Ils n'ont plus rien à prouver. Le premier est un vétéran intouchable du hip-hop à la réputation des plus enviables. Il est riche, sans compter qu'il est l'amoureux et le père du futur enfant de la belle Beyoncé Knowles.

Le deuxième a un égo démesuré, mais il a le génie qui vient avec. Ce n'est pas pour rien que le jeune Kanye West est tombé à l'époque sous le flair de Jay-Z, qui lui a donné sa première chance en le prenant dans l'équipe de Roc-A-Fella Records.

Près de 15 ans plus tard, les deux rappeurs ont réuni leurs forces pour un album, Watch The Throne, suivi d'une tournée, qui passait par le Centre Bell, mardi soir. La frénésie qui régnait avant le spectacle ne démentait pas l'aspect événementiel de la collaboration entre les deux superpuissances du rap.

Au grand soulagement des détenteurs de billets pris dans l'engorgement monstre à la billetterie, le spectacle a débuté plus tard que prévu, vers 21h20. Jay-Z et Kanye West sont arrivés parmi la foule chacun de leur côté du parterre, pour monter sur un bloc et interpréter HAM.

Il y avait une sobriété dans la mise en scène et l'éclairage qui dénudait les deux rappeurs, tout en les rendant encore plus géants... Puis les deux blocs se sont élevés dans les airs, la base s'illuminant par des projections vidéo présentant des pitbulls et des requins. Impressionnant...

Après Who Gon' Stop Me qui s'est terminée par une joute vocale a capella, l'effigie du drapeau américain est apparu sur la scène principale, puis Jay-Z et West sont réapparus en chantant Otis, premier extrait de Watch The Throne.

Pendant Welcome To The Jungle, les écrans géants ont enfin présenté en gros-plan les deux rappeurs, en alternance avec des images de félins dans la savane. Pendant l'introduction de Where I'm From, c'était bien de pouvoir voir les visages souriants de Jay-Z et Kanye, de même que les regards reconnaissants qu'ils jetaient au public.

Pendant Jigga What, Jigga Who (ou plutôt Nigga What, Nigga Who), succès de Jay-Z, les spectateurs scandaient le refrain en même temps que lui. C'était au tour de se dernier de s'éclipser pour laisser la place à West qui a lancé son bloc avec Can't Tell Me Nothing.

Chaque rappeur avait beau se retrouver seul au milieu des 15 000 spectateurs du Centre Bell, il parvenait à créer une ambiance intime et chaleureuse, bonifiée par les multiples points de vue que proposaient les projections.

Comme on dit en anglais, less is more. Quand tu as des bonnes tounes, du talent à revendre, deux rois du rap très généreux avec le public, pas besoin de grand-chose pour mettre la foule dans ta poche. Les chansons de West donnent lieu à des moments plus chargés émotivement (Jesus Walks, Runaway), alors que les succès de Jay-Z font littéralement exploser la foule, qui saute le poing en l'air.

Il fallait voir les spectateurs se donner à coeur joie sur Hard Knock Life, danser sur Empire State Of Mind, puis garder le même intérêt pour une pièce émotive comme Runaway.

Kanye West est brûlant d'intensité. Ce soir, son visage faisait presque peur sur les premières notes de Stronger. Quant à Jay-Z, il transforme le public en bombes à retardement. Les chansons du vétéran et de son ancien protégé se marient admirablement. Dans le spectacle, il y a également un bon dosage de rap au micro old school et de moments où la scénographie est spectaculaire.

Deux heures après le début du spectacle, les spectateurs avaient toujours faim, eux qui venaient d'avaler les Big Pimpin'Gold Digger et 99 Problems. En finale, ils ont même eu droit à cinq ou six versions de Niggas in Paris.

«Montréal, vous avez été une super foule. Vous avez été trop gentils», a lancé Jay-Z, à la fin du spectacle, qui aura duré plus de deux heures et demie. «I love this motherfucking city», a-t-il ajouté avant de quitter la scène.

Si Kanye West et Jay-Z ont décidé de faire un album avant tout pour le plaisir de rapper ensemble, leur tournée permet au public de vivre un très grand moment de rap, dont on se souviendra longtemps.