À part quelques noms connus, souvent masculins - Patrick Senécal, François Lévesque, Ariane Gélinas -, le genre horrifique ou fantastique n'est pas très pratiqué en littérature québécoise, malgré sa popularité indéniable. Aussi, le recueil Monstres et fantômes, qui offre 15 nouvelles d'horreur, est quelque chose d'assez rare, d'abord dans le genre, ensuite du fait qu'elles sont toutes écrites par des femmes.

Mais, plus intéressant encore, Monstres et fantômes, malgré son titre générique et très ordinaire, nous épargne ce que l'on reproche le plus souvent aux collectifs: l'inégalité des textes et l'impression parfois d'un livre fait de fonds de tiroirs ou de commandes écrites sur un coin de table à l'heure du deadline.

Avec Monstres et fantômes, on se rend compte que ça faisait un bon bout de temps qu'on avait sacré à voix haute en lisant un livre. Dans le sens positif. Dans le sens de «Ben voyons donc, cri***!» ou «Arke! Non!». Stéphane Dompierre, qui a dirigé ce projet, a réuni une belle bande d'écrivaines plutôt aguerries, pas forcément connues dans le rayon de l'horreur, mais qui ont très bien respecté la consigne: nous terrifier. On se sent comme dans un sinistre bal de débutantes à la Carrie de Stephen King, sauf que Carrie, c'est nous, pauvres lecteurs, et on reçoit tout un bain de sang sur la tête. Leurs noms? Mélikah Abdelmoumen, Jade Bérubé, Fanny Bloom, Stéphanie Boulay, Catherine Côté, Marie Demers, Fanie Demeule, Laurence Gough, Geneviève Jannelle, Marie-Hélène Larochelle, Véronique Marcotte, Maude Nepveu-Villeneuve, Mikella Nicol, Erika Soucy et Mélissa Verreault.

De l'inquiétante étrangeté au slasher et à l'épouvante en passant par le gore le plus dégueulasse, il y en a pour tous les goûts dans ce recueil. Dans la nouvelle qui ouvre le livre, Le poids de Stéphanie Boulay, c'est une maison qui hante sa propriétaire plus qu'elle n'est hantée, écrite de manière classique et, de ce fait, efficace, qui met la table. Du côté haut-le-coeur, rien ne surpasse ce rendez-vous Tinder qui vire très mal pour un gars tel qu'on peut le lire dans Crudité de Marie-Hélène Larochelle, ou cette virée sanglante avec des néonazis imaginée par Erika Soucy dans Amigore Express (dont l'humour absurde renforce l'horreur), et cette vengeance épouvantable sur la table d'un chirurgien esthétique, avec de la musique des années 80 en fond sonore, de Love Will Tear Us Apart de Marie Demers.

On y trouve même des nouvelles dont l'horreur est parfaitement poignante, émotive, dont les chutes nous déchirent le coeur. C'est le cas de Montréal brûle de Mélikah Abdelmoumen, qui s'inspire du climat d'angoisse terroriste qu'elle a vécu en France, de la nouvelle Les renégates de Jade Bérubé qui offre une logorrhée antimaternité hallucinante et empoisonnée ou de Quel beau chalet, hein de Catherine Côté, qui clôt le livre, d'une violence sidérante et douloureuse jusqu'à l'insupportable.

Pour l'Halloween qui approche, lâchez donc Netflix et gâtez-vous au lit avec un party pyjama de filles, toutes plus perverses les unes que les autres dans l'écriture, et qui vous donneront à coup sûr des sueurs froides. Mais ne vous plaignez pas après de faire de l'insomnie...

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Monstres et fantômes. Collectif. La Shop, Québec Amérique. 350 pages.