Entre la reine gothique Diamanda Galas et les pionniers du krautrock allemand Faust, entre les névrosés du rock alternatif Butthole Surfers et les légendes du psychédélisme brésilien Os Mutantes, entre la pionnière du rap féminin Roxanne Shante et la nouvelle Björk Fever Ray, le choix s'annonce encore aussi vaste qu'affolant. Sans oublier tous les petits groupes - pour la plupart inconnus - qui s'activeront dans une des 45 salles réquisitionnées par Pop Montréal. Et aussi les films. Et les manifestations d'arts visuels. Et les conférences. Et le marché aux puces. Et les activités pour enfants. Et... Bon. Déjà épuisée, La Presse vous lance quelques pistes. Mais n'oubliez pas: vous ne pourrez jamais tout voir...

Sufjan le prolifique

Sufjan Stevens fait partie de cette infime minorité d'humains dont la créativité est un torrent qui ne cesse de déborder de son lit. Né en 1975, cet auteur-compositeur-interprète-multi-instrumentiste-arrangeur-réalisateur a créé neuf albums au cours des neuf dernières années. D'aucuns considèrent ce créateur parmi les plus brillants sur la scène indie. Folk, électronique, pop classique, orchestrations à grand déploiement, minimalisme américain, impressionnisme français et autres musiques sérieuses, bruitisme et autres avant-gardes, on en passe... Rien à son épreuve! Sufjan Stevens s'est d'ailleurs rendu célèbre pour son intention de créer 50 opus pour autant d'États américains. Les albums Michigan (où il est né) et Illinois (où il réside) ne sont pas passés inaperçus. Voilà qui laisse présager la reconnaissance à grande échelle d'un des artistes les plus doués de cette génération. À Pop Montréal, on aurait aimé le présenter dans un amphithéâtre de sa stature (le Métropolis), mais l'artiste préfère une rencontre intimiste au Cabaret, rencontre dont la matière est parfaitement inconnue. Faut-il s'en étonner? (Alain Brunet)

La folie des Butthole Surfers

Retour à Montréal de ces vétérans de la scène rock alternative américaine qui, plus de 25 ans après leurs premières frasques, n'ont visiblement rien perdu de leur légendaire folie. À peu près tout de l'univers de ce groupe texan frôle la folie: les pochettes déroutantes, les textes parfois vulgairement provocateurs des chansons, cet instable amalgame de rock psychédélique, de punk, d'avant-garde électronique ou de rock bruitiste, sans oublier ces redoutables performances scéniques. Férocement indépendant et largement sous-estimé, le groupe prouvera une fois de plus qu'il est capable de mettre le feu à une scène, à l'Olympia le 1er octobre. En première partie des Surfers (dont le dernier album, Weird Revolution, remonte à 2001), les formations Nutsak et Lullabye Arkestra. (Philippe Renaud, collaboration spéciale)

Roxanne Shanté, la pionnière

Soirée résolument «old school» sur la Main, alors qu'une pionnière du genre, la rappeuse Roxanne Shanté, débarque au Club Lambi, le 1er octobre, secondée par nul autre que le DJ et maître des tables tournantes Grand Wizard Theodore. La première, membre émérite du légendaire Juice Crew, fut l'une des toutes premières femmes à faire sa place sur la toute jeune scène rap new-yorkaise du début des années 80. Retirée de la scène depuis près de 25 ans, la rappeuse revient pour une rare apparition à Montréal. À ses côtés, une autre légende: le DJ Grand Wizard Theodore, à qui on attribue l'invention de la technique du «scratch» qui, comme on le sait, a révolutionné l'art du DJing. Avec Kool Herc, Grandmaster Flash et Afrika Bambaata, Grand Wizard Theodore a jeté les fondations du turntablism sur lesquels les contemporains - le regretté Roc Raida, A-Track, Kid Koala, pour ne nommer qu'eux - ont érigé une discipline indissociable de la forme musicale à laquelle Roxanne Shanté appartient toujours. (Philippe Renaud, collaboration spéciale)

Thee Oh Sees, puissant buzz indé

Au fameux festival indie South By Southwest (Austin, Texas, printemps 2009), Thee Oh Sees a fait boum, une des plus retentissantes parmi les centaines de propositions au programme. Transplanté à San Francisco (d'où l'abandon du nom Orange County Sound, associé à la Californie méridionale), ce quartette tonitruant charrie bien assez d'étrangeté pour être identifié dès les premières mesures. À la tête des Oh Sees, un certain John Dwyer (jadis chez The Hospitals, Pink & Brown et autres groupes émergents) qui pousse sa troupe à explorer ce que certains qualifient de «lo-fi psyché contemporain». La crudité de la dégaine rock, ce côté mal poncé, gossé à la hache dans le garage, ces épaisses couches de bruit, ces flûtes hirsutes, ces averses de fréquences saturées, ces grattes intempestives de guitares, cette dévotion pour le brut, tout ça finit par produire une facture. Impossible de prévoir si la chaudronnée mijotera longtemps ainsi, on ne peut que se réjouir pour l'instant de cette capacité des Oh Sees de transformer leurs défauts en qualités. (Alain Brunet)

Sept films, deux salles

Sept films sont présentés par Pop Montréal, au Cinéma du Parc ou à l'Espace Réunion. Un gros morceau de la programmation, en partenariat avec le FNC, est le dernier Jonathan Caouette, All Tomorrow's Parties (le 13 octobre). Le documentaire s'intéresse au festival de musique du même nom et on pourra y voir, entres autres, Grizzly Bear et Animal Collective. De Gabriel Noble, le documentaire P-Star Rising revient sur les luttes d'une famille new-yorkaise pour que leur jeune fille, Priscilla, réalise le rêve de son père et devienne une star du rap (le 4 octobre). Jack White, The Edge et Jimmy Page sont les vedettes de It Might Get Loud, de Davis Guggenheim (le 30 septembre). Goblin Market, d'Adam Leith Gollner, sera présenté avec Sufjan Stevens (le 3 octobre): il s'agit d'un court inspiré par un poème de Christina Rossetti. Le réalisateur Tim Kelly amène deux courts métrages extraits de sa série montréalaise Meet New People (Tim Kelly's Big Small). Kevin Barker a suivi sur la route Devendra Banhart et Joanna Newsom en 2004 (The Family James, le 3 octobre). Enfin, Reformat the Planet, de Paul Owens, s'intéresse au premier festival des chiptunes de New York (le 2 octobre). (Anabelle Nicoud)

Une bibitte à 16 pattes!

Pop Montréal, ce n'est pas seulement de la musique, c'est aussi de l'art actuel. Le festival propose à ce chapitre une série d'installations ludiques, dont la vedette annoncée est le thérémine géant de David Beaulieu et Christian Pelletier Pour ceux qui ne le sauraient pas, le thérémine est un instrument de musique électronique qui a la particularité de produire des sons (très étranges) sans aucun contact physique. En principe, cette drôle de bibitte est composée d'un boîtier et d'une antenne. Mais Beaulieu et Pelletier, deux «génies» issus de l'École de technologie supérieure de l'UQAM, nous proposent ici un modèle de 16 antennes, que chacun pourra faire vibrer à volonté. «Normalement, le thérémine est une affaire d'experts. Là ça devient une expérience collective pour non-initiés. On fait quelque chose ensemble et on voit si ça fonctionne», résume David Beaulieu. Cette expérience interactive se tiendra du 30 septembre au 4 octobre à l'Espace Réunion (6600, rue Hutchison) où se tiendront une foule d'autres manifestations artistiques. D'autres infos sur le volet Art pop au www.popmontreal.com. (Jean-Christophe Laurence)

Dix noms de groupes à retenir

Hot Panda (1er oct., Petit Campus)

The Moist Towelettes (2 oct., Barfly)

The Two Koreas (2 oct., Divan orange)

Montreal Nintendo Orkestar (30 sept., Green Room)

Egyptian Light Orchestra (2 oct., Espace Réunion)

Teenage Jesus&The Jerks (2 oct., National)

Teen Sleuth&The Freed Cyborg Choir (30 sept. - 4 oct., Mainline Theatre)

Meta Gruau (3 oct., Quai des brumes)

Mt. St. Helen's Vietnam Band (2 oct., O Patro Vys)

Les Momies de Palerme (3 oct. Barfly)

(Jean-Christophe Laurence)

Cinq artistes montréalais émergents à surveiller

Meta Gruau (3 oct., Quai des brumes). Un peu de dance, un peu de punk, un peu d'électro. Si vous aimez: Devo, We Are Wolves

tUnE-YaRdS (2 oct., Musée d'art contemporain): One woman show avec yukulele, bruits et voix unique. Si vous aimez: Flaming Lips, les comptines pour enfant surréalistes et un peu terrifiantes.

Silly Kissers (1er oct., Preloved; 3 oct. Divan Orange). Pop à claviers d'influence années 80. Si vous aimez: The Human League.

Witchies (3 oct., L'Escogriffe). Rock «indé» épique et mélodique. Si vous aimez: The Wolf Parade, David Bowie.

Hindu Kush (2 oct., Quai des Brumes). Hip-hop old school et réfléchi. Si vous aimez: A Tribe Called Quest.

Jerusalem in My Heart (3 oct. Théâtre Outremont). Psychédélisme moyen-oriental, revisité par 8 musiciens et 50 choristes. Si vous aimez: Fairuz, Farid El Atrache, Jimi Hendrix.

(Jean-Christophe Laurence)

Trois salles à découvrir

Du Temple maçonnique à la Fédération ukrainienne, Pop Montréal s'est fait le spécialiste des salles de spectacles inconnues et sorties de nulle part. En voici trois pour 2009.

Espace Réunion (6600, rue Hutchison). Une ancienne usine de farine reconvertie en espace artistique de 10 000 pieds carrés. Centre vital de Pop Montréal 2009, avec sa brochette de concerts, de conférences et d'installations artistiques.

Le Milieu (6545, rue Durocher # 200). «Le Milieu est un cube. Libre à toi de l'exploiter.» Loft et centre de diffusion artistique, situé à un jet de pierre du Mile End.

Il Motore (179, rue Jean-Talon Ouest). On a peu entendu parler de cette nouvelle salle, depuis son ouverture l'hiver dernier. Cousine de la Sala Rossa, Il Motore témoigne de la revitalisation culturelle dans le secteur du métro De Castelnau.

(Jean-Christophe Laurence)