Il s’en passe, des choses, dans ce roman qui pourtant s’intitule Rien… Il compte plus de 500 pages. Il y a tellement de personnages qu’il a été nécessaire d’en faire une liste et de les décrire brièvement à la fin de l’ouvrage. L’intrigue est ambitieuse, complexe : il faut faire un petit effort pour ne pas perdre le fil.

C’est un roman très actuel, anxiogène. L’humanité ne fait pas grand-chose pour contrer les changements climatiques. Pour cette raison, elle se dirige lentement mais sûrement vers la catastrophe. Les jeunes souffrent d’une telle écoanxiété qu’ils se tournent vers des mouvements écoterroristes ou nihilistes (d’où le titre du livre).

Quelques riches personnages à la moralité douteuse se demandent s’il y a moyen de survivre confortablement au chaos et même d’en profiter, financièrement parlant. Ils mettent en place un plan diabolique qui implique une sombre magouille immobilière dans les Laurentides et une série de meurtres spectaculaires à travers la planète.

C’est ici qu’entre en scène Henri Dufaux, inspecteur-chef au Service de police de la Ville de Montréal, un personnage récurrent de l’auteur québécois Jean-Jacques Pelletier. Henri Dufaux est le genre de héros qu’on trouve fréquemment dans les polars scandinaves : un enquêteur d’un certain âge, solitaire, un peu bourru, mais intègre. L’auteur n’est pas tendre avec lui et lui fait vivre maints tourments. Toutefois, Jean-Jacques Pelletier sort un peu du moule et introduit une petite dose d’humour en donnant à son héros un « critique intérieur » : une voix cynique qui se fait entendre dans la tête de l’inspecteur et qui entame avec lui des dialogues joyeusement grinçants.

Plusieurs autres personnages sont également des classiques du genre : le haut gradé qui a pris sa retraite, mais qui demeure de bon conseil, la collaboratrice ultra-compétente, ou encore la jeune fille autiste. On est en terrain connu.

Heureusement, la structure du roman est très habile. On change de narrateur d’un chapitre à l’autre, passant d’un narrateur omniscient à Henri Dufaux lui-même (et à son critique intérieur). Jean-Jacques Pelletier insère ici et là des extraits de bulletins de nouvelles ou d’entrevues, des blogues, des conversations sur les médias sociaux. Cela permet d’ancrer l’action dans la réalité contemporaine, qu’il s’agisse des derniers soubresauts de la COVID, de l’invasion russe en Ukraine ou des derniers faits les plus déprimants sur la santé de la planète.

Les échanges sur les réseaux sociaux ne sont pas non plus de nature à remonter le moral : ils sont fictifs, mais ils reflètent parfaitement (et malheureusement) le niveau pitoyable qu’on peut retrouver dans la « vraie » vie.

Ceux qui aiment se plonger dans une intrigue bien huilée tout en réfléchissant aux conséquences de l’immobilisme environnemental apprécieront le dernier roman de Jean-Jacques Pelletier.

Ceux qui veulent simplement se divertir et plonger dans l’oubli devront peut-être choisir autre chose comme lecture de chevet.

Rien…

Rien…

À Lire

504 pages

6,5/10