Les groupes et les chanteurs d'ailleurs, comme Madonna ou Van Morrison, font de plus en plus d'argent en vendant les billets de leurs spectacles aux Montréalais. Résultat : les artistes québécois en souffrent, du moins les francophones, qui voient parallèlement fondre leurs revenus.

Les dernières statistiques de l'Observatoire de la culture et des communications du Québec (OCCQ) - que La Presse vient d'obtenir - sont éloquentes.

Entre 2005 et 2008, on assiste à une chute de 29% des revenus générés par la vente de billets de spectacles donnés par des Québécois francophones. Au même moment, la vente de billets de concerts donnés dans une autre langue a crû de 115%. L'an dernier la dégringolade a continué.

La moitié des diffuseurs sont dans le rouge, révèle par ailleurs une étude toute fraîche du Réseau indépendant des diffuseurs d'événements artistiques unis (RIDEAU).

Les producteurs et diffuseurs de spectacles joints par La Presse sont inquiets. Selon plusieurs d'entre eux, la concurrence est devenue trop forte. Ébranlée par l'effondrement des ventes de CD, l'industrie de la musique compte en effet de plus en plus sur les concerts pour redresser sa situation.

Les artistes étrangers viennent en plus grand nombre, demandent le gros prix (comme le fait notamment Van Morrison, à la salle Wilfrid-Pelletier ce soir, avec des billets coûtant jusqu'à 325$) et vident les portefeuilles des fans de musique.

«Ici comme aux États-Unis, les billets sont très chers», souligne Louis Carrière, de l'agence de spectacles Preste (Trois Accords, Caracol, Xavier Caféïne...). «Les gens en ont un peu marre de payer des frais additionnels - de service ou autres - pour leurs places. Les billets chers ont un impact et on le sent.»

La crise du disque force aussi les artistes à entreprendre de plus vastes tournées pour survivre. «Il y a quelques années, les artistes n'avaient pas besoin d'aller autant en région. Aujourd'hui, les gens des régions n'ont plus besoin de se rendre dans la métropole pour voir leurs artistes préférés, poursuit Louis Carrière. Et c'est sans compter l'offre des concerts gratuits, toujours importante au Québec...»

L'inquiétude est la même du côté de l'ADISQ. «Année après année, c'est stable, il y a toujours environ 2 millions d'entrées payantes dans les concerts. Or, ces gens-là n'ont pas forcément plus d'argent qu'avant. Lorsqu'ils achètent des billets à fort prix, ils en ont moins pour les autres concerts», avance la directrice de l'organisme, Solange Drouin.

«Une baisse quatre années consécutives, c'est un sérieux problème. Il faut faire face à l'offre étrangère et il faut en avoir les moyens», dit-elle .

Le gouvernement du Québec accordera une aide de 2 millions en 2009 «et une nouvelle tranche de 3 millions qui se fait attendre», précise la directrice de l'ADISQ.

Seule bonne nouvelle : l'intensification des tournées favorise les petites et moyennes salles, peu importe qui s'y donne en spectacle . «Il y a là une activité qu'il n'y avait pas il y a cinq ans», reconnaît Mme Drouin. L'inauguration de l'Astral et des nouvelles salles de l'eXcentris témoignent justement de ce nivellement «par le milieu».

Dans les salles de plus de 700 places - du Métropolis au Centre Bell -, seuls les concerts en anglais profitent de la conjoncture. «Nous avons connu notre meilleure année depuis que nous sommes en activité», confirme Nick Farkas, directeur de l'achat de spectacles pour le Groupe Spectacles Gillett (GEG), qui produit principalement des spectacles de musique en anglais.

«C'est incroyable comment les Québécois sont friands de spectacles», ajoute-t-il. GEG produit environ 500 concerts par année au Québec et investit lui aussi de plus en plus les petites et moyennes salles.

Chez les producteurs de musique francophone, il faut mettre les bouchées doubles. «Il y a trois ans, on pouvait annoncer un spectacle un mois d'avance et s'assurer d'une salle pleine», explique Yanick Masse, directeur de la production chez Bonsound, une agence montréalaise qui s'occupe de Malajube, Champion et plusieurs autres.

«Aujourd'hui, pour vendre une salle, il faut l'annoncer au moins trois mois d'avance. L'énergie investie pour convaincre le mélomane devra être encore plus grande en dépit des nouveaux moyens de communications et de promotion qu'offrent, à peu de frais, internet et les réseaux sociaux.»

Les billets de concert les plus coûteux

> 375 $ : Barbra Streisand, Centre Bell, 15 octobre 2006

> 350 $ : Madonna, Centre Bell, 22-23 octobre 2008

> 350 $ : Madonna, Centre Bell, 21-22 juin 2006

> 350 $ : Rolling Stones, Centre Bell, 10 janvier 2006

> 277 $ : Elton John-Billy Joel, Centre Bell, 3 juin 2009

> 225,50 $ : Elton John-Billy Joel, Centre Molson, 3 mai 2001

> 220,50 $ : Leonard Cohen, Wilfrid-Pelletier, 23-24-25 juin 2008* Ces prix ne comprennent pas les taxes ni les frais de service.