Bell, pourquoi aller se produire à Osheaga?

La musique indépendante s'est démocratisée, alors que la musique pop a conquis un public plus underground. Programmée à Osheaga, un duo comme Icona Pop (à qui l'on doit le tube I Love It, tiré de la bande sonore de la populaire série télé Girls) est loin de Katy Perry et Rihanna, mais reste que sa musique est formatée et sucrée.

La pop séduit également de plus en plus de musiciens indie-rock. Pensons aux derniers albums de Diamond Rings et Tegan and Sara, par exemple.

Conclusion? De plus en plus d'artistes ont les fesses assises entre les chaises «indie» et «commerciale»: Fun., Swedish House Mafia, The Lumineers, Of Monsters and Men ou encore Santigold.

Cette confusion entre «ce qui est cool ou non» explique pourquoi un festival d'Osheaga peine à bâtir une programmation qui plaira à son public le plus pointu.

C'est néanmoins excitant pour le futur: ce que nous réserve l'après-indie?

Suggestion de la semaine : Sunshine

Ce groupe de Vancouver propose de douces mélodies nineties galopantes, qui plairont aux fans de The Pains of Being Pure At Heart. Idéal pour gambader dans les rues au printemps, le coeur léger et rempli d'espoir: sunshinesucks.bandcamp.com