Elle est chilienne. Elle rappe. Et elle vient de lancer son premier CD. Discussion avec une enfant de la politique.

LA PRESSE: Rappeuse et chilienne. C'est un mélange dont on entend rarement parler. Comment en êtes-vous arrivée au hip-hop?

ANA TIJOUX: Je suis née en France, où mes parents avaient fui la dictature. J'ai grandi avec IAM, NTM. C'est une musique qui m'a toujours plu. J'adore écrire des paroles. Et pour moi, le rap est un juste milieu entre la musique et la poésie.

 

Q: Il y a beaucoup de rap au Chili?

R: C'est énorme. Et pas seulement au Chili. Dans tout le continent sud-américain! C'est peut-être parce que c'est une forme d'art plus accessible. Tout ce qu'il faut, c'est un micro, un bon producteur et un studio maison. Et puis, il se passe un tas de trucs à l'heure actuelle en Amérique latine. Pour un rappeur, c'est très inspirant.

Q: C'est un cliché, mais on dit souvent que le hip-hop est un monde macho. Comment ça se passe pour vous?

R: C'est un truc que, moi, je n'ai jamais senti. En fait, ça commence à grandir pour les femmes. Il y en avait quelques-unes avant moi. Et de plus en plus maintenant. Des adolescentes qui prennent le micro et qui n'ont pas peur d'être devant 400 mecs. Au Venezuela. En Colombie. Ça devient intéressant.

Q: Vous avez récemment collaboré avec la vedette pop mexicaine Julieta Venegas (Eres para mi) et récolté deux nominations aux MTV Latin Awards. Quel en a été l'impact sur votre carrière?

R: Disons que ma grand-mère sait désormais ce que je fais! Je suis plus connue, mais mes racines sont encore dans l'underground.

Q: Excusez notre mauvais espagnol, mais vos chansons parlent de quoi?

R: Un peu de tout. Ce que je vois. Ce qui m'arrive. Les conversations que j'ai avec mes potes. Et aussi des gens que j'aime, de mon quotidien. Des inégalités sociales. Et des questions existentielles que je me pose. Est-ce que je suis une musicienne ou pas? Une rappeuse ou pas?

Q: Vos parents étaient des exilés politiques. Ça a teinté votre façon de voir le monde?

R: Totalement. La politique représentait 99% des conversations que nous avions à table. J'ai grandi dans une ambiance de gauche humaniste. Mes parents ont contesté, fait de la prison. Ils sont partis en 1976 et on leur a interdit de revenir au Chili pendant 15 ans. J'avais 14 ans quand j'y ai mis les pieds pour la première fois. Au début, j'ai été choquée par le contraste. Mais maintenant, je ne me vois pas ailleurs. C'est un pays compliqué. Mais en tant que musicienne et citoyenne, je sens que j'ai ma part à jouer pour les changements à venir.

Q: Votre nouvel album s'intitule 1977. Pourquoi?

R: C'est l'année de ma naissance. Soit dit en passant, mes concerts sont gratuits pour ceux qui sont nés cette année-là. Vous n'avez qu'à montrer votre carte d'identité...

Ana Tijoux, en spectacle le 2 avril au Green Room (5386, boulevard Saint-Laurent).

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