Depuis plus de 50 ans, il multiplie les disques de chansons. Il a de plus publié cinq recueils de poésie, trois contes ainsi qu’un livre d’histoire acadienne destiné aux salles de classe de la Louisiane. Or, voici qu’à 73 ans, Zachary Richard ajoute une nouvelle corde à son arc bien garni : celui de romancier.

En effet, l’auteur-compositeur-interprète a fait paraître le mois dernier aux Éditions Libre Expression le roman Les rafales du carême. Diplômé en histoire de l’Université Tulane de La Nouvelle-Orléans, Zachary Richard s’est naturellement tourné vers la fresque historique pour son premier roman.

« Ce livre raconte un fait divers qui s’est passé à la fin du XIXsiècle dans mon village natal de Scott. Deux très jeunes hommes ont été accusés du meurtre d’un marchand local. La cause a fait grand bruit à l’époque. Il y a eu des entrevues dans les journaux. Cette histoire fait partie du folklore du village. »

Ce fait divers qui a toujours fasciné Zachary Richard lui a servi de tremplin pour écrire son roman choral. La narration est souvent assurée – mais pas toujours – par André, jeune homme de 17 ans qui rêve de courses de chevaux. Il découvre le monde auprès de son grand-père paternel, l’imposant Drozin Boudreaux. Devenu riche par l’arrivée du chemin de fer sur ses terres, cet homme d’influence tente de renaître de ses cendres tel un phénix, dans un monde en plein bouleversement après la guerre de Sécession.

Est-ce que ce Drozin Boudreaux a réellement existé ? « Mon arrière-arrière-arrière-grand-père s’appelait Drozin, mais le reste est inventé. J’ai tout de même voulu raconter dans ce roman la venue à La Nouvelle-Orléans de personnages célèbres, dont Sarah Bernhardt, qui y est passée 12 fois. »

La discipline du romancier

Pourquoi avoir attendu si longtemps avant de passer de la poésie à la prose ? « Pendant 30 ans, j’ai rempli des cahiers de pattes de mouche pour des projets de roman, mais je n’avais pas la discipline pour poursuivre ce travail en tournée, ce qui arrivait souvent. Quand je reprenais le cahier à mon retour, je trouvais que je n’avais écrit que de la merde. Et je mettais le cahier de côté… »

Lorsque la pandémie a frappé, il a ressorti ses 12 cahiers et les a relus. « Et en effet, c’était à peu près de la merde ! » Mais l’envie du roman était intacte. Et il avait le temps du confiné de son côté…

Il s’est donc penché chaque jour sur sa table de travail pour ajouter des mots à son moulin. « On ne fait pas de roman en dilettante. Ça exige un engagement : il faut poser une brique à la fois. En poésie, la rencontre avec la muse est instantanée. Pour le roman, je n’ai pas travaillé avec un canevas comme d’autres le font. J’ai suivi le flot. J’avais confiance qu’une fois dans le canoë, le courant allait me transporter. »

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Zachary Richard signe le roman Les rafales du carême.

Ce n’est qu’à la fin que j’ai su comment se terminait cette histoire. Et quand je m’en suis aperçu, j’ai pleuré à chaudes larmes… Je pouvais réconcilier d’anciennes haines avec cette histoire sur la force du pardon.

Zachary Richard

Outre l’envie de raconter une histoire autrement que par ses chansons, Zachary Richard a eu envie de donner une vitrine à la culture louisianaise francophone telle que l’ont vécue ses grands-parents et ceux avant eux. « J’ai voulu montrer la sonorité et la texture de cette culture cadienne que j’ai connue et qui a disparu aujourd’hui. »

Autre élément intéressant de ce roman planté dans le camp des perdants de la guerre de Sécession : la relation complexe entre les anciens maîtres et les anciens esclaves. « Les repères étaient abattus. Les relations entre les descendants africains et ceux venus de l’Europe étaient beaucoup moins simplistes et unidimensionnelles qu’on pourrait le croire… »

Une langue à choisir

Pour ce premier roman, Zachary Richard s’est posé de nombreuses questions sur la langue qu’il souhaitait utiliser. Fallait-il mettre de l’avant « l’exotisme de la parole louisianaise » ou plutôt favoriser un français plus international ? Il a choisi la deuxième option, mais il glisse ici et là des expressions bien locales qui nous rappellent qu’on est en terre cadienne. « J’ai marché tout du long sur une corde raide. »

Avec Les rafales du carême, Zachary Richard devient le premier auteur louisianais de langue française à publier un roman depuis 1894. « La dernière a été Sidonie de La Houssaye, qui écrivait des romans en série dans les journaux. Au début du XXe siècle, le rouleau compresseur de la culture américaine nous est passé dessus, notamment avec l’adoption de la loi sur l’éducation. Mes parents ont vécu une assimilation linguistique brutale… »

Il est le premier en 129 ans à écrire un roman en français en Louisiane. Mais il a bon espoir pour la suite. « D’autres vont suivre, j’en suis certain. » Et pense-t-il de son côté se remettre à sa table pour un deuxième roman ? « On verra ce que les muses décideront. »

Zachary Richard au Salon du livre

L’auteur cadien participera à de nombreuses activités lors du Salon du livre. Outre les séances de dédicaces, en solo ou avec d’autres auteurs louisianais, il participera à deux tables rondes et à un spectacle cabaret. Il offrira aussi une lecture publique en plus d’être au cœur d’un Grand entretien animé par Catherine Richer.

Consultez l’horaire des activités avec Zachary Richard au Salon du livre
Les rafales du carême

Les rafales du carême

Libre Expression

400 pages