On s'en doutait un peu quand on l'a vu dans un National bondé en avril: Duran Duran remet ça au Centre Bell, dimanche soir. Conversation avec le claviériste Nick Rhodes sur ce groupe qui, contre toute attente, a survécu aux années 80.

En jouant dans des petites boîtes au printemps, Duran Duran avait dans sa mire la tournée d'arénas qui a débuté à Seattle le mois dernier, reconnaît Nick Rhodes quelques heures avant ce premier spectacle sur la côte ouest américaine. «Au départ, on s'était dit: réunissons-nous, répétons nos nouvelles chansons et jouons-les, ajoute-t-il. On n'a même pas pensé aux éclairages, au décor, aux vidéoclips, à la mise en scène, bref à tout ce qui est important pour nous dans un plus gros amphithéâtre: on est partis jouer nos chansons! Ces petites salles étaient parfaites, ça a certainement créé un beau buzz, mais ça nous semblait tout naturel.»

Ce qu'il y avait de particulièrement réjouissant dans le spectacle au National, le 26 avril, c'était justement ce petit quelque chose de dépouillé, de brut, qui tranchait avec l'image polie du Duran Duran des débuts. Une image qu'on avait tous à l'esprit en regardant, en début de soirée, les clips réalisés par des fans sur les nouvelles chansons du groupe qui tranchaient nettement avec ceux auxquels nous ont habitués les Britanniques dans les années 80.

«On entend souvent dire ça parce que, je suppose, on a été à notre façon des pionniers dans l'univers du vidéoclip, mais j'ai toujours cru que les meilleurs clips partaient des meilleures idées, commente Rhodes. Certains de nos premiers clips donnaient l'impression d'avoir coûté cher, mais ils ont été faits pour presque rien. Pour Wild Boys, on avait évidemment un gros budget, mais nos premiers clips comme Hungry Like the Wolf, Girls on Film et Save a Prayer étaient très économiques même s'ils donnaient l'impression d'avoir coûté beaucoup plus cher parce qu'ils partaient de bonnes idées et avaient été tournés dans des lieux extraordinairement beaux. Nos clips au Sri Lanka ont sûrement coûté moins cher que les coiffures de Lady Gaga!»

Merci, Mark Ronson

Duran Duran a eu plusieurs vies. Après ses années de gloire, on le croyait mort et enterré quand, en 1993, il a refait surface avec la chanson Ordinary World, l'une des plus applaudies au National. Dix-huit ans plus tard, le nouvel album All You Need Is Now est une réussite, ses chansons se glissant tout naturellement parmi les classiques du groupe qui compte encore quatre des cinq membres d'origine depuis le départ du guitariste Andy Taylor.

«C'est pour ça qu'on a répété le nouvel album complètement et qu'on choisit chaque soir quelles chansons on va jouer, raconte Rhodes. Mark Ronson - le réalisateur - nous a donné une direction et a su tirer le meilleur du groupe. C'est comme si on avait une boîte d'outils avec laquelle on peut faire plein de choses, mais encore faut-il bien les utiliser. Mark nous a dit: «Nick, je veux que tu utilises seulement des synthés analogues, Simon [Le Bon], construis tes mélodies en empilant les harmonies comme tu le faisais jadis, John [Taylor] et Roger [Taylor], je veux un rythme très funky.» Il nous a ramenés à l'essence même de Duran Duran.»

En 2011, le défi est sans doute encore plus grand pour Rhodes lui-même: comment obtenir un son moderne avec les synthés tout en ne perdant pas la saveur associée aux succès du groupe dans les années 80?

«Quand les synthés sont devenus populaires dans les années 80, plusieurs musiciens avaient un son auquel je n'aurais jamais touché et qu'on considère maintenant comme le son typique des années 80: un son clair, cuivré qu'on entendait sur à peu près tous les disques de l'époque et qui me donnait presque de l'urticaire, répond Rhodes. J'ai toujours essayé de faire les choses avec goût. Bien avant Duran Duran, Kraftwerk faisait des disques en misant beaucoup sur les synthés et ces disques ont encore un beau son contemporain. Pareil pour les guitares: dans les années 60 et 70, ça devait être très excitant de faire partie d'un groupe rock et d'écouter Jimi Hendrix, mais le très bon rock sonne toujours bien de nos jours. Le défi, c'est de faire des trucs contemporains, mais qui vont vraiment durer.»

Duran Duran au Centre Bell, dimanche, à 19h30.